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21/03/2019 | FRANCE | N°17BX00537

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17BX00537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Université de Pau et des Pays de l'Adour a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner, in solidum, la société Camborde et Lamaison Architectes, le bureau d'études techniques ECCTA Ingénierie et la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (S.O.P.C.Z) à l'indemniser des désordres affectant l'immeuble de l'institut pluridisciplinaire de la recherche sur l'environnement et les matériaux (IPREM) de Pau, à hauteur de la somme totale de 320 854,84 euros TTC, cette condamnation devant

tre assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1500787 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Université de Pau et des Pays de l'Adour a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner, in solidum, la société Camborde et Lamaison Architectes, le bureau d'études techniques ECCTA Ingénierie et la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (S.O.P.C.Z) à l'indemniser des désordres affectant l'immeuble de l'institut pluridisciplinaire de la recherche sur l'environnement et les matériaux (IPREM) de Pau, à hauteur de la somme totale de 320 854,84 euros TTC, cette condamnation devant être assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1500787 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 février 2017, 7 avril 2017 et 10 juillet 2017, l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2016 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de condamner, in solidum, la société Camborde et Lamaison Architectes, la société ECCTA Ingénierie et la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (S.O.P.C.Z) à lui verser une somme totale de 320 854,84 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge, in solidum, de la société Camborde et Lamaison Architectes, la société ECCTA Ingénierie et la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (S.O.P.C.Z), une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le litige ressortit à la compétence de la juridiction administrative dès lors qu'il est relatif à des dommages de travaux publics ;

- le tribunal a rejeté sa demande en soulevant d'office un moyen, sans avertir préalablement les parties ;

- elle est recevable, et fondée, comme utilisateur de l'ouvrage public, à mettre en jeu la responsabilité des entreprises sur le fondement des dommages de travaux publics ou celui de la responsabilité pour faute ; elle a la qualité d'usager de l'ouvrage et bénéficie à ce titre du régime de responsabilité pour faute présumée ; l'ouvrage a été réalisé par la région Aquitaine mais est la propriété de l'Etat ; or, elle a conclu un contrat d'occupation de l'ouvrage avec l'Etat, et non avec le maître d'ouvrage ; les préjudices ont été, dans leur quasi-totalité, subis avant la conclusion de ce contrat d'occupation ;

- les préjudices subis pour la période allant de 2008 à 2011 ont été évalués à la somme de 233 885 euros TTC ; entre 2011 et 2014, ses préjudices se sont montés à la somme totale de 86 974,36 euros TTC ; elle ne récupère pas la TVA, de sorte qu'elle doit être indemnisée taxe incluse ;

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2017, la société Verdi Bâtiment sud-ouest, venant aux droits de la société ECCTA ingénierie, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a rejeté la requête en s'appuyant sur son argumentation, sans relever d'office un moyen ;

- l'université n'a pas conclu de contrat administratif avec les entreprises en cause, de sorte que le litige, extracontractuel, relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;

- l'université ne justifie pas d'une délibération l'autorisant à ester en justice ;

- le préjudice dont l'université demande la réparation n'est que la conséquence du désordre décennal et ne saurait ainsi être indemnisé sur le fondement d'un autre régime de responsabilité mis en oeuvre par le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 décembre 2014 ;

- l'université de Pau ne justifie pas de sa qualité d'usager de l'ouvrage pour la période allant de 2008 à 2011 ;

- s'agissant des préjudices invoqués postérieurs à la période sur laquelle porte l'expertise judiciaire, elle ne justifie pas davantage de sa qualité d'usager ni même du lien de causalité entre les dépenses et les désordres en cause ; de plus, le jugement du 30 décembre 2014 a alloué à la région Aquitaine une indemnité en vue de remédier aux désordres, de sorte qu'elle devait à compter de cette date réaliser les travaux de remise en état ;

- les demandes indemnitaires ne sont pas justifiées, le rapport d'expertise n'ayant pas d'autorité particulière ; ni la réalité des dépenses, ni leur imputabilité, ne sont établies ;

- il résulte en toute hypothèse de la convention d'utilisation produite que l'entretien des installations était à la charge de l'université ; or, il n'est pas démontré que les dépenses en cause ne relèveraient pas de l'entretien courant qui était à sa charge.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2017, la société Camborde Architectes, anciennement dénommée société Camborde et Lamaison Architectes, représentée par Me C..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société Verdi Bâtiment sud-ouest et de la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (S.O.P.C.Z) à la garantir intégralement des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, et à ce que soit mise à la charge de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, de la société Verdi Bâtiment sud-ouest et de la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (S.O.P.C.Z) une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l'égard d'une personne publique ;

- les demandes de l'université sont irrecevables faute de justifier d'une autorisation préalable du conseil d'administration pour intenter la présente action en justice ; la délibération produite au dossier est signée par le seul président de l'université et ne définit pas les cas précis et spéciaux dans lesquels le président pourra ester en justice au nom de l'université ; la délibération du 5 novembre 2015 est postérieure à l'introduction de la requête ;

- seule la responsabilité du maitre de l'ouvrage peut être recherchée dans le cadre d'une action en responsabilité pour dommages de travaux publics, à charge ensuite pour le maitre d'ouvrage d'appeler en garantie le constructeur ; la victime peut, le cas échéant, rechercher conjointement la responsabilité du maitre d'ouvrage et de l'entrepreneur privé ;

