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18/03/2019 | FRANCE | N°17BX01984,17BX03097

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 18 mars 2019, 17BX01984,17BX03097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé devant le tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 038,99 euros qu'il estimait lui être due au 31 décembre 2012, portée depuis cette date dans la comptabilité de la conservation des hypothèques du 2ème bureau de Toulouse, assortie des intérêts moratoires de droit et de condamner l'Etat à lui verser les salaires acquis au titre des années 2010 à 2012, assortis des intérêts moratoires de droit.

Par un jugement n° 1405766 du 27 avril

2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B...la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé devant le tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 038,99 euros qu'il estimait lui être due au 31 décembre 2012, portée depuis cette date dans la comptabilité de la conservation des hypothèques du 2ème bureau de Toulouse, assortie des intérêts moratoires de droit et de condamner l'Etat à lui verser les salaires acquis au titre des années 2010 à 2012, assortis des intérêts moratoires de droit.

Par un jugement n° 1405766 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme correspondant à la différence entre les salaires demi-nets qu'il aurait dû percevoir de 2010 à 2012, calculés dans les conditions prévues au point 9 du jugement, et les salaires demi-nets effectivement perçus au cours de ces années et a renvoyé M. B...devant le ministre des finances et des comptes publics pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme, ces condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2014.

Procédures devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017, sous le n° 17BX01984, le ministre de l'économie et le ministre de l'action et des comptes publics, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. B...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors qu'il avait été produit devant le tribunal administratif, le 16 mars 2017, sous forme de pièce complémentaire, l'arrêt du CE, Czabaj du 13 juillet 2016, n° 387763, et que le tribunal s'est abstenu de répondre au moyen invoqué alors qu'il devait y répondre dès lors que le requérant demandait à ce qu'il soit enjoint à l'administration de recalculer les salaires qu'il avait perçus au titre des années 2010 à 2012, lesquels ont été formalisés par des tableaux de synthèse et des bulletins de paye mensuels, alors que la demande indemnitaire présentée par M. B...n'a été adressée que le 2 septembre 2014 en lettre recommandée avec accusé de réception et réceptionnée par l'administration le 4 septembre suivant ;

