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04/02/2019 | FRANCE | N°16BX03977

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 04 février 2019, 16BX03977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Creuse (ADAPEI 23) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 30 octobre 2013 par laquelle l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) a rejeté sa demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap pour M. A...E..., son salarié, ainsi que la décision du 12 mars 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1401113 du

13 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Creuse (ADAPEI 23) a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 30 octobre 2013 par laquelle l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) a rejeté sa demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap pour M. A...E..., son salarié, ainsi que la décision du 12 mars 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1401113 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions de l'AGEFIPH du 30 octobre 2013 et du 12 mars 2014.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2016, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH), représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 13 octobre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'ADAPEI 23 devant le tribunal administratif de Limoges ;

3°) de mettre à la charge de l'ADAPEI 23 la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le courrier de notification du jugement attaqué est erroné, dès lors qu'il indique que le jugement est insusceptible d'appel et ne relève que du pourvoi devant le Conseil d'Etat ; aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le litige en cause n'est en effet pas au nombre de ceux sur lesquels il est statué en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs ; elle est donc recevable à interjeter appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 13 octobre 2016 ;

- l'ADAPEI 23 n'était pas éligible pour son ESAT à l'aide à l'emploi versée par l'AGEFIPH dans le cadre de la reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH), dès lors que les ESAT relèvent du milieu protégé de travail ; cette aide est réservée aux entreprises du milieu ordinaire du travail ou aux travailleurs handicapés indépendants ;

- l'ADAPEI 23 n'était donc pas éligible au dispositif de reconnaissance de la lourdeur du handicap pour M.E..., dès lors que celui-ci est accueilli et affecté à plein temps dans un ESAT et ce, malgré l'existence d'un contrat de travail avec l'ADAPEI 23, dès lors que les personnes handicapées relevant de l'effectif de production d'un ESAT ne sont pas des salariés soumis au code du travail ;

- l'ADAPEI 23 ne pouvait recourir à un " contrat de travail " pour contourner le dispositif d'aide auxquelles M. E...était éligible dans le cadre de l'ESAT ; le CDI conclu avec l'ADAPEI est une fiction administrative ; l'ADAPEI reconnaît d'ailleurs que M. E... ne pouvait être orienté en milieu ordinaire ;

- la demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap et l'octroi de l'aide à l'emploi se heurtaient aux règles budgétaires applicables aux ESAT et à leurs organismes gestionnaires, tels l'ADAPEI 23, dont les budgets ne peuvent comprendre que les aides au poste de l'Etat et en aucun cas l'aide à l'emploi ;

- l'éligibilité des ESAT au dispositif de l'aide au poste est exclusif de l'éligibilité aux aides à l'emploi versées par l'AGEFIPH dans le cadre du dispositif de la reconnaissance de la lourdeur du handicap ; en effet, l'octroi des aides de l'AGEFIPH ou des aides au poste de l'Etat ne relève pas d'une option laissée au libre choix des employeurs, mais dépend des conditions d'éligibilité prévues par le législateur ; dans la mesure où ces régimes d'aide ont le même objet, ils sont exclusifs l'un de l'autre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2017, l'ADAPEI 23, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'AGEFIPH la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'AGEFIPH n'étant pas fondés, il y a lieu de confirmer le jugement.

Par une ordonnance en date du 20 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant l'ADAPEI 23.

Considérant ce qui suit :

1. L'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de la Creuse (ADAPEI 23) a conclu, le 26 février 2007, un contrat de travail à durée indéterminée avec M. A... E..., reconnu travailleur handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), afin qu'il exerce l'activité d'ouvrier de production au sein de l'établissement ou service d'aide par le travail (ESAT) d'Aubusson qu'elle gère. La lourdeur du handicap de M. E...ayant été reconnue par l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), l'ADAPEI 23 a bénéficié, pour ce motif, au titre des années 2009 à 2012, de l'aide à l'emploi prévue par l'article L. 5213-11 du code du travail. Le 20 février 2013, l'ADAPEI 23 a sollicité le renouvellement de la reconnaissance de la lourdeur du handicap de son salarié et le versement de l'aide à l'emploi. Par une décision du 30 octobre 2013, l'AGEFIPH a rejeté la demande de l'ADAPEI 23 et, le 12 mars 2014, a également rejeté le recours gracieux présenté par l'ADAPEI 23. L'AGEFIPH fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 13 octobre 2016 qui a, à la demande de l'ADAPEI 23, annulé ses décisions des 30 octobre 2013 et 12 mars 2014.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 5212-2 du code du travail : " Tout employeur emploie, dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés, mentionnés à l'article L. 5212-13 ". Il résulte des dispositions de l'article L. 5212-13 du code du travail que les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées bénéficient de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 5212-2 de ce code. Aux termes de l'article L. 5213-7 de ce code : " Le salaire des bénéficiaires mentionnés à l'article L. 5212-13 ne peut être inférieur à celui qui résulte de l'application des dispositions légales ou des stipulations de la convention ou de l'accord collectif de travail ". L'article L. 5213-11 du même code dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 5213-7 relatives au salaire du travailleur handicapé, une aide financée par le fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés peut être attribuée sur décision de l'association mentionnée à l'article L. 5214-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 5213-2 dudit code : " La qualité de travailleur handicapé est reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles. Cette reconnaissance s'accompagne d'une orientation vers un établissement ou service d'aide par le travail, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle. (...) ". Aux termes de l'article L. 344-2 du code de l'action sociale et des familles : " Les établissements et services d'aide par le travail accueillent des personnes handicapées dont la commission prévue à l'article L. 146-9 a constaté que les capacités de travail ne leur permettent, momentanément ou durablement, à temps plein ou à temps partiel, ni de travailler dans une entreprise ordinaire ou dans une entreprise adaptée ou pour le compte d'un centre de distribution de travail à domicile, ni d'exercer une activité professionnelle indépendante. Ils leur offrent des possibilités d'activités diverses à caractère professionnel, ainsi qu'un soutien médico-social et éducatif, en vue de favoriser leur épanouissement personnel et social ". Aux termes de l'article L. 312-1 de ce code : " I. Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) 5° Les établissements ou services : / a) D'aide par le travail (...) ". Aux termes de l'article L. 243-4 du même code : " Tout travailleur handicapé accueilli dans un établissement ou service relevant du a du 5° du I de l'article L. 312-1 bénéficie du contrat de soutien et d'aide par le travail mentionné à l'article L. 311-4 et a droit à une rémunération garantie versée par l'établissement ou le service d'aide par le travail qui l'accueille et qui tient compte du caractère à temps plein ou à temps partiel de l'activité qu'il exerce. Elle est versée dès l'admission en période d'essai du travailleur handicapé sous réserve de la conclusion du contrat de soutien et d'aide par le travail. / (...) / Afin de l'aider à financer la rémunération garantie mentionnée au premier alinéa, l'établissement ou le service d'aide par le travail reçoit, pour chaque personne handicapée qu'il accueille, une aide au poste financée par l'Etat. (...) ".