- le moyen sur lequel le tribunal s'est fondé était l'objet d'une discussion entre les parties ;

- il résulte des pièces contractuelles que la société ECCTA ingénierie assurait seule la maitrise d'oeuvre du lot n° 14 " fluides spéciaux " ; les désordres en cause, et leurs conséquences, ne lui sont ainsi pas imputables ; il conviendra à tout le moins de la garantir contre toute condamnation ;

- s'agissant des demandes indemnitaires, l'université sollicite à deux reprises le coût de mesures compensatoires pour l'année 2011 ; la somme de 86.974,36 euros T.T.C. n'est corroborée ou justifiée par aucune pièce ni aucun calcul ; la Cour limitera, donc, en tous les cas, toute éventuelle indemnité à la somme de 220.109,00 euros T.T.C, telle que chiffrée par 1'expert judiciaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2017, la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (S.O.P.C.Z), représentée par la société d'avocats De Tassigny et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens retenus par le tribunal administratif de Pau avaient été soulevés par les parties ;

- le jugement du tribunal administratif de Pau du 30 décembre 2014 est revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

- la somme de 86 974,36 euros T.T.C. n'est pas justifiée et correspond à des postes de préjudice qui avaient été écartés par l'expert judiciaire ;

- l'université étant assujettie à la TVA, elle ne peut solliciter une condamnation toute taxes comprises.

Par une ordonnance du 28 juin 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 septembre 2017 à 12 heures.

Les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'éducation ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant l'Université de Pau et des Pays de l'Adour,

- les observations de MeD..., représentant la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs,

- et les observations de MeA..., représentant la société Camborde et Lamaison Architectes.

Une note en délibéré présentée par l'Université de Pau a été enregistrée le 26 février 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La région Aquitaine, en qualité de maître d'ouvrage, a délégué à la société d'équipement des Pays de l'Adour (SEPA) la maîtrise d'ouvrage déléguée de la construction, à Pau, du bâtiment destiné à accueillir les unités et laboratoires de recherche de l'Institut pluridisciplinaire de recherche sur l'environnement et les matériaux (IPREM), qui dépend de l'Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à un groupement conjoint et solidaire constitué de la société Camborde et Lamaison Architectes, mandataire du groupement, et de la société ECCTA Ingénierie, bureau d'étude technique, et le lot n° 14 " fluides spéciaux " a été attribué à la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs (SOPCZ). La réception définitive des travaux a pris effet le 25 janvier 2008, après levée des réserves émises. Dès la mise en service du bâtiment, les utilisateurs ont constaté la présence d'impuretés et de matières organiques dans les réseaux des fluides spéciaux. Saisi par la région Aquitaine, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a, par une ordonnance du 2 septembre 2010, ordonné la réalisation d'une expertise aux fins, notamment, de rechercher l'origine et l'étendue de ces désordres ainsi que les préjudices subis par la région Aquitaine et l'UPPA. Le rapport d'expertise a été déposé le 5 novembre 2012. Par un jugement du 30 décembre 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, condamné in solidum les sociétés Camborde Architectes, ECCTA Ingénierie et SOPCZ à verser à la région Aquitaine une indemnité de 88 000 euros TTC correspondant aux frais de remise en état du réseau de distribution des gaz rares et spéciaux du bâtiment en cause. L'UPPA, se prévalant de sa qualité d'usager du bâtiment de l'IPREM, a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation, in solidum, des sociétés Camborde Architectes, ECCTA Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société Verdi Bâtiment sud-ouest, et SOPCZ, à lui verser une somme totale de 320 854,84 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis de 2008 à 2014, liés aux désordres affectant les réseaux de distribution des fluides spéciaux dudit bâtiment. Elle fait appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. La construction du bâtiment de l'IPREM, à Pau, a été réalisée pour le compte d'une personne publique, la région Aquitaine, dans un but d'utilité générale, et constitue par suite une opération de travaux publics. Dans ces conditions, et alors même qu'elle est dirigée contre des sociétés de droit privé avec lesquelles elle n'a pas de lien contractuel, l'action en responsabilité engagée par l'UPPA sur le fondement des dommages de travaux publics ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. L'administration est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu'elle a le pouvoir de prendre. Or, l'UPPA, si elle s'y croit fondée, peut émettre des titres exécutoires à l'encontre de ses débiteurs. Elle n'est par suite pas recevable à saisir directement le juge administratif d'une demande tendant au recouvrement de la créance qu'elle estime détenir sur les sociétés de droit privé Camborde Architectes, ECCTA Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société Verdi Bâtiment sud-ouest, et SOPCZ, cette créance ne trouvant pas son origine dans un contrat. Sa demande de première instance était ainsi irrecevable.

4. Il résulte de ce qui précède que l'UPPA n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, à la société des ouvriers plombiers, couvreurs, zingueurs, à la société Verdi Bâtiment sud-ouest et à la société Camborde et Lamaison Architectes.

Délibéré après l'audience du 21 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX00537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00537
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-05-005 Procédure. Introduction de l'instance. Qualité pour agir. Représentation des personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : GALLARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-21;17bx00537 ?
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