Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association des Amis de Saint-Palais-sur-Mer a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite née le 15 novembre 2013 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de renouvellement de son agrément au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement.
Par un jugement n° 1401514 du 17 novembre 2016 le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2017 et le 7 septembre 2017, l'association, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 novembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 15 novembre 2013 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de renouvellement de son agrément au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ;
3°) subsidiairement, de déclarer illégal l'article R. 141-12 du code de l'environnement et le 1° alinéa de l'article R. 141-3 du même code et d'agréer l'association dans le cadre de la communauté d'agglomération de Royan Atlantique ou du département de la Charente-Maritime ;
4°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat.
Elle soutient que :
- en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, elle dispose d'un droit viager à l'agrément qui ne peut être remis en cause que par la procédure prévue par l'article L. 141-20 du même code ;
- le préfet est incompétent pour refuser de renouveler son agrément : en effet, il existe un conflit d'intérêt dans la mesure où l'association est susceptible de contester les décisions préfectorales prises en matière d'environnement ;
- l'article R. 141-12 du code de l'environnement est contraire à l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et aux principes d'impartialité et d'égalité ; la loi qui fonde l'article R. 141-12 du code précité est également inconstitutionnelle ;
- selon l'article 7 de la Charte de l'environnement, seul le législateur est compétent pour définir les conditions d'existence des associations de protection de l'environnement, dès lors, l'article R. 141-3 du code de l'environnement est illégal car devant être de la compétence du législateur ;
- en ne visant que le cadre départemental, régional et national, l'article R. 141-3 du code de l'environnement institue une limite que le législateur n'a pas prévue, il est ainsi illégal ; de même, le critère lié à des " enjeux purement locaux " et " sur une partie significative " du cadre territorial n'est pas retenu par le législateur et ne saurait donc justifier un refus d'agrément ; en tout état de cause, elle exerce bien son activité sur une partie significative du cadre territorial et son cadre n'est pas réservé à des enjeux purement locaux ; elle exerce ainsi depuis 2006 son activité sur le territoire de la communauté d'agglomération Royan Atlantique ce qui correspond à un cadre départemental.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'article L. 141-1 du code de l'environnement n'instaure nullement un droit viager à l'agrément mais vise seulement en son sixième alinéa à garantir la validité des agréments délivrés sans limite de durée avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 février 1995 et ne saurait être interprété comme garantissant aux associations agrées avant le 3 février 1995 une validité illimitée de leur agrément ; elle créerait une différence de traitement entre les associations selon qu'elles ont été agréées avant ou après cette date ; l'article 2 du décret du 12 juillet 2011 pris en application de la loi impose aux associations quelle que soit la date de délivrance de leur agrément d'en demander le renouvellement selon un calendrier qu'il fixe ;
- en application de la règle de l'écran législatif, l'association ne saurait utilement contester la constitutionalité au regard de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de l'article R. 141-12 du code de l'environnement pris en application d'une disposition législative non contestée à savoir l'article L.141-1 du même code ;
- l'association ne produit aucun élément de nature à établir que le préfet aurait manqué à son obligation d'impartialité en lui refusant le renouvellement de son agrément ; il n'est pas davantage établi ni que son traitement serait inégal au regard de celui d'autres associations ni que l'article R. 141-12 du code de l'environnement restreint l'égalité entre les associations ;
- l'article 7 de la Charte de l'environnement est inopérant dès lors que les dispositions relatives à l'agrément des associations ne régissent ni l'accès à l'information du public en matière d'environnement ni la participation du public à l'élaboration des décisions publiques sur ce même sujet ;
- l'article R. 141-3 du code de l'environnement n'est pas contraire à l'article L. 141-1 alinéa 5 sur lequel il se fonde ; l'association de par son étendue géographique d'action ne remplit pas les conditions posées par l'article R. 141-3 du code précité.