- en ce qui concerne la légalité interne, le jugement du tribunal administratif est entaché de plusieurs erreurs de droit ; en effet, si l'article 884 du code général des impôts relatif aux prélèvements effectués par le Trésor Public, sur les salaires bruts annuels des conservateurs des hypothèques, renvoyait pour son application, à l'article 67 de l'annexe IV au code général des impôts, cet article 67 a été supprimé à compter du 3 avril 2008 par un arrêté du 1er avril 2008 selon lequel " les dispositions de l'article 67 de l'annexe IV sont disjointes " ; les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que les dispositions de l'arrêté du 3 septembre 2001 étaient applicables alors que ces dispositions avaient été disjointes de l'article 67 de l'annexe IV par l'arrêté du 1er avril 2008 et n'étaient donc pas opposables à l'administration ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a considéré que M. B... avait droit aux versements de " salaires demi-nets " calculés après prélèvements du Trésor Public sur le fondement de l'article 67 de l'annexe IV au code général des impôts dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 septembre 2001 ; le tribunal a également commis une erreur de droit en considérant que le Trésor Public ne pouvait effectuer des prélèvements au profit du Trésor Public sur les salaires bruts des conservateurs des hypothèques sur le fondement de l'arrêté du 9 novembre 2005, au motif que cet arrêté n'ayant pas fait l'objet d'une publication régulière, était inopposable à M. B... ; en effet cet arrêté s'il n'était pas mentionné à l'article 67 de l'annexe IV au code général des impôts, avait fait l'objet d'une diffusion régulière et a ainsi été porté à la connaissance de M. B... ; les taux de prélèvements fixés par l'arrêté du 9 novembre 2005 lui étaient donc parfaitement opposables au titre de la période 2010-2012 ; en effet, l'arrêté ministériel du 9 novembre 2005 a donné lieu à une note PBO n° 83, du 7 décembre 2005, signée par la sous-directeur du budget et de la logistique de la direction générale des impôts à l'attention des délégués et directeurs de la DGI, en vue notamment d'effectuer la liquidation des salaires demi-nets des conservateurs des hypothèques, les taux de prélèvement ayant été repris par la note du 4 avril 2008 ; M. B... n'a jamais remis en cause la légalité de la note interne du 4 avril 2008, ni interrogé sa direction ou les services centraux pour obtenir une information sur le barème du prélèvement ; en tout état de cause, les prélèvements litigieux étaient devenus définitifs à la date à laquelle le jugement attaqué a été rendu ; en effet, en vertu de l'article 81 de la section IV " Autres créances " du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, dans sa version applicable jusqu'au 10 novembre 2012, " il ne peut être procédé à aucune révision de liquidation lorsque les comptes ont été acceptés par la partie ou réglés par des décisions administratives devenues définitives " ; en l'espèce, les prélèvements du Trésor Public, s'élevant respectivement pour les années 2010, 2011 et 2012, à des montants respectifs de 2 557 121 euros, 3 695 703 euros, et 4 388 696 euros, déterminant des rémunérations de M. B..., au titre des salaires demi-net annuels, s'élevant respectivement pour les années 2010, 2011 et 2012, à 154 407,19 euros, 180 728,28 euros et 196 679,52 euros ; ces prélèvements, qui ont le caractère de recettes non fiscales ont été validés par M. B... dans le cadre de chaque exercice comptable, 2010, 2011 et 2012, et ont été définitivement intégrés dans la comptabilité de l'Etat ; les prélèvements effectués sur les salaires de M. B..., de 2010 à 2012 étaient donc devenus définitifs à la date à laquelle le jugement du tribunal administratif a été rendu ; il appartenait à la conservation des hypothèques d'intégrer tous les mois dans l'application " Fidji ", les résultats financiers de son activité, correspondant aux salaires bruts versés par les usagers, ce qui permettait à cette application de calculer le montant des prélèvements du Trésor Public, opérés par tranches selon un taux progressif et d'ainsi d'auto-liquider le salaire demi-net de M. B... ; M. B... a approuvé mensuellement et annuellement, au titre des années 2010 à 2012, les prélèvements du Trésor Public, et n'a émis aucune contestation à cet égard ; par ailleurs, les prélèvements effectués sur les salaires bruts des conservateurs des hypothèques, ont été consacrés par les lois de finances successives entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2012 ; ces prélèvements sont donc devenus des recettes budgétaires insusceptibles d'être remises en cause ; par ailleurs, il convient de faire application du principe de sécurité juridique posé par l'arrêt du CE, Czabaj du 13 juillet 2016, n° 387763 ; dans cet arrêt, le Conseil d'Etat a considéré au sujet d'une requérante qui avait eu connaissance d'une décision de suspension de son droit au revenu minimum d'insertion au plus tard le 16 décembre 2008, et avait formé un recours contre cette décision plus de six ans après avoir eu connaissance de la décision attaquée, que la requête était tardive ; en l'espèce, M. B... qui avait connaissance tous les mois de ses salaires bruts, demi-nets et nets, et qui recevait des bulletins de paye mensuellement et des tableaux de synthèse de ses salaires de l'année, ne les a jamais contestés dans un délai raisonnable d'un an, à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ; M. B... a formé son recours indemnitaire le 2 septembre 2014, soit plus de 20 mois après le versement de son dernier salaire de décembre 2012, en sa qualité de conservateur des hypothèques de Toulouse 2 ; ainsi, conformément à la