Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme M...et autres ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Colomiers à payer à Mme N...M...et à M. R...F..., ses parents, la somme de 180 000 euros, à M. P...F..., son frère mineur, la somme de 20 000 euros, ainsi qu'à Mme B...M..., à Mme O...T...et à M. Q...F..., ses grands-parents, la somme de 20 000 euros chacun, en réparation du préjudice subi à la suite du décès du jeune V...F..., survenu le 23 décembre 2010 après avoir été victime, le 17 décembre 2010, pendant le temps périscolaire, d'un arrêt cardiaque dans la cour de l'école Jules Ferry à Colomiers où il était scolarisé.
Par un jugement avant-dire droit n° 1402376 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a jugé que le délai de dix minutes mis par les personnels présents pour appeler les secours était constitutif d'un défaut d'organisation du service de nature à engager la responsabilité de la commune de Colomiers. Il a ordonné un expertise afin d'évaluer le taux de perte de chance d'éviter le décès de l'enfant qu'a entraîné ledit délai pris pour appeler les services de secours, ainsi que le cas échant les séquelles qu'il aurait conservées.
Par un jugement rendu après expertise n° 1402376 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse, estimant que le préjudice résultant d'une perte de chance de survie de l'enfant V...n'était pas établi, a rejeté la demande de Mme M...et autres.
Procédures devant la cour :
I.- Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 novembre 2016 et 22 février 2018 sous le n° 16BX03795, la commune de Colomiers et la SMACL Assurances, représentées par MeS..., demandent, dans le dernier état de leur écritures, à la cour :
1°) de procéder à la jonction des instances n° 16BX03795 et n° 17BX03717 ;
2°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1402376 du 2 novembre 2016 et de rejeter la demande de Mme M...et autres ;
3°) à titre subsidiaire, de juger que l'enfant V...n'avait qu'une et unique chance de survie et, en conséquence, de n'indemniser les demandeurs qu'à hauteur d'une perte de chance de survie estimée à 1 % ;
4°) en tout état de cause, de débouter la CPAM de la Haute-Garonne de l'intégralité de ses demandes ;
5°) de mettre à la charge de Mme M...et autres la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les deux instances doivent être jointes ;
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif n'a pas respecté le principe du contradictoire et a statué ultra petita en ordonnant une expertise, expertise qui n'a été sollicitée par aucune partie puisqu'il y en avait déjà une, celle du Dr J... ;
- c'est à tort que le jugement avant-dire droit a retenu la responsabilité de la commune ; les conclusions de l'expertise confirment son absence de responsabilité, la cause du décès étant une maladie cardiaque ; l'expert précise que V...avait seulement une chance de survie après un arrêt cardiaque et que cette chance dépend étroitement de la rapidité des secours ; il précise également que des manoeuvres de réanimation efficaces peuvent débuter 3 à 5 minutes après l'arrêt du coeur ; la chronologie des faits montre qu'aucun retard ni aucune faute ne peut être imputé à l'équipe du CLAE, dès lors qu'il n'y avait aucun sous-effectif, aucun manque d'organisation et de surveillance et que l'enfant a été aperçu quasi immédiatement après son malaise ; en tout état de cause, les secours professionnels ont mis au moins 15 minutes pour arriver, dépassant ainsi les 10 minutes qui auraient permis d'éviter l'anoxie ;
- il ressort en outre de l'expertise du Dr C...qu'aucune faute ne peut être reprochée à la commune, puisqu'il précise que l'évaluation initiale de l'état clinique de l'enfant, la surveillance des fonctions vitales et la réalisation d'une réanimation ont été correctement mis en oeuvre par le personnel formé aux premiers secours et que l'appel des secours 10 minutes après le début des manoeuvres n'a pas eu d'incidence sur les chances de récupération ;