Par une ordonnance du 20 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'association des Amis de Saint-Palais-sur-Mer qui a pour activité la protection de l'environnement, a demandé au préfet de la Charente-Maritime, par une lettre reçue le 15 mai 2013, de lui accorder le renouvellement de son agrément et d'étendre cet agrément au cadre départemental. En l'absence de réponse du préfet, cette demande a donné lieu à un rejet implicite le 15 novembre 2013. L'association des Amis de Saint-Palais-sur-Mer a alors demandé au tribunal administratif de Poitier d'annuler cette décision implicite de rejet et de lui accorder l'agrément sollicité. Elle relève appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions relatives à la légalité du refus implicite de renouveler l'agrément de l'association :
2. Aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative. (...)/ Cet agrément est attribué dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Il est valable pour une durée limitée et dans un cadre déterminé en tenant compte du territoire sur lequel l'association exerce effectivement les activités énoncées au premier alinéa. Il peut être renouvelé. Il peut être abrogé lorsque l'association ne satisfait plus aux conditions qui ont conduit à le délivrer. (...). /Les associations exerçant leurs activités dans les domaines mentionnés au premier alinéa ci-dessus et agréées antérieurement au 3 février 1995 sont réputées agréées en application du présent article./ Les décisions prises en application du présent article sont soumises à un contentieux de pleine juridiction." Aux termes de l'article R. 141-3 du même code " L'agrément est délivré dans un cadre départemental, régional ou national pour une durée de cinq ans renouvelable. /Le cadre territorial dans lequel l'agrément est délivré est fonction du champ géographique où l'association exerce effectivement son activité statutaire, sans que cette activité recouvre nécessairement l'ensemble du cadre territorial pour lequel l'association sollicite l'agrément. ". Aux termes de l'article R. 141-12 du même code : " La décision d'agrément est de la compétence du préfet du département dans lequel l'association a son siège social lorsque l'agrément est sollicité dans un cadre départemental ou régional ".
En ce qui concerne le moyen tiré de l'existence " d'un droit viager d'agrément " :
3. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de la lettre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement précité que les associations agréées antérieurement au 3 février 1995 bénéficieraient d'un " droit viager " à l'agrément mais seulement que les conditions d'attribution et de renouvellement de leur agrément sont fixées, comme pour les associations agréées après cette date, par les dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'environnement et les dispositions règlementaires auquel cet article renvoie. Par suite, l'association n'est pas fondée à soutenir qu'elle disposerait " d'un droit viager à l'agrément " au motif qu'elle a bénéficié d'un agrément avant cette date.
En ce qui concerne le moyen tiré de la situation de conflit d'intérêts du préfet :
4. Il résulte de l'article R. 141-12 du code de l'environnement que le préfet du département est compétent pour délivrer les agréments aux associations dont l'activité principale est la protection de l'environnement à l'échelle départementale ou régionale. La seule circonstance que les associations agréées pour la protection de l'environnement soient susceptibles de contester notamment en justice, des décisions préfectorales prises dans le domaine environnemental, ne saurait à elle seule traduire une illégalité en l'absence de tout élément objectif démontrant la partialité du préfet de la Charente-Maritime ou indiquant que l'association aurait été victime d'un traitement inégalitaire par rapport aux autres associations, alors surtout que les décisions en matière d'agrément sont prises en concertation avec plusieurs autorités administratives en application de l'article R. 141-10 du même code. Les moyens tirés de ce que le préfet se serait trouvé en situation de conflit d'intérêts et de la méconnaissance des principes d'impartialité et d'égalité de traitement doivent par suite être écartés.