jurisprudence du CE, Czabaj du 13 juillet 2016, n° 38776, le recours juridictionnel de M. B... du 2 décembre 2014 était tardif ; M. B... n'a produit en première instance aucune pièce de nature à démontrer que des " circonstances particulières " l'auraient empêché de présenter son recours juridictionnel et sa demande préalable dans le délai raisonnable d'un an suivant son dernier salaire de décembre 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2017, M. B... représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête du ministre de l'économie et du ministre de l'action et des comptes publics et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- il avait repéré des anomalies dans le versement de ses salaires, de par le rapport de la Cour des Comptes de 2007 sur les conservations des hypothèques ; les salaires mensuels étaient calculés par l'application informatique " Fidji ", sans aucune possibilité d'information des conservateurs, qui n'avaient pas accès à ce logiciel ; l'administration n'a jamais communiqué aux conservateurs des hypothèques, ni lors de leurs prises de fonctions, ni pendant l'exercice de leurs fonctions, les modalités de calcul de leur salaires ni surtout que ce calcul était effectué en dehors du cadre légal de l'article 67 de l'annexe 4 du code général des impôts ; il a à plusieurs reprises adressé des demandes d'explication sur ce point tant à sa hiérarchie locale qu'au bureau gestionnaire de l'administration centrale, mais n'a jamais reçu de réponse ; c'est pourquoi il a dû engager une action contentieuse dès son départ à la retraite en septembre 2014 ; ce n'est que le 5 janvier 2016, que l'administration a communiqué devant le tribunal administratif de Toulouse, les éléments de calcul de sa rémunération, soit plus de six ans après sa prise de fonction et plus d'un an après son départ à la retraite ; il s'est rendu compte que les salaires qui lui étaient versés ne tenaient pas compte du mode de calcul du prélèvement au profit de l'Etat résultant de l'article 67 de l'annexe 4 du code général des impôts ; le calcul des salaires le concernant aurait dû être fait en application des dispositions l'article 884 du code général des impôts et de l'article 67 de l'annexe 4 du code général des impôts ; la différence entre les salaires qui lui ont été versés et ceux qui auraient dû lui être versés, s'élève à la somme de 601 599,25 euros ; c'est cette somme que le tribunal administratif a retenue dans son jugement ; en ce qui concerne le moyen allégué tiré de l'insuffisance de motivation du jugement, M. B...n'a pas été destinataire de la pièce complémentaire produite par l'administration devant le tribunal administratif et ne peut donc apprécier la question de la régularité du jugement ; si les ministres lui opposent en appel sur le fondement de la jurisprudence du CE, Czabaj du 13 juillet 2016, n° 387763, l'absence de présentation d'un contentieux dans le délai d'un an à compter de la réception de ses bulletins de salaire, cet arrêt n'est pas transposable à sa situation dès lors qu'il concernait le cas d'une contestation d'une pension de retraite, par un agent public, 22 ans après la notification de la pension de retraite ; en l'espèce, le contentieux qu'il présente est un litige de plein contentieux portant sur le versement de ses salaires ; en ce qui concerne la légalité des prélèvements effectués au profit du Trésor Public, pour ce qui est de l'opposabilité de l'arrêté du 9 novembre 2005 du fait de son absence de publication, l'administration tout en reconnaissant que les dispositions de cet arrêté ne figuraient pas à l'article 67 de l'annexe 4 du code général des impôts, fait valoir que cet arrêté avait fait l'objet d'une publication régulière et qu'il avait ainsi été porté à la connaissance de M. B... ; le cadre légal de calcul du prélèvement de l'Etat est constitué par l'article 884 du code général des impôts et l'article 67 de l'annexe 4 du code général des impôts ; or en l'espèce, l'arrêté du 9 novembre 2005 ne figurait pas à l'article 884 du code général des impôts et l'article 67 de l'annexe 4 du code général des impôts, ce qui ôte toute opposabilité à cet arrêté ; par ailleurs, contrairement à ce qui est affirmé, l'article 67 de l'annexe 4 au code général des impôts n'a pas été supprimé à compter du 3 avril 2008, à la suite de l'arrêté interministériel du 1er avril 2008 ; les dispositions de l'article 67 de l'annexe 4 au code général des impôts, n'ont été ni " supprimées " ni " modifiées " ni " remplacées " mais seulement " disjointes " ; l'article 67 de l'annexe 4 du code général des impôts a figuré sur Légifrance jusqu'au 31 décembre 2012 ; le fait que trois arrêtés non publiés soient intervenus en 2001, 2003, et 2005, leur retire tout caractère opposable à son égard ; contrairement à ce que soutient l'administration, il n'a pas bénéficié d'une information particulière sur ces arrêtés ; il a du attendre le 5 janvier 2016 pour avoir connaissance des éléments de calcul de ses salaires ; si l'administration soutient qu'il avait nécessairement connaissance du mode de calcul de ses salaires, lorsqu'il recevait son bulletin de salaire mensuel, il n'y est fait état ni de la méthode de calcul des salaires, ni du barème appliqué, ni de la référence au document d'origine des calculs ; ces informations capitales, qui étaient intégrées dans les logiciels de l'application Fidji, n'ont jamais été accessibles ni portés à la connaissance des conservateurs des hypothèques ; en ce qui concerne les règles budgétaires et les règles de la comptabilité publique qui s'opposeraient à la réparation des erreurs commises, elles ne peuvent lui être opposées pour lui refuser le paiement de salaires qui lui sont dus.

II- Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, sous le n° 17BX03097, le ministre de l'action et des comptes publics, demande le sursis à exécution du jugement du 27 avril 2017.

Il soutient que :

- les moyens qu'il invoque à l'appui du recours au fond sont au sens de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sérieux et de nature à justifier, outre la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fins indemnitaires accueillies par ce jugement ;

- l'exécution du jugement de première instance risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors que si ce jugement était exécuté, il aurait pour effet de contraindre l'Etat à verser à M. B...une somme difficile à déterminer eu égard aux difficultés inhérentes à la recherche des pièces justificatives des salaires bruts de M. B..., au titre des années 2010 à 2012.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 17 octobre 2017 et le 6 novembre 2017, M. B..., représenté par Me C...conclut au rejet de la requête à fins de sursis à exécution du ministre de l'action et des comptes publics et de dire que le jugement du 27 avril 2017 du tribunal administratif de Toulouse, doit être entièrement exécuté et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les ministres requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ;

- l'ordonnance n°2010-638 du 10 juin 2010 ;

- le décret modifié n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 2006-814 du 7 juillet 2006 modifié ;

- le décret n°2007-1542 du 26 octobre 2007 ;

- le décret n°2009-208 du 20 février 2009 ;

- le décret n°2010-986 du 26 août 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B...a été nommé conservateur des hypothèques de 2ème catégorie par arrêté du 17 mai 2009 et affecté, le 31 août 2009, au bureau des hypothèques de Toulouse 2 jusqu'au 1er janvier 2013. M. B...admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2014, a demandé devant le tribunal administratif de Toulouse, d'une part la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 038,99 euros figurant au 31 décembre 2012 dans la comptabilité du service de publicité foncière Toulouse 2, et d'autre part à lui payer l'intégralité des salaires acquis au titre des années 2010 à 2012. Par un jugement n° 1405766 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse, a d'une part, rejeté les conclusions de M. B...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 038,99 euros et d'autre part, en ce qui concerne les salaires de M. B... au titre des années 2010 à 2012, a condamné l'Etat à lui verser la somme correspondant à la différence entre les salaires demi-nets qu'il aurait dû percevoir de 2010 à 2012, calculés dans les conditions prévues au point 9 du jugement, et les salaires demi-nets qu'il a effectivement perçus au cours de ces années. Le tribunal administratif de Toulouse a renvoyé M. B...devant le ministre des finances et des comptes publics pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme à laquelle il a droit, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2014. Le ministre de l'économie et le ministre de l'action et des comptes publics, relèvent appel du jugement du 27 avril 2017 en tant qu'il emporte condamnation de l'Etat et le ministre de l'action et des comptes publics et en demandent le sursis à exécution.

2. Les requêtes n°s 17BX01984 et 17BX03097 présentées par le ministre de l'économie et le ministre de l'action et des comptes publics, sont relatives au même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête au fond présentée par les ministres :

Sur la régularité du jugement :

3. Les ministres soutiennent que le jugement est insuffisamment motivé, dès lors qu'il avait été produit devant le tribunal administratif, le 16 mars 2017, sous forme de pièce complémentaire, l'arrêt du Conseil d'Etat, Czabaj du 13 juillet 2016, n° 387763, et que le tribunal s'est abstenu de répondre au moyen invoqué sur le fondement de cet arrêt selon lequel M. B...avait contesté le montant de ses rémunérations au titre des années 2010 à 2012, au-delà du délai d'un an à compter de l'émission de ses fiches de paie relative aux années 2010 à 2012. Toutefois en tout état de cause, dès lors que la requête de M. B... devant le tribunal administratif tendant à la contestation des rémunérations qui lui avaient été versées au titre des années 2010 à 2012, était une requête purement indemnitaire et que les fiches de paie de M. B... ne sauraient être regardées comme ayant le caractère de décisions et donc comme constituant des décisions à objet pécuniaire, M. B...n'était pas soumis pour la présentation de sa requête indemnitaire contre l'Etat, au respect du délai d'un an posé par le Conseil d'Etat dans l'arrêt précité Czabaj du 13 juillet 2016, n° 387763. Dans ces conditions, le moyen relevant de l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat Czabaj du 13 juillet 2016, étant inopérant, l'absence de réponse par le tribunal administratif de Toulouse quant à l'application de cette jurisprudence, n'a pas entaché le jugement d'irrégularité.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

4. En premier lieu, dès lors que comme il est indiqué au point 3 du présent arrêt, ne peut être opposée l'absence de contestation par M. B...dans un délai d'un an, des mentions figurant sur ses fiches de paie, aucune tardiveté ne peut être opposée à la requête indemnitaire de M. B...formée devant le tribunal administratif après présentation le 2 septembre 2014, d'une demande indemnitaire préalable à laquelle l'administration n'a pas répondu, permettant dès lors en vertu de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce, à M. B..., la présentation d'une requête indemnitaire sans condition de délai.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, les ministres font valoir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en faisant application, pour les années 2010 à 2012, de l'article 67 de l'annexe IV du code général des impôts pour déterminer le taux des prélèvements du Trésor Public sur les sommes versées par les usagers.