- à titre subsidiaire, la perte de chance ne peut, au plus, être évaluée qu'à une et unique chance, conformément aux conclusions de la première expertise, alors même que la seconde expertise affirme clairement qu'il n'y a eu aucune perte de chance d'éviter le décès.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2017, Mme N...M...et M. R...F..., tant en leur nom propre qu'à celui de M. P...F...leur enfant mineur, Mme B...M..., Mme O...T...et M. P...F..., représentés par Me U..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour :
1°) de condamner la commune de Colomiers à verser à Mme N...M...et à M. R...F..., ses parents, la somme de 100 000 euros eu titre de la perte de chance de survie de leur filsV..., la somme de 40 000 euros chacun, soit 80 000 euros, au titre du préjudice d'affection, à M. P...F..., son frère mineur, la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme B...M..., à Mme O...T...et à M. Q...F..., ses grands-parents, la somme de 20 000 euros chacun, soit 60 000 euros, au titre du préjudice d'affection ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Colomiers la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la responsabilité de la commune est bien engagée, comme l'a reconnu le jugement avant-dire droit du 2 novembre 2016, pour deux raisons fondamentales ;
- le défaut de surveillance est établi ; c'est dans ce défaut qu'il faut trouver l'origine d'un appel aux secours manifestement tardif ; d'après l'expert, du fait de cet appel tardif, l'enfant ne pouvait plus être sauvé à l'arrivée des secours professionnels ; de plus, aucun adulte n'était présent au moment du malaise ; la responsabilité de la commune est donc engagée en raison du défaut de surveillance et d'organisation des agents communaux le jour des faits ;
- il y a également eu un défaut de prise en charge adaptée ; le personnel a mis trop de temps pour arriver jusqu'à V...en train de faire un malaise, le défibrillateur n'a été posé que 10 minutes après la constatation du malaise, l'appel aux secours n'a été passé que 15 minutes après, les forces de police n'ont pas été appelées ;
- à titre subsidiaire, il ne saurait être affirmé que V...n'avait que 1 % de chance de survie, une telle perte de chance n'étant évidemment pas quantifiable ; ce n'est pas parce que V...avait peu de chances de survivre que le préjudice de la famille est moindre ;
- le préjudice doit être indemnisé selon les chiffrages habituellement retenus par la jurisprudence, au total 260 000 euros pour les parents, son frère et ses grands-parents.
Par une ordonnance en date du 20 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2018.
II- Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2017 sous le n° 17BX03717, Mme N... M...et M. R...F..., tant en leur nom propre qu'à celui de M. P...F...leur enfant mineur, Mme B...M..., Mme O...T...et M. P...F..., représentés par MeU..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402376 du 3 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'ordonner une nouvelle expertise, par un expert qui ne devra pas être rattaché à la cour administrative d'appel de Bordeaux, afin d'évaluer le taux de perte de chance d'éviter le décès de l'enfant V...qu'a entraîné le délai pris après son malaise pour appeler les services de secours ainsi que, le cas échéant, les séquelles qu'il aurait conservées ;
3°) de maintenir le fait que la commune de Colomiers a commis une faute s'agissant de la prise en charge de l'enfant lors de son malaise survenu le 17 décembre 2010 ;
