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04/02/2019 | FRANCE | N°16BX01607

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 04 février 2019, 16BX01607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...et le comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage, usine Verallia, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer l'annulation de la décision du 30 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail a refusé l'inscription, pour la période de 1964 à 1975, de l'établissement Saint-Gobain Emballage site de Cognac sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante d'enjoindre au ministre cha

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...et le comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage, usine Verallia, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer l'annulation de la décision du 30 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail a refusé l'inscription, pour la période de 1964 à 1975, de l'établissement Saint-Gobain Emballage site de Cognac sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante d'enjoindre au ministre chargé du travail, de la sécurité sociale et du budget et à la direction des relations du travail de prendre, sous astreinte, une nouvelle décision dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 1400576 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. B...et du comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2016, et des mémoires enregistrés les 7 avril 2017 et 12 avril 2017, M. E... B...et le comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage, usine Verallia, représentés par la SCP Michel Ledoux et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail du 30 décembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé du travail de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise, à charge pour l'expert de se rendre sur le site Saint-Gobain Verallia, et de donner son avis sur l'exposition à l'amiante sur le site de 1964 à 1996 en caractérisant notamment la nature et l'intensité de celle-ci, afin de déterminer si les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui ont été affectés, représenté, sur la période en cause, une part significative de l'activité de cet établissement.

Ils soutiennent que :

- en vertu du parallélisme des formes, la décision de refus a été prise par une autorité incompétente, car elle a été édictée par le seul ministre du travail ès-qualité, alors que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 impose que la liste des établissements soit établie conjointement par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget ;

- le signataire de l'acte était par ailleurs incompétent, par absence de délégation de compétence et de délégation de signature ;

- la décision attaquée viole les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est également insuffisamment motivée, dès lors qu'il s'agit, non d'une décision réglementaire, mais bien d'une décision individuelle refusant un avantage et que le directeur des relations du travail se borne à faire succinctement référence à une enquête complémentaire, non contradictoire et aux résultats contestables et contestés ;

- cette décision viole l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 mai 2013, qui implique que le ministre du travail doit inscrire l'établissement selon les termes de cet arrêt ;

- elle viole les lois de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 1998, du 29 décembre 1999 et du 20 décembre 2004 ; la réalité de l'activité de calorifugeage sur le site de Cognac entache en effet la décision attaquée d'erreur de droit au regard de ces lois ; les salariés de l'établissement devaient réaliser quotidiennement des activités de calorifugeage à l'amiante à quoi s'ajoutaient la fabrication, la pose et la dépose de très nombreux joints en amiante ; quand bien même ces activités n'étaient pas l'activité principale de l'établissement de Cognac, cela justifie son inscription sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; de toutes façons, de très nombreuses attestations d'exposition aux poussières d'amiante sont produites ; on ne peut ignorer les multiples condamnations par les juridictions civiles pour faute inexcusable de l'employeur qui démontrent que plusieurs salariés du site ont développé des maladies professionnelles liées à l'inhalation de ces poussières voire en sont décédés ; ces condamnations démontrent également que la société n'a pas pris les mesures utiles pour protéger ses salariés ;

- la décision attaquée viole encore le principe d'égalité des citoyens devant la loi, dès lors que d'autres établissements du groupe Saint-Gobain, pratiquant également le calorifugeage à l'amiante, ont bénéficié de l'inscription revendiquée pour celui de Cognac, l'activité de calorifugeage y étant similaire ;

