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18/12/2018 | FRANCE | N°16BX04218

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 16BX04218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Sud-Est Toulousain (Sicoval) a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation in solidum de la société BSA, du cabinetA..., du cabinet Gouwy, Grima, Rames, de la société Aquitaine Isol, de la société Apia, de la société Senaud JCM, de la société PSE, de la société Hervé Thermique à l'indemniser des divers préjudices liés aux désordres constatés dans la salle de spectacles " le Bikini " dans la commune de Ramonville.

Par un jugement n° 1200

965 du 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Sud-Est Toulousain (Sicoval) a demandé au tribunal administratif de Toulouse la condamnation in solidum de la société BSA, du cabinetA..., du cabinet Gouwy, Grima, Rames, de la société Aquitaine Isol, de la société Apia, de la société Senaud JCM, de la société PSE, de la société Hervé Thermique à l'indemniser des divers préjudices liés aux désordres constatés dans la salle de spectacles " le Bikini " dans la commune de Ramonville.

Par un jugement n° 1200965 du 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement le cabinetA..., le cabinet d'architectes Gouwy-Grima-Rames et la société BSA à verser au Sicoval la somme de 16 086,20 euros TTC au titre des désordres affectant les portes coupe-feu, a condamné solidairement le cabinetA..., le cabinet d'architectes Gouwy-Grima-Rames et la société et la société PSE à verser au Sicoval la somme de 1 506,96 euros TTC au titre des désordres affectant le système de désenfumage, a condamné la société PSE à verser au Sicoval la somme de 867,46 euros TCC au titre de ces même désordres ; le tribunal a aussi condamné la société BSA à garantir le cabinet d'architectes A...et le cabinet Gouwy-Grima-Rames à hauteur de 100 % de la condamnation prononcée à leur encontre ; le tribunal a mis les frais d'expertise, d'un montant de 12 957,27 euros TTC, à la charge définitive et solidaire du cabinetA..., du cabinet Gouwy-Grima-Rames et de la société BSA ; le tribunal a enfin rejeté le surplus des conclusions de la requête du Sicoval.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires présentés le 22 décembre 2016, le 14 décembre 2017 et le 4 mai 2018, la société BSA, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200965 du tribunal administratif de Toulouse du 12 octobre 2016 en ce qu'il a déclaré la société BSA responsable des désordres affectant les portes coupe-feu, en ce qu'il l'a condamnée à garantir intégralement le cabinet d'architectes des condamnations prononcées à son encontre et en ce qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise ;

2°) de rejeter les demandes présentées par le Sicoval à son encontre ;

3°) de mettre à la charge du Sicoval la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) subsidiairement, de réduire à 10 % la part des frais d'expertise.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité dès lors que l'expert a estimé que les prestations qu'elle a réalisées étaient conformes aux spécifications du marché ; les éléments défectueux n'étaient pas, en raison de leur faible importance, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination au point d'engager la garantie décennale des constructeurs ;

- de plus, la garantie décennale ne peut jouer pour des éléments d'équipements tels que les portes coupe-feu d'une salle de concert qui sont sujettes à dégradation rapide et nécessitent un entretien particulier du maître de l'ouvrage ; ces dommages relèvent en réalité de la garantie de parfait achèvement et d'un défaut de maintenance qui n'est pas imputable à la société BSA ;

- sa responsabilité a été recherchée par le Sicoval sur le seul terrain de la garantie décennale des constructeurs à l'exclusion de la garantie de parfait achèvement ; le délai d'invocation de cette dernière garantie est expiré ;

- les dommages que le tribunal a retenus pour engager sa responsabilité ne figurent pas dans le rapport d'expertise mais dans des dires à expert que les premiers juges ont repris à tort ;

- en toute hypothèse, les montants demandés par le Sicoval au titre des réparations est injustifié.