3. Pour refuser de faire droit à la demande de reconnaissance de la lourdeur du handicap de M.E..., l'AGEFIPH a opposé à l'ADAPEI 23 que, dès lors que son salarié exerçait une activité productive en ESAT, il devait disposer d'une décision d'orientation en milieu protégé délivrée par la CDAPH conformément à l'article L. 344-2 du code de l'action sociale et des familles et bénéficier du contrat de soutien et d'aide par le travail prévu à l'article L. 243-4 de ce code. L'AGEFIPH en a conclu que, dans ces conditions, " les ESAT ont droit à des aides au poste de l'Etat qui n'ont pas vocation à se cumuler avec les aides à l'emploi liées à la RLH qui portent sur le même objet ".

4. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 344-2 et L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles et de l'article L. 5213-2 du code du travail que sont accueillies en ESAT, au sens des articles précités du code de l'action sociale et des familles, les travailleurs handicapés orientés vers ces établissements par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et que ces personnes ont alors droit à une rémunération garantie versée par l'ESAT dès leur admission en période d'essai sous réserve de la conclusion d'un contrat de soutien et d'aide par le travail, rémunération garantie pour laquelle l'établissement reçoit, pour chaque personne handicapée qu'il accueille, une aide au poste financée par l'Etat.

5. Cependant, il ressort des pièces du dossier que, si la qualité de travailleur handicapé a été reconnue à M. E...par la CDAPH en raison de la déficience auditive sévère dont il est affecté, cette reconnaissance s'est accompagnée d'une orientation vers le marché du travail, en milieu ordinaire, et non en ESAT, qui relève du milieu protégé. Par suite, M. E...a été recruté en CDI par l'ADAPEI 23, association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, puis affecté à un poste de production en menuiserie à l'ESAT d'Aubusson, dont l'association assure la gestion, sa présence au sein dudit ESAT ne relevant ainsi pas, dès lors que les travailleurs accueillis dans ce type d'établissement n'ont pas le statut de salariés, d'une qualité d'usager de cet établissement, mais de sa qualité de salarié de l'ADAPEI 23. En outre, cette association n'a pas sollicité de l'AGEFIPH le renouvellement de la reconnaissance de la lourdeur du handicap, et donc l'aide à l'emploi, en tant que gestionnaire de l'ESAT en question, mais en tant qu'employeur d'un salarié handicapé. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que, dans les circonstances de l'espèce, M. E...ne pouvait être regardé comme ayant été accueilli par l'ESAT d'Aubusson au sens des articles L. 243-4 et L. 344-2 du code de l'action sociale et des familles et que, dès lors, l'ADAPEI 23 était fondée, pour ce seul motif, à soutenir que l'AGEFIPH avait entaché les décisions contestées d'illégalité en refusant de reconnaître la lourdeur du handicap de son salarié et de verser l'aide à l'emploi sollicitée au motif que l'ESAT dans lequel M. E...est affecté aurait droit, dans le cadre de l'accueil de ce dernier, à l'aide au poste prévue à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'AGEFIPH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a, à la demande de l'ADAPEI 23, annulé ses décisions du 30 octobre 2013 et du 12 mars 2014.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'ADAPEI 23, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'AGEFIPH sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AGEFIPH une somme de 2 000 euros que demande l'ADAPEI 23 sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'AGEFIPH est rejetée.

Article 2 : L'AGEFIPH versera à l'ADAPEI 23 la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), à l'Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales de la Creuse (ADAPEI 23) et à M. A...E....

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

6

N° 16BX03977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03977
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-032-02 Travail et emploi. Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs. Emploi des handicapés.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-04;16bx03977 ?
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