Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2008.
Par un jugement n° 1500488 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 janvier 2017 et le 27 septembre 2017, la société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 4 octobre 2016 et de prononcer la décharge des cotisations en litige ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé : il ne répond pas au moyen soulevé tiré de ce que les dispositions de l'article 209 du code général des impôts ne peuvent pas s'appliquer aux exercices clos des années 2008 et 2009, et le tribunal s'est en outre contenté d'affirmer que l'administration avait fait une exacte application des dispositions de l'article 217 bis du code général des impôts ;
- au fond : l'abattement prévu par les dispositions de l'article 217 bis du code général des impôts doit être calculé avant l'imputation d'éventuels déficits antérieurs ; en effet, les déficits reportables de la société ont déjà été abattus du tiers de sorte que le raisonnement de l'administration revient à appliquer deux fois ledit abattement ;
- en outre, dans une décision administrative individuelle du 13 mars 2014 l'administration a déjà admis cet ordre d'imputation des déficits.
Par des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2017 et le 30 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Une ordonnance du 15 janvier 2019 a fixé la clôture d'instruction de cette affaire au 15 février 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a contesté les modalités retenues pour le calcul de l'abattement du tiers prévu par les dispositions de l'article 217 bis du code général des impôts alors en vigueur. La société a contesté devant le tribunal administratif de la Martinique la cotisation d'impôt sur les sociétés qui a résulté de ce contrôle. Par la présente requête, elle interjette appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de cette cotisation d'impôt sur les sociétés.
Sur la régularité du jugement :
2. Le jugement attaqué a fait application des dispositions combinées des articles 209 et 217 bis du code général des impôts et a ainsi, implicitement mais nécessairement, répondu au moyen tiré de la non-application aux années en litige, à savoir les exercices clos 2008 et 2009, des dispositions de l'article 209 du code général des impôts. En outre, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a suffisamment indiqué les motifs retenus pour rejeter la demande présentée. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :
En ce qui concerne la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 217 bis du code général des impôts, alors en vigueur : " Les résultats provenant d'exploitations situées dans les départements d'outre-mer et appartenant aux secteurs éligibles mentionnés au I de l'article 199 undecies B ne sont retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés que pour les deux tiers de leur montant. (...) " et aux termes du I de l'article 209 du même code, applicable au litige : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants. ".
4. Il résulte de ces dispositions combinées que l'abattement prévu par l'article 217 bis du code général des impôts s'applique au résultat des exploitations pouvant en bénéficier, net des charges de l'exercice qui comprennent, le cas échéant, l'imputation des déficits des exercices antérieurs restant à reporter conformément aux dispositions précitées de l'article 209 du même code.
5. Il résulte de l'instruction que la société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie, au 1er novembre 2007, date d'ouverture du premier exercice non couvert par la prescription, accusait des déficits restant à reporter d'un montant total de 7 195 848 euros et un bénéfice comptable de 7 792 917 euros. La société, qui pouvait prétendre au report de ces déficits antérieurs au titre de cet exercice clos le 31 octobre 2008, a toutefois estimé pouvoir appliquer une réduction du tiers de l'assiette de son résultat soumis à imposition en application de l'article 217 bis du code général des impôts, qu'elle a opérée avant imputation de la charge de ses déficits reportables, réduisant ainsi à zéro l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
6. C'est à bon droit que l'administration, par une exacte application des dispositions précitées, a imputé l'intégralité des déficits antérieurs reportables au résultat de l'exercice s'élevant à 7 548 120 euros après réintégrations et déductions de charges antérieurement prises en compte pour l'imposition, qu'elle a ainsi rectifié l'assiette de l'impôt sur les sociétés et appliqué la réduction de base prévue par l'article 217 bis du code général des impôts à cette assiette rectifiée. La société n'est donc pas fondée à contester le résultat imposable de 352 272 euros fixé par l'administration. Aucun déficit à reporter sur l'exercice 2009 n'ayant ainsi subsisté, l'administration était encore fondée à rectifier le résultat imposable de ce second exercice par voie de conséquence.
7. En outre, la société, pour contester l'application de la réduction du tiers de la base d'imposition prévue par l'article 217 bis, telle qu'elle lui a été appliquée, selon les modalités précisées au point précédent, ne saurait utilement se prévaloir de ce que les résultats déficitaires des exercices antérieurs ont eux-mêmes subi une réduction de base d'un tiers avant report sur l'exercice en litige, au demeurant régulière.
En ce qui concerne la doctrine :
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) " et il résulte du 1° de l'article L. 80 B du même livre que la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : " Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
9. La société appelante ne peut se prévaloir de la garantie instituée par l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se trouve dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée, résultant d'une décision de l'administration fiscale du 13 mars 2014 adressée à un autre contribuable, a été portée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par la société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Martiniquaise Villages Vacances Hôtellerie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme B..., premier conseiller
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
Le rapporteur,
B...
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00056