Par des mémoires en défenses, présentés le 13 juillet 2017 et le 20 février 2018, le cabinet DidierA..., la société Gouwy-Grima-Rames et la société Apia, représentés par la SCP Darnet-Gendre-Attall, concluent :

1°) à titre principal, au rejet de la requête de la société BSA et à la réformation du jugement en tant qu'il les a condamnés à réparer les désordres affectant le système de désenfumage ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de toute demande formulée à l'encontre du cabinet A...et du cabinet Gouwy Grima Rames au titre des désordres affectant les portes coupe-feu ;

3°) en toute hypothèse, à ce qu'il soit mis à la charge de la société BSA ou de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

- devant les premiers juges, le Sicoval a seulement cherché à engager la garantie décennale des constructeurs, ce qui ne lui permet plus de rechercher la responsabilité de ces derniers pour des désordres non décennaux ;

- l'expert a relevé que les dommages sur les portes coupe-feu portent atteinte au dispositif de sécurité incendie qui est indissociable de l'ouvrage qui constitue un établissement recevant du public ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont engagé la garantie décennale de la société BSA ;

- ces dommages sont aussi exclusivement imputables à la société BSA dès lors que l'expertise a montré qu'ils ont pour origine des travaux de reprise non assurés par cette dernière ; l'expertise a aussi confirmé que les dommages n'étaient pas imputables à un défaut de conception ou de surveillance des travaux imputables aux maîtres d'oeuvre ;

- les autres désordres pour lesquels le Sicoval demande, dans son appel incident, une indemnisation ne relèvent pas de la garantie décennale ;

- ainsi, dans l'hypothèse où la cour jugerait que les dommages en litige ne relèvent pas de la garantie décennale, il y aurait lieu d'écarter toute responsabilité des maîtres d'oeuvre sur le terrain contractuel.

Par des mémoires, enregistrés le 12 décembre 2017 et le 5 mars 2018, la société Hervé Thermique, représentée par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de confirmer le jugement du tribunal ;

2°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) subsidiairement, de condamner in solidum le cabinetA..., le cabinet Gouwy-Grima-Rames à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre concernant les désordres affectant les sanitaires publics ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de juger que sa part de responsabilité dans les désordres ne saurait excéder 10 % du coût des travaux de reprise ; de condamner les maîtres d'oeuvre à la garantir à hauteur de 90 % de ce coût ;

5°) de juger que sa part au titre des frais d'expertise ne saurait excéder 10 % de son coût ;

6°) de condamner in solidum les autres défendeurs à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre des autres désordres ;

7°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société ne formule à son encontre aucune demande et le tribunal a écarté le principe de sa responsabilité ;

- sa responsabilité ne peut être recherchée par le Sicoval pour les désordres affectant les sanitaires car les réserves ont été levées et la responsabilité contractuelle ne peut plus être recherchée ;

- au cas où la cour retiendrait sa responsabilité, elle devrait être garantie des condamnations prononcées à son encontre par les maîtres d'oeuvre.

Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2018, la communauté d'agglomération du Sud-Est Toulousain (SICOVAL), représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) de rejeter l'appel formé par la société BSA ;

2°) de condamner in solidum la société BSA et le cabinetA..., le cabinet Gouwy Grima Rames à lui payer une somme de 146 436,33 euros pour les désordres affectant les portes coupe-feu, outre les réparations urgentes et provisoires (9 465,14 euros) ; de condamner la société Aquitaine Isol à lui payer une somme de 660,13 euros pour le remplacement d'une plaque du plafond ; de condamner in solidum la société Apia et la société Aquitaine Isol à lui payer une somme de 56 975,25 euros en raison des désordres affectant l'isolation acoustique ; de condamner in solidum le cabinetA..., le cabinet Gouwy Grima Rames et la société Senaud JCM à lui payer la somme 4 700, 00 euros au titre des désordres affectant le revêtement granit ; de condamner la société PSE à lui payer la somme de 2 374,42 euros au titre des désordres affectant le système de désenfumage du local " stockage scène " ; de condamner in solidum le cabinet A...Grima Rames et la société Hervé Thermique à lui payer une somme de 4 055,74 euros pour les désordres affectant les sanitaires publics ; de condamner la SARL BSA à lui payer une somme de 4 837,82 euros au titre des désordres affectant les menuiseries des cuisines ; de condamner in solidum le cabinetA..., le cabinet Gouwy Grima Rames à hauteur de 1 506,96 euros pour la réparation du système de désenfumage ; de dire que le coût de ces travaux sera réactualisé en fonction de l'indice du coût de la construction applicable au jour de la décision ;

