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13/02/2019 | FRANCE | N°16BX01785

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 février 2019, 16BX01785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 14 août 2013 par laquelle le directeur des ressources humaines du secrétariat général de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, d'enjoindre à la société Orange de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de condamner ladite société à lui verser la somme 3 000 euros en réparation du préjudice mora

l qu'elle estime avoir subi .

Par un jugement n° 1303864 du 7 avril 2016, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 14 août 2013 par laquelle le directeur des ressources humaines du secrétariat général de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, d'enjoindre à la société Orange de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de condamner ladite société à lui verser la somme 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi .

Par un jugement n° 1303864 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de MmeE....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 31 mai 2016 et le 30 mars 2017, Mme A...E..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 avril 2016 ;

2°) d'enjoindre à la société Orange de régulariser sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

3°) de condamner la société Orange à li verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le renvoi exprès, par le décret n° 84-960 du 25 octobre 1984, aux dispositions du code de la sécurité sociale régissant les maladies d'origine professionnelle emporte nécessairement application de la présomption " d'origine professionnelle de toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans les conditions mentionnées à ce tableau " ; or, les pathologies dont elle souffre, affectant l'épaule et la main, figurent bien au tableau n° 57 des maladies professionnelles ; d'autre part, les tâches qu'elle effectuait chez Orange figurent également dans la liste des travaux susceptibles de provoquer l'une des maladies visées dans le tableau n° 57 ; l'étude de son poste de travail révèle que 20 à 30 % de son temps de travail était consacré à des tâches répétitives avec usage majoritaire de la souris et que 70 à 80 % de ce même temps nécessitait l'usage majoritaire du clavier ; le médecin du travail a d'ailleurs préconisé un aménagement de poste, afin de limiter les " mouvements répétitifs du membre supérieur et de la main droite " ; le dossier de déclaration de maladie professionnelle a été renseigné par son supérieur hiérarchique avec un avis favorable ; le médecin de prévention a également conclu, le 18 janvier 2012, à un " trouble musculo-squelettique en rapport avec l'activité de saisie informatique " ; en revanche, les deux experts mandatés par son employeur ne se sont pas livrés à une analyse des tâches habituelles et répétitives qu'on lui confiait ; l'employeur n'est pas tenu par l'avis défavorable de la commission de réforme, laquelle ne comportait pas de médecin spécialiste des pathologies en cause ; en tout état de cause, aucune disposition n'exige que l'activité professionnelle soit l'élément déclencheur exclusif des pathologies ; de toutes façons, la société Orange n'établit pas qu'une autre activité non professionnelle pourrait être à l'origine de ses pathologies ; au total, l'analyse de son poste démontre qu'elle effectuait des tâches propres à déclencher les pathologies déclarées ; par voie de conséquence, celles-ci relèvent bien du tableau n° 57 et ont bien été causées par son activité professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2016, la société Orange, représentée par la SCP Delvolvé - Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme E...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par Mme E...ne sont pas fondés ; en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, aucune disposition ne rend applicable aux fonctionnaires d'Etat les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; par suite, en l'absence de toute présomption d'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie, il appartient à l'agent de faire état de circonstances de fait particulières permettant de rattacher l'origine de la pathologie au service, le lien de causalité devant être certain, direct et déterminant ; en l'espèce, le lien entre les pathologies revendiquées par Mme E...et le service n'est pas établi ; par ailleurs, les conclusions indemnitaires présentées par la requérante ne sont pas recevables et, en tout état de cause, ne sont pas fondées.

Par une ordonnance en date du 4 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraites ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...E..., née en 1955, a été nommée à l'emploi d'agent d'exploitation au service général des postes et télécommunications le 3 décembre 1973. Depuis 2002, elle occupe un poste de gestionnaire d'approvisionnement au sein de l'établissement d'Eysines de la société Orange, où elle est demeurée fonctionnaire, consistant essentiellement en des tâches de saisie informatique. A compter du 19 juin 2011, elle a été placée en arrêt de travail pour des douleurs à l'épaule droite et au pouce. Le 4 juillet 2011, elle a saisi la société Orange d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle de la pathologie dont elle souffre. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 avril 2016 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 août 2013 par laquelle le directeur des ressources humaines du secrétariat général de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, qui a également, par voie de conséquence, rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice moral.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...)./ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit en outre au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service, (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé, si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (...) ".

