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13/02/2019 | FRANCE | N°16BX02789

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 février 2019, 16BX02789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'établissement public administratif (EPA) la Masse des douanes à lui verser les sommes de 87 322,79 euros et de 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices matériel et moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant pour lui des conditions dans lesquelles cet établissement a émis et recouvrés divers titres de recette.

Par un jugem

ent n° 1400149 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'établissement public administratif (EPA) la Masse des douanes à lui verser les sommes de 87 322,79 euros et de 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices matériel et moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant pour lui des conditions dans lesquelles cet établissement a émis et recouvrés divers titres de recette.

Par un jugement n° 1400149 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M.C.à La Rochelle dès l'instant où il a été placé en congé maladie

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août 2016 et le 26 juin 2017, M. F... C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 juillet 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 22 décembre 2013 portant rejet implicite de sa réclamation préalable du 21 octobre 2013 ;

3°) de condamner l'EPA la Masse des douanes à lui verser, d'une part, la somme de 87 322,79 euros en réparation de ses préjudices, se décomposant en 25 822,79 euros au titre de la somme indûment prélevée sur le fondement des titres exécutoires illégaux et en 61 500 euros au titre des emprunts contractés, et, d'autre part, la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et du trouble dans ses conditions d'existence, sommes augmentées des intérêts à taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;

4°) de mettre à la charge de l'EPA la Masse des douanes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ce n'est pas l'Etat qui lui a attribué un logement, seule la Masse des douanes en est à l'origine ; cependant, pour les années antérieures à 1998, cet EPA n'avait aucune existence légale et n'était donc pas habilitée à lui attribuer un logement ; d'ailleurs, il n'a signé aucun bail avec la Masse des douanes et ne dispose d'aucune quittance de loyer émanant de cet établissement ;

- il a été placé en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 7 novembre 1992 et doit donc, à partir de cette date, être regardé comme placé hors de son administration d'origine et sorti du service et, dès lors, comme ne pouvant plus prétendre à se maintenir dans le logement de fonctions qui lui avait été attribué en janvier 1990, même s'il en avait eu l'intention ; en effet, la résiliation de la décision d'attribution s'impose dès l'instant où l'agent sort du service ; c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'établissait pas avoir libéré les lieux en 1992 ; il ne peut non plus lui être reproché de ne pas avoir " donné son congé " dans la mesure où sa situation statutaire l'empêchait de pouvoir continuer à bénéficier du logement qui lui avait été attribué ; il a été domicilié... ;

- la Masse des douanes ne rapporte pas la preuve de sa présence dans le logement litigieux jusqu'en 2000 comme elle le prétend ; le seul courrier de 1997 qu'elle produit, mentionnant son adresse dans ce logement, ne saurait suffire à établir son adresse de résidence en 1997 ; le logement était vide et il ne l'occupait plus ; la Masse des douanes a, en tout état de cause, commis une erreur en continuant à associer ce logement à son nom, alors qu'il ne l'occupait plus et n'était plus en mesure d'y prétendre depuis son placement en disponibilité ;

- les titres exécutoires étaient entachés d'illégalités, dès lors qu'ils mentionnaient des éléments d'identité erronée puisque son adresse était inexacte ; au surplus, certains d'entre eux ne comportaient pas les bases de la liquidation ; de toutes façons, ils étaient mal fondés puisqu'ils mentionnent une occupation du logement, alors qu'il vivait en Charente-Maritime depuis 1992 ; enfin, la signification des titres de recette est également irrégulière, car les services des douanes avaient parfaitement connaissance de son adresse à La Rochelle ; les illégalités dont sont entachés ces titres est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'EPA la Masse des douanes ;