3°) de condamner in solidum le cabinetA..., le cabinet Gouwy Grima Rames, la société Apia, la société BSA, la société Aquitaine Isol, la société Senaud JCM, la société G-Clim, la société Hervé Thermique à lui payer une somme de 12 957,27 euros TTC correspondant aux honoraires de l'expert judiciaire ;

4°) de condamner in solidum tout succombant à payer au Sicoval la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

Il soutient, au fond, que :

- les désordres qui affectent les portes coupe-feu ne sont pas dus à l'usure mais à un vice de conception imputable à la société BSA ; en tout état de cause, les ouvrages en question faisaient l'objet d'un entretien régulier de la part du Sicoval ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions du Sicoval dirigées contre les autres constructeurs au motif, erroné, qu'elles se rapportaient à des désordres qui n'étaient pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ; entrent ainsi dans le champ de la garantie décennale, eu égard à leurs conséquences, les dommages affectant les revêtements sols, le système acoustique de la salle, les robinetteries, les baies coulissantes ; il appartiendra en conséquence à la cour de retenir la responsabilité décennale des constructeurs titulaires de chacun des lots concernés ;

- était également recherchée la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre pour leur manquement à leur obligation de conseil du maître de l'ouvrage ; ces derniers ont en effet commis des fautes de conception, des fautes dans la direction des travaux et ont manqué à leur devoir de conseil du maître de l'ouvrage ;

- aucune faute du maître de l'ouvrage ne saurait être retenue car il ne s'est pas immiscé fautivement dans la réalisation des travaux et a veillé à son obligation d'entretien de l'ouvrage ;

- il doit être indemnisé du coût des travaux de reprise des désordres affectant chacun des lots concernés par le présent litige ;

- la responsabilité de la société Hervé Thermique doit être engagée sur le terrain de la garantie décennale, sinon sur celui de la garantie de bon fonctionnement.

Par ordonnance du 24 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2018 à 12 heures.

Le 19 novembre 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville , rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant la société BSA, et de Me G..., représentant M.A..., la SARL Gouwy Grima Rames et la SARL Apia.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération du sud-est toulousain (Sicoval) a entrepris de faire réaliser une salle de concert dans la commune de Ramonville. A cette fin, elle a confié, par un acte d'engagement signé le 18 février 2005, la maîtrise d'oeuvre du projet à un groupement d'architectes constitué du cabinetA..., du cabinet Gouwy-Grima-Rames et de la société Apia. Les travaux ont fait l'objet d'une division en 16 lots dont la réception a été prononcée le 13 septembre 2007 avec des réserves qui ont ensuite été levées. Des désordres ayant néanmoins été constatés après la réception définitive des travaux sur 9 des 16 lots, le Sicoval a demandé au président du tribunal administratif de Toulouse la désignation d'un expert. Après le dépôt du rapport d'expertise, le Sicoval a saisi le tribunal administratif en vue de rechercher la responsabilité des maîtres d'oeuvre, de la société Aquitaine Isol, de la société Apia, de la société Senaud JCM, de la société BSA et de la société Hervé Thermique à raison des désordres existants.

2. Par un jugement rendu le 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, condamné solidairement le cabinetA..., le cabinet Gouwy-Grima-Rames et la société BSA à verser au Sicoval la somme de 16 086,20 euros TTC au titre des désordres affectant les portes coupe-feu de la salle de spectacle puis condamné la société BSA à garantir les maîtres d'oeuvre à hauteur de 100 % de cette condamnation. Par ailleurs, le tribunal a condamné solidairement le cabinetA..., le cabinet Gouwy-Grima-Rames et la société PSE à verser au Sicoval la somme de 1 506,96 euros TTC et a condamné la société PSE à verser au Sicoval la somme de 867,46 euros TTC au titre de désordres affectant le système de désenfumage de l'ouvrage puis rejeté les conclusions des maîtres d'oeuvre tendant à ce qu'ils soient garantis par la société PSE de la condamnation solidaire. Enfin, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions du Sicoval dirigées contre les autres constructeurs au motif que les désordres pour lesquels leur responsabilité était recherchée ne relevaient pas de la garantie décennale des constructeurs.