6. En vertu de l'article 884 du code général des impôts, alors en vigueur : " Pour tenir compte au Trésor des dépenses qu'il assume pour l'exécution du service hypothécaire, il est établi, sur les salaires bruts annuels des conservateurs des hypothèques, un prélèvement, dont le taux, progressif par tranches, et les conditions d'application sont réglés par arrêté du ministre chargé du budget ".

7. Les premiers juges ont considéré que les taux applicables à M. B...pour les prélèvements du Trésor Public sur les sommes versées par les usagers, étaient ceux prévus par l'article 67 de l'annexe IV à ce code, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 septembre 2001 selon lequel : " Le taux du prélèvement prévu à l'article 884 du code général des impôts est fixé ainsi qu'il suit : / De 0 à 2 300 euros : néant / De 2 301 à 5 300 euros : 65 % / De 5 301 à 7 600 euros : 70 % / De 7 601 à 9 900 euros : 75 % / De 9 901 à 14 500 euros : 80 % / De 14 501 à 40 000 euros : 85 % / Au-dessus de 40 000 euros : 90 % ". Les ministres font valoir que l'article 67 de l'annexe IV au code général des impôts dans sa rédaction dont le tribunal administratif a fait application, a été supprimé par un arrêté ministériel du 1er avril 2008, portant " incorporation à l'annexe IV au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de cette annexe " publié au Journal Officiel le 2 avril 2008. Toutefois, si cet arrêté du 1er avril 2008 indique " article 67 : les dispositions de cet article sont disjointes ", ces dispositions ne sauraient en tout état de cause être interprétées comme procédant à l'abrogation de l'article 67 de l'annexe IV au code général des impôts, lequel apparait sur Légifrance, pour les années 2010 à 2012 en litige, comme se trouvant en vigueur dans sa rédaction précitée issue de l'arrêté du 3 septembre 2001. Dans ces conditions, le moyen invoqué par les ministres, tiré de l'erreur de droit, doit être écarté.

8. En deuxième lieu, les ministres font valoir que les premiers juges auraient également commis une erreur de droit, dès lors que les rémunérations dues à M. B...devaient être calculées sur le fondement de l'arrêté du 9 novembre 2005. Toutefois, si cet arrêté indique être pris sur le fondement de l'article 884 du code général des impôts et fixe les taux applicables aux prélèvements, sur les salaires bruts annuels des conservateurs des hypothèques, il est constant que cet arrêté n'a pas fait l'objet d'une publication et n'était donc pas opposable à M.B..., la circonstance que ce dernier en aurait eu par ailleurs connaissance se trouvant sans incidence sur son absence d'opposabilité.

9. En troisième et dernier lieu, les ministres font valoir que les prélèvements opérés par le Trésor Public sur les salaires dus à M. B...sont devenus définitifs au regard des règles de la comptabilité publique applicables en vertu du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ainsi que des règles budgétaires dès lors que les sommes en cause ont été inscrites dans différentes lois de finances. Toutefois, compte tenu de ce qu'au titre des années en litige, M. B..., avait la qualité de fonctionnaire de l'Etat, ses rémunérations n'étaient régies que par les dispositions législatives et réglementaires notamment celles précitées du code général des impôts et de l'arrêté du 3 septembre 2001 qui lui étaient applicables en sa qualité d'agent public, sous réserve le cas échéant, de l'application de règles de prescription, lesquelles ne sont pas en l'espèce opposées à M.B....

10. Il résulte de ce qui précède, que le ministre de l'économie et le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2014, correspondant à la différence entre les salaires demi-nets qu'il aurait dû percevoir de 2010 à 2012, calculés dans les conditions prévues au point 9 du jugement, et les salaires demi-nets qu'il a effectivement perçus au cours de ces années et a renvoyé M. B... devant le ministre des finances et des comptes publics pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette somme.

Sur la requête n° 17BX03097 tendant au sursis à exécution du jugement du 27 avril 2017 :

11. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions de la requête n° 17BX01984 il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17BX03097 qui tendent à ce que la cour sursoie à l'exécution du jugement.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat au profit de de M.B... au titre des deux instances n° 17BX01984 et n° 17BX03097 la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à fins de sursis à exécution du jugement n° 1405766 du 27 avril 2017, présentée par le ministre de l'action et des comptes publics, sous le n° 17BX03097

Article 2: La requête n° 17BX01984 du ministre de l'économie et du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 3: Il est mis à la charge de l'Etat au profit de M. B...la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mars 2019.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

9

N°s 17BX01984, 17BX03097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01984,17BX03097
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-01 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS BOQUET DAGORN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-18;17bx01984.17bx03097 ?
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