- il a subi d'importants préjudices, à la fois financiers et moraux ; au plan financier, d'une part, la somme de 25 822 euros lui a été indûment réclamée et, d'autre part, en raison des coûts induits par les démarches contentieuses, il a dû contracter plusieurs emprunts à hauteur de 61 500 euros ; au plan moral, sa santé a souffert de l'acharnement des douanes à son encontre, matérialisé par plus de 30 titres exécutoires et une saisie immobilière, et de la multiplication des démarches contentieuses qu'il a dû engager depuis 14 ans ; il n'a pas été en mesure de pouvoir profiter de sa retraite, pourtant acquise depuis octobre 2000.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2017 et le 3 janvier 2019, l'établissement public administratif la Masse des douanes, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés ; il s'est vu attribuer le logement par décision du directeur interrégional des douanes d'Ile-de-France du 22 janvier 1990 ; ainsi, c'est bien l'Etat qui a effectué cette mise à disposition ; les créances éventuelles que l'Etat pouvait détenir à l'égard des agents des douanes attributaires de logements pour la période antérieure au 1er janvier 1998 ont été transférées à l'EPA en vertu de l'article 35 du décret n° 97-1181 du 24 décembre 1997 ; M. C...n'établit pas avoir, comme il le prétend, libéré le logement en 1992, d'autant plus qu'il a été réintégré à la direction régionale de Roissy le 7 décembre 1993 ; en tout état de cause, il,a reconnu l'existence de sa dette puisqu'il en a sollicité la remise gracieuse le 12 novembre 2000 ; au 31 mai 2000, l'appartement n'était pas complètement vidé, M. C...n'avait pas donné son préavis et n'avait pas sollicité la réalisation d'un état des lieux, en violation des disposition du règlement général des cités douanières ; les titres exécutoires n'étaient pas entachés d'illégalités et, en tout état de cause, M. C...n'est pas fondé à exciper de leur illégalité, s'agissant d'actes non règlementaires.

Par une ordonnance en date du 17 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le décret n° 97-1181 du 24 décembre 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant M.C..., et de MeE..., représentant l'établissement public Masse des Douanes.