- à titre subsidiaire, il est demandé à la cour d'ordonner une expertise destinée à déterminer la réalité de l'exposition à l'amiante dans cet établissement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 août 2016 et 19 juin 2017, la société Verallia France, représentée par MeA..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et de la demande d'expertise, à titre subsidiaire, à ce que l'expertise soit limitée à la prise de connaissance des registres du personnel, des plans de construction des fours et installation et des fiches d'intervention et de réparation pour la période 1964-1975 sur le site de Cognac et à la rédaction d'un rapport concernant uniquement la question de savoir si les opérations de calorifugeage ont, pour cette période, représenté une part significative de l'activité de l'établissement.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les exposants ne sont pas fondés ; en particulier, la décision attaquée n'est entachée d'aucune illégalité externe, et ne viole pas l'autorité de la chose jugée ; c'est à juste titre que l'établissement de Cognac n'a pas été inscrit sur la liste, car son activité n'a jamais été la fabrication de matériaux composant de l'amiante ni même le flocage ou le calorifugeage à l'amiante au sens de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et qu'en outre, les travaux sur des équipements de protection thermique utilisés occasionnellement et à titre accessoire n'ont jamais eu un caractère significatif ; les pièces versées par les requérants aux débats manquent de pertinence ; elles ne parviennent pas à démontrer le caractère significatif des travaux de calorifugeage effectués pour la période 1964-1975, puisque, pour la période 1976-1996, il a été définitivement jugé que l'établissement de Cognac ne pouvait être inscrit sur la liste ; pendant la période en cause, le temps de travail concernant la mise en oeuvre et le retrait de matériaux comportant de l'amiante ne constituait qu'une faible proportion du temps de travail total de l'effectif, environ 2,5 %, et les interventions étaient très ponctuelles, de sorte qu'il serait contraire tant à la lettre qu'à l'esprit de la loi d'inscrire l'établissement de Cognac sur la liste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les exposants ne sont pas fondés ; en particulier, la décision attaquée n'est entachée d'aucune illégalité externe, et ne viole pas l'autorité de la chose jugée ; le ministère du travail a procédé au réexamen de la demande pour la période 1964-1975 et a sollicité un rapport d'enquête complémentaire ; ce rapport montre que seuls 2,5 % des heures travaillées par les personnes intervenant sur des éléments de protection thermique et amenés à effectuer des opérations de calorifugeage, représentant eux-mêmes 25 à 50 % de l'effectif total, étaient effectivement réalisés en situation d'exposition quotidienne ; les critères pour que l'établissement soit inscrit sur les listes de la CAATA n'étaient donc pas réunis au sens de l'article 41 de la loi ayant institué ce dispositif ; le ministre du travail a donc justement considéré qu'il n'était pas établi qu'une part significative de l'activité de l'établissement entraînait une exposition à l'amiante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2007-1000 du 31 mai 2007 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le comité d'établissement de Saint-Gobain Emballage a, en 2005, demandé l'inscription de l'établissement Verallia de Cognac (Charente) sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales ouvrant droit à une allocation de cessation anticipée d'activité, prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999. Le ministre chargé du travail a refusé de faire droit à cette demande par une décision du 9 janvier 2007. Par décision du 27 mai 2013, le Conseil d'Etat a annulé la décision du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 9 janvier 2007 en tant qu'elle refusait d'inscrire cet établissement sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour la période de 1964 à 1975. Après la réalisation d'un rapport d'enquête par les services déconcentrés du ministère du travail, le ministre, statuant sur la demande formée par le comité d'établissement, a, par décision du 30 décembre 2013, de nouveau refusé cette inscription. M. B... et le comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage font appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 avril 2016, qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce refus pour la période 1964 à 1975.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable : " I.-Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif ; (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-1000 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre du travail : " Le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville prépare et met en oeuvre la politique du Gouvernement en matière de travail, de relations sociales, de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, de droits des femmes, de parité et d'égalité professionnelle, de politique de la ville et, sous réserve des compétences du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et de la ministre de la santé et des sports, dans le domaine de l'action sociale et de la protection sociale. A ce titre : (...) 3° Il élabore et met en oeuvre les règles relatives aux régimes de sécurité sociale et aux régimes complémentaires en matière d'assurance vieillesse, d'accidents du travail et de maladies professionnelles, de prestations familiales ainsi que celles relatives à la gestion administrative des organismes de sécurité sociale ; (...) ".

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu il résulte des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 31 mai 2007 que le ministre du travail est seul compétent pour mettre en oeuvre les règles relatives aux régimes de sécurité sociale et aux régimes complémentaires en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Par suite, bien que l'article 2 du même texte confère aux ministres du travail, du budget et de la santé, autorité conjointe sur la direction de la sécurité sociale, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté litigieux, pris en application de l'article 41 de la section 4 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée, relative aux dépenses de la branche accidents du travail, n'aurait pu être signé par le seul ministre en charge du travail.

4. En deuxième lieu, aux termes de 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : /1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ".

5. Comme l'ont déjà relevé les premiers juges, M. C...D..., qui a été nommé directeur général du travail par décret du 25 août 2006, disposait d'une délégation régulière pour signer la décision en litige au nom du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique en application des dispositions citées au point 4. Par ailleurs, si, conformément aux dispositions du 1° du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, l'inscription sur la liste des établissements donnant lieu au versement de l'allocation anticipée aux salariés et anciens salariés victimes de l'amiante est décidée par un arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, comme cela a déjà été dit ci-dessus, le ministre du travail a qualité pour rejeter seul une demande tendant à une telle inscription. Par conséquent, et alors même que la décision ne mentionne pas que le directeur général du travail a signé par délégation du ministre, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, au motif qu'il n'aurait pas eu délégation de signature ni de compétence, doit être écarté.