4°) de condamner la commune de Colomiers à verser à Mme N...M...et à M. R...F..., ses parents, la somme de 100 000 euros eu titre de la perte de chance de survie de leur filsV..., la somme de 40 000 euros chacun, soit 80 000 euros, au titre du préjudice d'affection, à M. P...F..., son frère mineur, la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, à Mme B...M..., à Mme O...T...et à M. Q...F..., ses grands-parents, la somme de 20 000 euros chacun, soit 60 000 euros, au titre du préjudice d'affection ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Colomiers la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de la commune est bien engagée, comme l'a reconnu le jugement avant-dire droit du 2 novembre 2016, pour deux raisons fondamentales ;
- le défaut de surveillance est établi ; c'est dans ce défaut qu'il faut trouver l'origine d'un appel aux secours manifestement tardif ; d'après l'expert, du fait de cet appel tardif, l'enfant ne pouvait plus être sauvé à l'arrivée des secours professionnels ; de plus, aucun adulte n'était présent au moment du malaise ; la responsabilité de la commune est donc engagée en raison du défaut de surveillance et d'organisation des agents communaux le jour des faits ;
- il y a également eu un défaut de prise en charge adaptée ; le personnel a mis trop de temps pour arriver jusqu'à V...en train de faire un malaise, le défibrillateur n'a été posé que 10 minutes après la constatation du malaise, l'appel aux secours n'a été passé que 15 minutes après, les forces de police n'ont pas été appelées ;
- le tribunal ne devait pas se prononcer à nouveau sur le principe de la responsabilité, mais a mandaté un expert pour évaluer le préjudice ; l'expert n'avait donc pas pour mission de discuter le principe de la responsabilité, mais uniquement de chiffrer le pourcentage de perte de survie ; il a pourtant statué ultra petita en se prononçant sur la responsabilité de la commune ; une erreur de droit a donc été commise, qui devrait entraîner l'annulation du jugement attaqué ; en tout état de cause, dans le cadre de ce recours, il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur le principe de la responsabilité ;
- pour évaluer le préjudice, le tribunal n'a pris en compte que le rapport d'expertise du Dr C...et n'a pas pris en compte les observations faites par les requérants ; or, leur préjudice est particulièrement important ;
- le Dr C...a outrepassé sa mission en remettant en cause le principe de la responsabilité de la commune, puisqu'il a relevé que le personnel qui était auprès de l'enfant avant l'appel aux secours a fait le nécessaire et qu'un appel plus rapide n'aurait rien changé ;
- ils contestent la conclusion de ce rapport en ce que l'expert a estimé qu'il n'existait pas de perte de chance de survie, au motif que, même si l'enfant avait été pris en charge immédiatement par des professionnels, il serait quand même décédé ; ce n'est pas parce que les personnels étaient formés aux premiers secours qu'ils ont agi comme l'auraient fait des professionnels, qui auraient dû être prévenus dès la découverte de l'enfant ; il est impossible d'affirmer que des professionnels n'auraient pas pu faire mieux ; l'élément important est en effet la précocité de la prise en charge d'un arrêt cardiaque ; preuve en est que les chocs administrés ensuite par les professionnels ont permis une reprise de l'activité cardiaque ; en outre, les manoeuvres de réanimation par le personnel ont commencé 11 minutes après la découverte de l'enfant, soit trop tard et le défibrillateur a été utilisé trop tardivement ; tout cela est nécessairement à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès de l'enfant ;
- en ce qui concerne l'indemnisation, il y a lieu de tenir compte du jeune âge de l'enfant, de son espérance de vie, qui était longue, et des souffrances qui ont été les siennes lorsqu'il s'est senti avoir ce malaise sans qu'on l'entende, et également d'indemniser ses proches d'un préjudice d'affection, soit au total 260 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2018, la commune de Colomiers et la SMACL Assurances, représentés par MeS..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour :
1°) de procéder à la jonction des instances n° 16BX03795 et n° 17BX03717 ;