3. La société BSA relève appel de ce jugement dont elle demande l'annulation en ce qu'il l'a déclarée responsable des désordres affectant les portes coupe-feu et condamnée à garantir intégralement le cabinet d'architectes du montant des travaux de reprise. Le Sicoval demande la réformation du jugement en tant qu'il a limité à 16 086,20 euros TTC la condamnation de la société BSA au titre des désordres affectant les portes coupe-feu, en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de condamnation de la société BSA à lui payer une somme de 4 837,82 euros au titre des désordres affectant les menuiseries des cuisines et en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de condamnation in solidum des maîtres d'oeuvre et des constructeurs à réparer les autres désordres en litige. Le cabinet DidierA..., la société Gouwy-Grima-Rames et la société Apia demandent à la cour de réformer le jugement du tribunal en ce qu'il a retenu leur responsabilité pour les désordres affectant le système de désenfumage de l'ouvrage. La société Hervé Thermique demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal et, subsidiairement, à être garantie des condamnations prononcées à son encontre, enfin et à titre infiniment subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité dans les désordres soit limitée à 10 % du coût des travaux de reprise.

Sur l'appel principal de la société BSA :

En ce qui concerne l'engagement de la garantie décennale :

4. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que les constructeurs sont responsables de plein droit des dommages, apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs, le rendent impropre à sa destination. La garantie décennale des constructeurs repose sur une présomption de responsabilité dont les constructeurs ne peuvent être exonérés qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage. Il en résulte que, si le constructeur peut faire valoir que sa responsabilité décennale n'est pas engagée dès lors que les désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination, il ne peut, en revanche, utilement soutenir qu'il s'est correctement acquitté de sa mission en n'ayant commis aucune faute.

5. Il résulte de l'instruction que les prestations prévues au lot n° 5 " serrureries-menuiseries-aluminium " du marché de construction de la salle de spectacle ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception du 13 septembre 2007 accompagné de réserves qui ont été levées le 7 novembre 2007. Titulaire du lot n° 5 " serrurerie ", la société BSA était à ce titre chargée de l'installation des portes coupe-feu de la salle de spectacle.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des propres constatations effectuées par l'expert, que les portes coupe-feu ont présenté des blocages, notamment au niveau des issues de secours de la salle de spectacle. Les poignées et les serrures des portes ne tiennent pas ou présentent un fonctionnement inversé. Ces désordres remettent ainsi en question les fonctionnalités des portes en termes d'ouverture, d'acoustique et de sécurité incendie. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que ces désordres, au regard de leur nature et de leurs conséquences potentielles, notamment en terme de sécurité, dans une salle de spectacle d'une capacité de 1 500 personnes qui appartient à la catégorie des établissements recevant du public, étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Dès lors, ces désordres engagent la responsabilité de la société BSA sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

En ce qui concerne la faute alléguée du maître de l'ouvrage :

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'un contrôle et un entretien régulier de la part du maître de l'ouvrage des portes coupe-feu est recommandé, et d'ailleurs préconisé par la norme NF EN 1125. Ces opérations consistent notamment dans la vérification du serrage, du jeu de gâche et de son empennage, dans l'inspection des fermetures anti-panique pour s'assurer que leurs composantes sont dans un état de fonctionnement satisfaisant. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société BSA a remis au maître de l'ouvrage un manuel d'utilisation qui ne comportait aucune instruction précise de maintenance. La société BSA n'a pas non plus autrement attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur le fait que les éléments d'équipement des portes coupe-feu nécessitaient un contrôle périodique. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le Sicoval disposait d'une compétence technique particulière en matière d'entretien des portes coupe-feu, la société BSA n'est pas fondée à soutenir que ce dernier aurait commis, à raison d'un entretien insuffisant de l'ouvrage, une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité décennale.