3. Mme E...se prévaut des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel sont présumées d'origine professionnelle les maladies inscrites aux tableaux de l'annexe II à laquelle renvoie l'article R. 461-3 dudit code et contractées dans les conditions qui y sont mentionnées, une maladie inscrite à ce tableau pouvant néanmoins être reconnu d'origine professionnelle même si toutes les conditions prévues ne sont pas emplies, dès lors qu'elle a été causée par le travail habituel de la personne intéressée. A ce titre, la requérante fait valoir qu'elle remplit les conditions d'application de la présomption légale posée par les dispositions de l'article L. 461-1, compte tenu de ce que sa maladie, une tendinopathie de l'épaule droite et un syndrome de pouce à ressaut, est inscrite au tableau n° 57 des maladies professionnelles, ainsi que de la date d'apparition de ladite pathologie et de la nature de travaux de saisie informatique, comportant de façon habituelle des mouvements répétitifs mobilisant les tendons de son bras et de sa main droite.

4. Toutefois, aucune disposition ne rend applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique de l'Etat, qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau (CE, Lami Hurier, 23 juill 2012, 349726, B). Par suite, il appartient à l'agent de démontrer qu'il existe un lien direct entre ses conditions de travail et la pathologie dont il demande la reconnaissance du caractère professionnel.

5. En l'espèce, si Mme E...soutient que la pathologie dont elle est atteinte présente un lien direct avec son activité de gestionnaire d'approvisionnement qu'elle exerçait depuis 2002 au sein de la société France Télécom, devenue Orange, la commission de réforme, se fondant notamment sur les rapport d'expertise du Dr B...et du Pr Druet-Cabanac, établis le 2 avril 2012 et le 29 août 2012 à la demande d'Orange, a émis, le 26 juillet 2013, un avis défavorable à la reconnaissance de cet état comme maladie professionnelle.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme E...présente, au moins depuis juin 2011, une pathologie tendinopathique de l'épaule droite et un pouce droit dit " à ressaut " avec blocage, hyperalgiques, ce qui a justifié une préconisation du médecin du travail émise le 28 juin 2011 visant à " limiter les mouvements répétitifs du membre supérieur et de la main droite ", ainsi qu'un avis d'aptitude " avec aménagement de poste " en date du 19 août 2011, consistant en la " nécessité d'un fauteuil avec têtière, accoudoirs, réglage lombaire et de l'assise. D'un repose-pied réglable en hauteur et en inclinaison ".

7. Si les analyses de poste produites par MmeE..., en date des 6 août et 13 décembre 2012 montrent qu'elle était " à 100 % en situation de travail informatisé ", que 20 à 30 % de son temps était consacré à un " usage majoritaire de la souris ", qualifié de " tâche répétitive " et 70 à 80 % à un " usage majoritaire du clavier " et si elle produit également de nombreux documents médicaux, ni ces études de poste ni ces derniers documents ne se prononcent sur le lien entre la pathologie dont elle souffre et son activité professionnelle, à l'exception d'un. En effet, le rapport d'expertise établi le 12 mars 2013 par le Dr C...conclut à une imputabilité au service de la tendinopathie de l'épaule droite, dès lors que " l'agent effectue des gestes répétitifs qui mobilisent son membre supérieur droit " dans des " conditions de travail qui ne sont pas optimales ", si bien qu'il estime qu'à l'issue de la consolidation, le taux d'incapacité fonctionnelle devrait être " au moins égal à 15 % " et que le poste de travail doit être aménagé. Cependant, à l'issue d'une autre expertise, effectuée à la demande de France Télécom le 2 avril 2012, le DrB..., chirurgien orthopédiste, après avoir constaté une " bonne fonction du pouce, de sa mobilité et de la force de préhension de la main " et une épaule droite qui " paraît normale ", a estimé qu' " à aucun moment de l'interrogatoire et au niveau du dossier médico-administratif, on ne retrouve de notion de pathologie du membre supérieur droit pouvant faire évoquer une maladie professionnelle " et a conclu à une absence de " lien direct, certain et unique " entre la pathologie de Mme E... et son activité professionnelle. A l'issue d'une contre-expertise demandée par l'employeur, le Pr Druet-Cabanac, qui a examiné l'intéressée le 29 août 2013, a estimé " qu'au vu du cursus professionnel de MmeE..., ni l'intensité, ni les sollicitations, ni les mouvements liés à l'activité professionnelle ne paraissent être susceptibles d'être à l'origine des pathologies présentées. De plus, il est à souligner que ces pathologies sont survenues dans un contexte professionnel difficile ". Il en a conclu que, dans ce contexte, il n'existait " pas de lien direct " entre l'activité professionnelle habituelle de l'agent et la survenue de la tendinopathie de l'épaule et " pas de lien direct et essentiel " entre cette activité et l'apparition du doigt à ressaut. Dans ces conditions, le seul rapport du Dr C...ne suffit pas à faire regarder comme établi un lien direct et essentiel entre la pathologie dont souffre la requérante et son travail habituel.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

9. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité fautive commise par la société Orange, ces conclusions ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme E... sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme que réclame la société Orange sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...et les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 février 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

7

N° 16BX01785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01785
Date de la décision : 13/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : LEMAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-13;16bx01785 ?
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