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15/02/2019 | FRANCE | N°16BX01328

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 15 février 2019, 16BX01328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pax 2010 a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le contrat par lequel la commune de Lourdes a renouvelé pour six ans la délégation à l'association Le parvis de l'exploitation du cinéma Le palais et de condamner la commune à lui verser la somme de 401 940 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la conclusion de ce contrat.

Par un jugement n° 1402674 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, et des mémoires comp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pax 2010 a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler le contrat par lequel la commune de Lourdes a renouvelé pour six ans la délégation à l'association Le parvis de l'exploitation du cinéma Le palais et de condamner la commune à lui verser la somme de 401 940 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la conclusion de ce contrat.

Par un jugement n° 1402674 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés respectivement le 23 décembre 2016, le 26 janvier 2017, le 29 mars 2017, le 27 avril 2017 et le 21 janvier 2019, la SARL Pax 2010, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 18 février 2016 ;

2°) d'annuler le contrat conclu entre la commune de Lourdes et l'association Le parvis ou, à défaut, d'ordonner sa résiliation ;

3°) de condamner la commune de Lourdes à lui verser la somme de 401 940 euros, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lourdes une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir dès lors qu'elle a fait connaître au maire son intention de projeter des films à destination du grand public et lui a demandé de mettre un terme à la convention conclue pour l'exploitation du cinéma communal ;

- le jugement attaqué est irrégulier à défaut de viser le mémoire qu'elle a déposé le 8 janvier 2016 et les motifs du jugement n'y répondent pas ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté du commerce et de l'industrie ne pouvait être invoqué qu'à l'encontre des délibérations décidant de déléguer l'exploitation du cinéma ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en tant qu'il a considéré que seuls des manquements résultant du contenu même du contrat ou d'un acte préparatoire à sa conclusion pouvaient être invoqués dans le cadre d'un recours en contestation de la validité d'un contrat ;

- dès lors que la requérante a fait part de sa volonté de réorienter son établissement vers la diffusion d'oeuvres tous publics, il n'existait plus d'intérêt public local justifiant l'exploitation d'un cinéma municipal ;

- les conditions d'exploitation du cinéma municipal porte atteinte au principe de libre concurrence en empêchant la requérante de programmer des films tous publics ;

- le contrat prévoit des subventions qui constituent une aide illégale ;

- le contrat place l'association délégataire en situation d'abus de position dominante ;

- l'atteinte portée aux principes de liberté du commerce et de l'industrie et de libre concurrence constitue un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation du contrat en litige ; et cette annulation ne saurait être regardée comme contraire à l'intérêt général dès lors qu'elle permettra le libre exercice de la concurrence ;

- la conclusion du contrat en litige lui a causé un préjudice financier correspondant à l'amortissement des travaux qu'elle a financés et à son manque à gagner.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2016, l'association Le parvis, représentée par le cabinet de Tassigny et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SARL Pax 2010 une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés respectivement le 23 décembre 2016 et le 22 février 2017, la commune de Lourdes, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SARL Pax 2010 une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 avril 2018.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'intérêt à agir de la SARL Pax 2010.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la Sarl Pax 2010.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat conclu le 6 mai 2008, la commune de Lourdes a confié à l'association Le parvis l'exploitation du cinéma municipal Le palais pour six ans. Par avis publié le 18 janvier 2014, la commune a lancé un appel à candidatures concernant le renouvellement de cette délégation. La société Pax 2010 relève appel du jugement du 18 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat conclu le 24 octobre 2014 entre la commune de Lourdes et l'association Le parvis pour l'exploitation du cinéma Le palais.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Il ressort du jugement attaqué que celui-ci a omis de viser le mémoire présenté le 8 janvier 2016 par la société Pax 2010. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs du jugement attaqué. Dans ces conditions, la société Pax 2010 n'est pas fondée à soutenir que celui-ci est entaché d'irrégularité.

Sur la contestation de la validité du contrat :

4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'État dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'État dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

5. Il résulte de l'instruction que la société Pax 2010 a fait l'acquisition en 2010, à Lourdes, d'un établissement de spectacles cinématographiques, y a fait réaliser des travaux à compter de l'année 2011 et a décidé de consacrer l'exploitation de cet établissement à la seule diffusion d'un film relatif à la vie de Bernadette Soubirous, destiné à un public de pèlerins. La requérante ne soutient ni même n'allègue qu'elle se serait portée candidate à l'attribution du contrat en litige ou qu'elle aurait été privée de la possibilité de le faire. Il ressort en outre des pièces produites par la requérante que c'est en raison d'une baisse du nombre de pèlerins qu'elle a envisagé de diffuser des films tous publics " à compter du 1er février 2014 ". Il ressort pourtant d'un article de La dépêche daté du 5 juillet 2014 que la société requérante souhaitait encore à cette date ne diffuser que des films véhiculant des valeurs chrétiennes. Dans ces conditions, la société Pax 2010 n'établit pas que la conclusion du contrat en litige l'aurait lésée de façon suffisamment directe et certaine dans ses intérêts. Dès lors, elle ne justifie pas, à la date de l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Pau, d'un intérêt à contester la validité du contrat en litige.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

6. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, les conclusions de la société Pax 2010 tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la conclusion du contrat en litige ne peuvent qu'être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pax 2010 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lourdes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Pax 2010 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Pax 2010 une somme de 800 euros à verser respectivement à la commune de Lourdes et à l'association Le parvis en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Pax 2010 est rejetée.

Article 2 : La SARL Pax 2010 versera une somme de 800 euros respectivement à la commune de Lourdes et à l'association Le parvis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pax 2010, à l'association Le parvis et à la commune de Lourdes.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. David Katz, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 février 2019.

Le rapporteur,

Romain Roussel

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 16BX01328


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs et obligations du juge.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SCP FOUSSARD - FROGER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 15/02/2019
Date de l'import : 19/02/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16BX01328
Numéro NOR : CETATEXT000038134538 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-15;16bx01328 ?
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