En ce qui concerne la répartition des responsabilités :

8. Pour contester le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à garantir intégralement les maîtres d'oeuvre de la condamnation prononcée au titre des désordres sur les portes coupe-feu, la société BSA se borne à soutenir que sa garantie décennale n'est pas engagée à l'encontre du maître de l'ouvrage. Il résulte des points précédents que c'est à bon droit que les premiers juges, dont il y a lieu d'adopter les motifs pertinents sur ce point, ont engagé la garantie décennale de la société BSA, laquelle ne fait état, en appel, d'aucun élément de nature à établir que le tribunal aurait, lorsqu'il a statué sur les appels en garantie dont il était saisi, inexactement apprécié les responsabilités encourues en laissant à la charge de ladite société la totalité des réparations.

9. Il résulte de ce qui précède que la société BSA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a mis à sa charge, solidairement avec le groupement de maîtres d'oeuvre, la somme de 16 086,20 euros TTC au titre des désordres litigieux ainsi que les frais d'expertise d'un montant de 12 957,27 euros TTC et l'a condamnée à garantir intégralement les maîtres d'oeuvre de ces condamnations.

Sur les appels incident et provoqué :

En ce qui concerne les conclusions présentées par le Sicoval :

10. Par les conclusions qu'il a présentées le 23 janvier 2018, soit après l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui lui a été notifié le 24 octobre 2016, le Sicoval demande, par la voie de l'appel incident, que la somme de 16 086,20 euros TTC que le tribunal a mise à la charge de la société BSA soit portée à 146 436,33 euros, outre les réparations urgentes et provisoires évaluées à 9 465,14 euros. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la reprise des désordres litigieux ne nécessite pas le remplacement des portes coupe-feu, lesquelles ne présentent par elles-mêmes aucun défaut de conception, mais le remplacement des fermetures anti-panique et des joints ainsi que le réglage des ferme-porte, des sélecteurs de fermeture et des portes. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une inexacte évaluation de ce préjudice en retenant la somme de 16 086,20 euros TTC proposée par l'expert au regard de la nature des travaux de reprise préconisés et déjà réalisés.

11. Par la voie de l'appel incident, le Sicoval demande également la condamnation de la société BSA à lui payer la somme de 4 837,82 euros au titre des désordres affectant les menuiseries des cuisines. Le désordre en cause est toutefois différent de celui sur lequel a porté l'appel principal de la société BSA. Il s'ensuit que l'appel incident présenté par le Sicoval porte sur un litige distinct et n'est donc pas recevable.

12. Les conclusions du Sicoval, présentées après l'expiration du délai d'appel, tendant à ce que les constructeurs soient condamnés à réparer les désordres affectant les autres lots du marché de construction ont été provoquées par l'appel de la société BSA. De telles conclusions ne sont recevables que lorsque la situation de leur auteur est aggravée par l'admission de l'appel principal. Le présent arrêt, qui rejette l'appel principal de la société BSA, n'aggrave pas la situation du Sicoval dont l'appel provoqué est, pour ce motif, irrecevable.

En ce qui concerne les conclusions présentées par les maîtres d'oeuvre (cabinet DidierA..., société Gouwy-Grima-Rames) :

13. Les conclusions des maîtres d'oeuvre présentées après l'expiration du délai d'appel, tendant à la réformation du jugement en tant qu'il les a condamnés à indemniser le Sicoval pour les désordres affectant le système de désenfumage présentent le caractère d'un appel incident sur l'appel provoqué des maîtres d'oeuvre. Ces conclusions sont irrecevables par voie de conséquence du rejet pour irrecevabilité de l'appel provoqué du Sicoval.

Sur les frais d'expertise :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge solidaire de la société BSA et des cabinets A...et Gouwy-Grima-Rames le montant des frais d'expertise.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 16BX04218 présentée par la société BSA est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par les parties sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise sont laissés à la charge de la société BSA et des cabinets A...et Gouwy-Grima-Rames.

Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société BSA, à la communauté d'agglomération du Sud-Est Toulousain (Sicoval), à M. B...A..., à la SARL Gouwy Grima Rames, à la SARL Apia Bet Acoustique, à la SA Mommayou, à la SA Aquitaine Isol, à Me C...liquidateur de la SARL Senaud JCM, à la SARL PSE et à la SAS Hervé Thermique.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX04218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04218
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39 Marchés et contrats administratifs.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELAS D'AVOCATS ATCM DARNET GENDRE ATTAL PELLEGRY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-18;16bx04218 ?
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