2°) à titre principal, de rejeter l'intégralité des demandes présentées par Mme M... et autres, c'est-à-dire de juger qu'aucune faute ne peut être reprochée à la commune et qu'aucune perte de chance de survie ne peut être retenue ;
3°) à titre subsidiaire, de juger que l'enfant V...n'avait qu'une et unique chance de survie et, en conséquence, de n'indemniser les demandeurs qu'à hauteur d'une perte de chance de survie estimée à 1 % ;
4°) en tout état de cause, de débouter la CPAM de la Haute-Garonne de l'intégralité de ses demandes ;
5°) de mettre à la charge de Mme M...et autres la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- les deux instances doivent être jointes ;
- c'est à tort que le jugement avant-dire droit a retenu la responsabilité de la commune ; les conclusions de l'expertise confirment son absence de responsabilité, la cause du décès étant une maladie cardiaque ; l'expert précise que V...avait seulement une chance de survie après on arrêt cardiaque et que cette chance dépend étroitement de la rapidité des secours ;il précise également que des manoeuvres de réanimation efficaces peuvent débuter 3 à 5 minutes après l'arrêt du coeur ; la chronologie des faits montre qu'aucun retard ni aucune faute ne peut être imputé à l'équipe du CLAE, dès lors qu'il n'y avait aucun sous-effectif, aucun manque d'organisation et de surveillance et que l'enfant a été aperçu quasi immédiatement après son malaise ; en tout état de cause, les secours professionnels ont mis au moins 15 minutes pour arriver, dépassant ainsi les 10 mn qui auraient permis d'éviter l'anoxie ;
- il ressort en outre de l'expertise du Dr C...qu'aucune faute ne peut être reprochée à la commune, puisqu'il précise que l'évaluation initiale de l'état clinique de l'enfant, la surveillance des fonctions vitales et la réalisation d'une réanimation ont été correctement mis en oeuvre par le personnel formé aux premiers secours et que l'appel des secours 10 minutes après le début des manoeuvres n'a pas eu d'incidence sur les chances de récupération ;
- à titre subsidiaire, la perte de chance ne peut, au plus, être évaluée qu'à une et unique chance, conformément aux conclusions de la première expertise, alors même que la seconde expertise affirme clairement qu'il n'y a eu aucune perte de chance d'éviter le décès.
Par une ordonnance en date du 17 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 janvier 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeK..., représentant la commune de Colomiers et la SMACL.
Considérant ce qui suit :
1. Le petit V...F..., âgé de six ans et demi, porteur d'une anomalie cardiaque non détectée, a été victime d'un arrêt cardiaque le 17 décembre 2010 alors qu'il se trouvait dans la cour de l'école Jules Ferry à Colomiers (Haute-Garonne) au sortir de la cantine. Malgré les soins prodigués, dans un premier temps par les personnels de surveillance, puis par l'équipe du SMUR, il est décédé le 23 décembre suivant au CHU de Toulouse, l'anoxie cérébrale prolongée due à l'arrêt de l'activité cardiaque ayant entraîné des lésions encéphaliques irréversibles. Par un jugement avant-dire droit en date du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que le délai de 10 minutes mis par les personnels présents pour appeler les secours était supérieur à celui qui leur était nécessaire pour apprécier la gravité de la situation et déterminer les mesures à prendre et que ce délai était constitutif d'un défaut d'organisation du service de nature à engager la responsabilité de la commune de Colomiers, mais a ordonné un expertise afin d'évaluer le taux de perte de chance d'éviter le décès de l'enfant qu'a entraîné ledit délai, ainsi que le cas échant les séquelles qu'il aurait conservées. Par un jugement en date du 3 octobre 2017, rendu après expertise, le même tribunal a estimé que le préjudice résultant d'une perte de chance de survie de l'enfant n'était pas établi, que par suite, en l'absence d'un tel préjudice, sa famille n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Colomiers, si bien que les conclusions indemnitaires présentées par Mme M...et autres ne pouvaient qu'être rejetées. Par une requête, enregistrée sous le n° 16BX03795, la commune de Colomiers et la société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL) demandent l'annulation du jugement avant-dire droit du 2 novembre 2016, en ce qu'il a retenu la responsabilité de la commune au titre d'un défaut d'organisation du service. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX03717, MmeM..., mère de l'enfant, ainsi que son père, son frère et ses grands-parents, demandent l'annulation du jugement du 3 octobre 2017, qui après avoir retenu une absence de préjudice, a rejeté leurs conclusions indemnitaires, que les requérants réitèrent en appel à hauteur de 260 000 euros. Comme le demandent la commune de Colomiers et la SMACL, ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la responsabilité :
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi le 10 juin 2013 par le Dr J...mandaté par le tribunal de grande instance de Toulouse et de celui du DrD..., établi le 3 mai 2017 à la suite du jugement attaqué du 2 novembre 2016, que le petit V...était affecté d'une tachycardie ventriculaire polymorphe catécholergique, maladie génétique très rare responsable de troubles du rythme cardiaque, non détectée auparavant et exposant celui qui en est porteur à un risque de mort subite. Le Dr J...souligne qu'il s'agit d'une maladie très grave, car elle expose l'enfant à un risque très élevé de troubles du rythme, la mort subite étant " malheureusement la manifestation la plus fréquente de la maladie, expliquant la quasi-impossibilité de faire le diagnostic avant l'arrêt cardiaque ". Ces deux rapports permettent d'établir la chronologie des faits de la façon suivante. A la suite d'une dispute avec un autre enfant de son âge, croisé à la sortie du réfectoire, V...a fait un malaise vers 12 h 32 ou 33 et a été repéré vers 12 h 35 par MmeI..., une surveillante en poste à la cantine, étendu au sol mais respirant encore en cherchant son souffle. L'enfant a d'abord été examiné rapidement par les personnels présents, mis en position latérale de sécurité, puis remis sur le dos pour entreprendre des massages cardiaques, qui ont débuté vers 12 h 38, soit 3 minutes après sa découverte par la surveillante. Les secours ont été appelés à 12 h 45 et, dans l'attente de leur arrivée, les personnels ont alors fait usage du défibrillateur qui se trouvait non loin du lieu de l'accident, dans le gymnase. Le SMUR est arrivé sur place à 13 h 00, alors qu'il n'y avait pas eu de reprise de l'activité cardio-respiratoire. L'équipe médicale a débuté le premier choc électrique à 13 h 05. Dix chocs ont été délivrés à l'enfant jusqu'à 13 h 40, heure à laquelle l'activité cardiaque a repris, soit plus d'une heure après l'arrêt cardiaque, d'où des dégâts irréversibles au cerveau, privé d'oxygène pendant ce laps de temps.
3. Le premier rapport d'expertise relève que le malaise de l'enfant n'a été détecté par un adulte que 2 minutes après avoir eu lieu, qu'un délai de 10 minutes s'est alors écoulé avant l'appel au 15 et que le défibrillateur n'a été mis en oeuvre qu'après cet appel, délais qui pourraient avoir compromis les chances de survie de l'enfant, jugées en tout état de cause faibles tant par le Dr J...qui indique que si, en principe, plus le délai d'intervention est bref, plus les chances de survie augmentent, ce principe n'est cependant pas étayé par une corrélation mathématique précise, que par le DrC..., qui indique qu'un arrêt cardiaque survenant chez un enfant en-dehors d'un hôpital a moins de 10 % de chances de récupérer et que la mortalité en réanimation serait alors de 50,2 %. La famille de l'enfant fait valoir que les délais précités ont été trop longs, ce qui traduirait un défaut de surveillance par les personnels communaux et un défaut d'organisation du service.