6. En troisième lieu, M.D..., signataire de la décision attaquée, directeur des relations du travail à partir de l'année 2001, puis, d'août 2006 à octobre 2014, directeur général du travail au sein du ministère en charge du travail, même s'il est membre du Conseil d'Etat, n'a exercé au cours de cette période aucune fonction consultative ou juridictionnelle au sein de cette juridiction. Par suite, en tout état de cause, dès lors que, contrairement à ce que font valoir les requérants, M. D...ne peut être regardé comme ayant été " juge et partie " lors du processus qui a mené à l'édiction de la décision attaquée ni lors de cette édiction elle-même, le moyen tiré de la violation des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Cependant, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la décision d'inscription ou de refus d'inscription d'un établissement sur la liste ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité n'a pas le caractère d'un acte administratif individuel. (CE, société Briens Lamoureux, 27 juin 2001, 224698) Par suite, la décision attaquée n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 211-2, alors en outre qu'aucune obligation de motivation spécifique ne découle de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée. Par conséquent, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 est inopérant et ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Il résulte des dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 que doivent être inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, les établissements dans lesquels les opérations de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements. Il en va ainsi alors même que ces opérations ne constitueraient pas l'activité principale des établissements en question. Est en revanche sans incidence sur l'inscription d'un établissement l'intensité de l'exposition personnelle à l'amiante des salariés affectés aux opérations en question. (CE, synd CFDT de la métallurgie tarnaise, 2 oct 2009, 316820, B. Voir aussi CE, soc Saint-Gobain Isover, 2 oct 2009, 319021, B. CE, assoc départementale de défense des victimes de l'amiante 44, 2 oct 2009, 313394, B).

9. En premier lieu, le Conseil d'Etat a, par sa décision du 27 mai 2013, estimé que la décision du 9 janvier 2007 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement avait refusé d'inscrire l'établissement Saint-Gobain Emballage de Cognac sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité pour la période de 1964 à 1997 était entachée d'une erreur de droit. Après examen d'une demande de substitution de motif ayant trait au caractère significatif des opérations de calorifugeage à l'amiante de l'activité de l'établissement, il a fait droit à cette demande pour la période de 1976 à 1997. En revanche, il l'a rejetée pour la période de 1964 à 1975, au motif de l'absence d'éléments suffisants. Dans ces conditions, les motifs étant le soutien nécessaire du dispositif d'une décision juridictionnelle, quand bien même le Conseil d'Etat a annulé la décision du ministre en charge du travail du 9 janvier 2007 en tant qu'elle refusait d'inscrire l'établissement dont s'agit pour la période allant de 1964 à 1975, en procédant au réexamen de la demande du comité d'entreprise après nouvelle enquête par les services déconcentrés du ministère du travail et dès lors que sa nouvelle décision de refus relevait le caractère non significatif de l'activité de calorifugeage au sein de l'établissement, le ministre du travail n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attachait à la décision du Conseil d'Etat du 27 mai 2013.

10. En deuxième lieu, l'établissement Verallia de Cognac, qui comporte trois fours, est un site exclusivement dédié à la fabrication de bouteilles en verre. Il est constant que, pour la période en litige, des matériaux comportant de l'amiante ont été utilisés en tant qu'éléments d'isolation thermique. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'enquête établi le 10 septembre 2013, après visite sur place de l'ingénieur de prévention de la direction régionale des entreprises, de la septembre de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes, que, pour la période de 1964 à 1975, des salariés de l'établissement, pour une part représentant 26 à 30% de l'effectif total, étaient amenés à intervenir sur des éléments comportant de l'amiante lors des travaux de mise en oeuvre ou de retrait de moyens d'isolation thermique. Cependant, ce même rapport précise que la part du temps de travail consacré à ces interventions par rapport au temps de travail total de l'usine est évaluée à 2,5% des heures travaillées de tous les salariés du site. Si ce rapport précise que certains salariés ont pu subir une forte exposition aux poussières d'amiante, éventuellement quotidienne pour un très petit nombre d'entre eux, les attestations produites par les requérants, qui n'ont une portée utile que lorsqu'elles concernent des salariés ayant travaillé dans l'établissement au cours de la période en litige, ne permettent pas à elles seules de remettre en cause l'évaluation ainsi faite de la fréquence et de la proportion des salariés affectés aux activités de calorifugeage alors, au demeurant, qu'est sans incidence sur l'inscription d'un établissement l'intensité de l'exposition personnelle à l'amiante des salariés affectés aux opérations de calorifugeage. Dans des conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en ayant considéré qu'il n'était pas établi que, pour la période restant litige, une part significative de l'activité de l'établissement exposait les salariés aux poussières d'amiante, le ministre en charge du travail n'avait pas fait une inexacte application des dispositions du 1° du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

11. En dernier lieu, comme l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges, la circonstance que d'autres établissements relevant du même secteur d'activité ont été inscrits sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, ne peut caractériser une violation du principe d'égalité devant la loi, dès lors que la mesure d'inscription sollicitée ne peut être prononcée que si les conditions fixées par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 sont remplies.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B...et le comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. B...et du comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...et du comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...et au comité d'établissement de la société Saint-Gobain Emballage, à la société Verallia France et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

8

N° 16BX01607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01607
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des immeubles - Amiante.

Travail et emploi - Conditions de travail - Hygiène et sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-04;16bx01607 ?
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