Une note en délibéré pour M. C...a été enregistrée le 23 janvier 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 22 janvier 1990, le directeur interrégional des douanes d'Ile-de-France a attribué à M. F... C..., agent de constatation des douanes, un logement situé Cité de Tremblay I, 13 allée Berthelot à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis). En contrepartie de cette attribution, l'intéressé devait le paiement d'une redevance d'occupation et des charges. Le directeur de l'établissement public administratif (EPA) la Masse des douanes, qui vient aux droits de l'Etat, a émis et rendu exécutoire des titres de recettes pour le paiement par M. C... des redevances d'occupation et des charges de ce logement au titre du solde des années 1993 et 1994 et de la période du 1er janvier 1995 au 31 mai 2000, pour un montant total de 25 822,79 euros. L'établissement en a obtenu le paiement forcé par le notaire chargé de la vente d'un immeuble appartenant au requérant et à sa compagne sur lequel une hypothèque avait été constituée. M. C..., qui réside désormais à La Rochelle (Charente-Maritime), a, le 21 octobre 2013, adressé à l'EPA la Masse des douanes une réclamation indemnitaire tendant à la réparation des préjudices matériel et moral et de ses troubles dans les conditions d'existence résultant de ce paiement, demande qui a été implicitement rejetée. M. C... fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision ayant rejeté sa réclamation indemnitaire et, d'autre part, à l'indemnisation de ses préjudices.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En premier lieu, en appel M. C...réitère une conclusion tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur de l'EPA la Masse des douanes a rejeté sa réclamation en date du 21 octobre 2013. Il y a lieu de rejeter cette conclusion par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif au point 2 de son jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 1997 portant statut de la Masse des douanes, alors en vigueur : " Il est créé un établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière appelé la Masse des douanes. La Masse des douanes est placée sous la tutelle du ministre chargé des douanes. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La Masse des douanes a pour mission de pourvoir au logement des agents des services déconcentrés de la direction générale des douanes et droits indirects, dans les localités où les nécessités du service l'exigent et où les logements font défaut ou sont d'un prix trop élevé (...) ". A ; qu'aux termes de l'article 35 du même décret : " Les droits et obligations de l'Etat relatifs au service de la Masse des douanes sont transférés à l'établissement public (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que M. C...s'est vu attribuer le logement en litige par décision du directeur interrégional des douanes d'Ile-de-France par décision du 22 janvier 1990, date à laquelle la Masse des douanes n'était qu'un service de l'Etat. Si ce service est devenu un établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité moral et de l'autonomie financière par décret du 24 décembre 1997, il résulte des dispositions précitées de l'article 35 de ce décret que les éventuelles créances que pouvait détenir l'Etat à l'égard des agents des douanes attributaires de logements pour la période antérieure au 1er janvier 1998 ont été transférées à l'EPA, lequel a donc qualité pour réclamer à M. C...le paiement des sommes dues, y compris pour la période antérieure à sa constitution. Par suite, le moyen tiré de ce que l'établissement la Masse de la douane ne pouvait faire valoir aucune créance à son égard avant l'entrée du décret du 24 décembre 1997 ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si M. C...a été placé en disponibilité d'office pour raisons de santé le 7 novembre 1992, il a été mis fin à cette disponibilité à compter du 7 décembre 2013, date à laquelle il a réintégré la direction régionale des douanes de Roissy. S'il prétend avoir libéré le logement de Tremblay en mars 1992 à la suite de son placement en disponibilité et avoir alors installé sa résidence principale à La Rochelle, il ne l'établit pas par la seule production d'un relevé de facture d'électricité et de gaz mentionnant la résiliation des abonnements correspondants et de courriers mentionnant son adresse en Charente-Maritime. De son côté, l'EPA la Masse des douanes produit un courrier que l'intéressé lui a adressé le 14 septembre 1997, mentionnant comme domicile l'adresse du logement qu'il s'était vu attribuer en région parisienne et reconnaissant explicitement l'existence d'une dette de " loyers ", reconnaissance à nouveau effectuée de sa part par un courrier du 12 novembre 2000, par lequel il sollicite la " remise totale et gracieuse " de sa dette. L'établissement produit également le procès-verbal de signification d'un commandement de payer délivré le 16 juillet 1999 par un huissier de justice à la même adresse, lequel mentionne que la concierge de l'immeuble a confirmé que M. C... restait attributaire en titre d'un logement où il avait son domicile. Enfin, comme le fait encore valoir l'administration, le requérant n'établit pas avoir régulièrement donné son préavis, ni en mars 1992 ni avant le 31 mai 2000, ni avoir sollicité la réalisation d'un état des lieux de sortie, en violation du règlement général des cités douanières applicable. En conséquence, à cette date, et alors que M. C...allègue de ce que l'appartement était vide depuis 1992, le président de la commission régionale l'informait de ce qu'il demandait " au gardien de remettre aux éboueurs de la ville de Tremblay tout ce qui reste dans l'appartement qui sera considéré comme libéré au 31 mai 2000 ". Dans ces circonstances, le requérant ne peut être regardé comme ayant régulièrement donné son congé de ce logement ni en mars 1992 ni avant le 31 mai 2000.

6. En quatrième lieu, si le requérant fait valoir que certains des titres exécutoires qui lui ont été signifié comportaient des vices tenant aux insuffisances affectant la désignation du débiteur et la mention des bases de liquidation, et alors au demeurant qu'il n'en a pas contesté la légalité dans le délai de recours contentieux, il n'est en tout état de cause pas fondé à exciper de leur illégalité s'agissant d'actes non règlementaires.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à prétendre qu'en poursuivant le recouvrement de cette créance, l'établissement a engagé sa responsabilité à son égard et n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'EPA la Masse des douanes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. C...sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros que demande l'EPA sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : M. C...versera à l'établissement public administratif la Masse des douanes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C...et à l'établissement public administratif la Masse des douanes.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

6

N° 16BX02789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02789
Date de la décision : 13/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-13;16bx02789 ?
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