4. Cependant, la circonstance que l'enfant ait été découvert par un adulte 2 minutes après son malaise, alors que près de 90 enfants, déjeunant au premier ou au second service du repas de Noël, se croisaient à l'entrée du réfectoire, ne suffit pas à caractériser un défaut de surveillance. S'agissant du grief tiré d'un défaut d'organisation, il résulte de l'instruction que, après que Mme I...ait ainsi découvert l'enfant, qui respirait et n'était donc pas encore en arrêt cardio-respiratoire, elle a été rejointe aussitôt par MmeH..., qui a essayé de prendre son pouls et lui a demandé de lui serrer la main, demande à laquelle l'enfant lui a semblé répondre, si bien qu'il a aussitôt été placé en position latérale de sécurité et qu'une surveillance des fonctions vitales (pouls, respiration et conscience) a été mise en place, notamment par MmeI..., titulaire d'une attestation de formation aux premiers secours acquise en 2006 et réactualisée en 2009. Une absence de pouls ayant cependant été détectée très rapidement, l'enfant a été replacé sur le dos et, à 12 h 38, des manoeuvres de réanimation, massage cardiaque et ventilation, ont aussitôt été mises en oeuvre, à la fois par MmeE..., par MmeL..., puis par MmeG..., cette dernière étant formée aux premiers secours et titulaire d'un certificat de sauveteur secouriste qui lui a été décerné en octobre 2005. Le pouls ne repartant pas, M.A..., professeur de sport, est allé prévenir le directeur et récupérer le défibrillateur. Les secours ont été appelés par le directeur à 12 h 45 et deux chocs électriques ont été délivrés à l'enfant dans l'attente des secours, soit environ 10 mn après le début des manoeuvres de réanimation. Dans ces circonstances, les personnels présents doivent être regardés comme ayant agi dans des délais appropriés. D'ailleurs, si le Dr J...relève que les personnels communaux n'avaient " pas d'entraînement suffisant " et que la situation a créé pour eux un " stress émotionnel intense difficile à maîtriser ", il relève également que les massages cardiaques ont débuté 3 minutes après la découverte de l'enfant, elle-même postérieure de quelque 2 minutes à son malaise et que ces délais étaient " compatibles avec ses chances de survie ". Si les personnels qui sont intervenus ont mis plusieurs minutes à apprécier la gravité de l'état de l'enfant, on ne saurait leur en faire reproche, dès lors qu'il ne s'agissait pas de professionnels et surtout que l'arrêt cardio-respiratoire ne s'était pas installé d'emblée, mais alors que, dès qu'ils ont été en mesure d'évaluer cette gravité, ils ont aussitôt mis en oeuvre une " prise en charge cohérente et adaptée ", qui était la meilleure possible dans l'attente de l'équipe médicale, le Dr C...soulignant d'ailleurs que " le délai entre l'arrêt cardiaque et le début des manoeuvres de réanimation est donc très court ". Enfin, si l'appel au 15 n'a été effectué que 10 minutes après le début des manoeuvres de réanimation, ce délai ne peut non plus être considéré comme anormalement long, le Dr C...indiquant, en tout état de cause que cet appel à 12 h 45 n'a pas eu d'incidence sur les chances de récupération de l'arrêt cardiaque, " car le principal facteur de chance de survie est la précocité des manoeuvres de réanimation même par des témoins ", lesquelles " ont débuté immédiatement après la constatation de l'absence de pouls ".
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement n°16BX03795, d'une part que la commune de Colomiers et la SMACL sont fondées à soutenir qu'aucune faute dans l'organisation du service ne peut être retenue à l'encontre de la commune et, par suite, que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a ordonné une expertise aux fins d'évaluer le taux de perte de chance de décès du petitV..., et à demander l'annulation du jugement attaqué et, d'autre part, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, qu'en l'absence de faute commise par la commune de Colomiers, que Mme M...et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement n°17BX03717, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Colomiers, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, les sommes que demandent Mme M...et autres sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de ces affaires, de mettre à la charge de ces derniers les sommes que réclament la commune et la SMACL sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1402376 du tribunal administratif de Toulouse en date du 2 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme M...et autres devant le tribunal administratif de Toulouse et leurs conclusions en appel sont rejetées, ainsi que celle présentée par la CPAM de la Haute-Garonne.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Colomiers et la SMACL sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Colomiers et à la société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL), à Mme N...M..., à M. R... F..., à leur enfant mineur Q...F..., à Mme B...M..., à Mme O... T..., à M. Q... F..., et à la caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 février 2019.
Le rapporteur,
Florence Rey-Gabriac
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N°s 16BX03795, 17BX03717