En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconstitutionnalité des articles L. 141-1 et R. 141-12 du code de l'environnement :
5. Alors qu'il ne peut être déduit des seules fonctions exercées par le préfet de la Charente-Maritime une quelconque partialité de principe envers la requérante au motif qu'une association de défense de l'environnement est potentiellement susceptible d'attaquer les décisions préfectorales prises dans ce domaine et qu'en outre, toute association intéressée dispose de la faculté d'attaquer un refus d'agrément par un recours de plein contentieux, l'association des Amis de Saint-Palais-sur-mer n'est pas fondée à exciper de l'inconstitutionnalité de l'article R. 141-12 du code de l'environnement au regard de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle ne saurait davantage, alors qu'elle n'a pas présenté de demande en ce sens par mémoire distinct ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et de l'article R. 771-13 du code de justice administrative, utilement contester la constitutionnalité de l'article L. 141-1 du code de l'environnement.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement :
6. L'association soutient que l'article L. 141-1 et l'article R. 141-3 précités du code de l'environnement, sont contraires à l'article 7 de la Charte de l'environnement. Toutefois, les dispositions législatives et règlementaires contestées, relatives au régime d'agrément des associations de protection de l'environnement, n'entrent pas dans le champ des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Le moyen ne peut par suite être utilement invoqué.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité du cadre géographique instauré par le pouvoir règlementaire et l'appréciation en l'espèce de ce critère :
7. En application des dispositions de l'article L. 141-1 et R. 141-3 du code de l'environnement, il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'agrément, de déterminer si celui-ci peut être délivré dans un cadre départemental, régional ou national. Si ces dispositions font obstacle à ce qu'elle exige que l'association exerce son activité dans l'ensemble du cadre territorial pour lequel l'agrément est susceptible de lui être délivré, elle peut légalement rejeter la demande lorsque les activités de l'association ne sont pas exercées sur une partie significative de ce cadre territorial et qu'elles ne concernent que des enjeux purement locaux.
8. D'une part, l'article R. 141-3 du code précité, issu du décret du 12 juillet 2011 n'oblige pas les associations à oeuvrer dans un ressort géographique donné mais prévoit que l'agrément leur est attribué pour un cadre géographique au moins départemental. Ainsi et alors que ce dispositif règlementaire maintient une certaine souplesse dans l'appréciation du critère relatif du cadre géographique concerné dès lors qu'il n'est pas exigé que l'association exerce son activité dans l'ensemble du cadre territorial concerné mais seulement dans une partie significative de ce cadre, l'article R. 141-3 du code précité ne saurait être interprété comme instituant une limite que le législateur n'aurait pas prévue. Par suite, le moyen tiré de la contrariété de l'article R. 141-3 avec l'alinéa 5 de l'article L. 141-1 du code de l'environnement doit être écarté.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'objet social de l'association des Amis de Saint-Palais-Sur-Mer tel que modifié à compter de 2006 porte sur " la sauvegarde de la commune et la protection de son site et plus généralement la protection de l'environnement en pays Royannais en particulier par une politique d'aménagement respectueuse des richesses naturelles et une gestion optimale de l'eau ", et qu'il est prévu, pour ce faire, de recourir à " des actions de formation et d'information, des réunions-débats, des sorties nature, la publication de lettres et de cahiers, la promotion de projets d'intérêt général et plus généralement tous autres moyens légaux appropriés ". S'il résulte de l'instruction que l'association exerce effectivement son activité dans l'ensemble du périmètre de l'agglomération du pays Royannais en participant notamment à l'élaboration de documents d'urbanisme tels que le SCOT et en s'intéressant à des projets susceptibles d'avoir une incidence environnementale plus large, tel que le projet d'assainissement de la communauté d'agglomération de Royan Atlantique (CARA), il est constant que son périmètre d'action ne représente que 34 communes du département de la Charente-Maritime, qui comprend 472 communes ce qui correspond aux deux arrondissements littoraux de Saintes et de Rochefort. Dans ces conditions et quand bien même l'association a également participé à des projets environnementaux situés en Gironde, d'ailleurs situés hors du cadre territorial sollicité, les activités de l'association requérante ne peuvent être regardées comme étant exercées sur une partie significative du cadre départemental visé par la demande mais se limitent pour l'essentiel à des enjeux strictement locaux. Ainsi l'association, alors même qu'elle avait précédemment pu être agréée dans un cadre communal, ne remplit pas les conditions actuellement prévues par le code de l'environnement pour être agréée dans le cadre départemental.
Sur les conclusions subsidiaires :
10. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée pour les motifs précédemment rappelés à solliciter la délivrance d'un agrément ni à exciper de l'illégalité des articles R. 141-12 et L. 141-3 du code de l'environnement.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'association n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'association des Amis de Saint-Palais-sur-Mer est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association des Amis de Saint-Palais-sur-Mer, au département de la Charente-Maritime, au préfet de la Charente-Maritime et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 mars 2019.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00148