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17/12/2018 | FRANCE | N°16BX02729

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2018, 16BX02729


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 17 janvier 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines de la direction Martinique de la Poste a refusé de reconnaître comme accident de service le malaise survenu sur son lieu de travail le 26 mai 2010, et de mettre à la charge de la Poste la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300521 du 9 juin 2016, le tribunal administratif d

e la Martinique a annulé la décision du 17 janvier 2013 et a mis à la char...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 17 janvier 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines de la direction Martinique de la Poste a refusé de reconnaître comme accident de service le malaise survenu sur son lieu de travail le 26 mai 2010, et de mettre à la charge de la Poste la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300521 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 17 janvier 2013 et a mis à la charge de la Poste la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 5 août 2016, la Poste, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de rejeter la demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de la Martinique ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- que le jugement est entaché d'irrégularité, dès lors que le tribunal administratif a considéré à tort que le mémoire en défense de la Poste avait été transmis après la clôture de l'instruction ; en effet, en vertu de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, le premier mémoire du défendeur doit toujours être communiqué au demandeur, faute de quoi la procédure est entachée d'irrégularité ; en l'espèce, aucune ordonnance de clôture d'instruction n'a été rendue par la formation de jugement ; dès lors que la date d'audience a été fixée au jeudi 26 mai 2016, la clôture d'instruction devait intervenir trois jours francs avant cette date, soit le dimanche 22 mai 2016 à 16h00 ; dans ces conditions le mémoire produit par la Poste en télécopie le vendredi 20 mai 2016 à 16h52, heure de Paris, soit 10 h 52 heure locale, n'était pas tardif ; la Poste a régularisé la télécopie du 20 mai 2016, par courrier du même jour, reçu le 23 mai 2016 ; la Poste contrairement à ce que retient le tribunal administratif a donc bien produit un mémoire en défense avant la clôture de l'instruction ; par ailleurs le tribunal a fait application à tort de l'article R. 612-6 du code de justice administrative en considérant que la Poste avait acquiescé aux faits de la requête de M.A..., dès lors que cette présomption d'acquiescement ne peut trouver à s'appliquer que si le défendeur n'a produit aucun mémoire avant la clôture de l'instruction, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; les premiers juges ont par ailleurs dénaturé les pièces du dossier, dès lors qu'ils ont considéré que M. A...avait fait une chute sur la chaussée le 26 mai 2010 alors qu'il procédait à la distribution du courrier, alors que M. A...n'a jamais indiqué avoir chuté du fait de l'AVC qu'il a subi ; M. A...demandait en effet la reconnaissance de l'imputabilité au service de son AVC et de ses séquelles, en se prévalant d'un contexte professionnel dégradé ; par ailleurs, le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il s'est borné à indiquer que M. A...faisait valoir que la chute sur la chaussée le 26 mai 2010 était constitutive d'un accident de service ; en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, le tribunal, en considérant qu'eu égard aux circonstances de temps et de lieu dans lesquelles la chute s'est produite, et à supposer même qu'elle ait été provoquée par un malaise sans lien avec le service, cet accident devait être reconnu imputable au service, a mal interprété les faits, méconnu le cadre juridique applicable aux accidents de service et commis une erreur de qualification juridique des faits ; en ce qui concerne les accidents vasculaires et cardiaques, la jurisprudence exclut la présomption d'imputabilité au service dès lors que ces accidents dépendent de considérations relatives à la santé de l'agent ; il en va différemment si le malaise survient à l'occasion d'un travail nécessitant un effort physique intense et exceptionnel, et ce dans l'hypothèse où l'agent ne souffrait d'aucune affection préexistante ; la charge de la preuve du lien entre l'accident et le service pèse sur l'agent, et ce d'autant plus que lui seul peut produire des pièces médicales le concernant, couvertes par le secret médical ; le lien entre l'accident et le service doit être écarté lorsque l'agent se contente d'invoquer son contexte professionnel, de telles difficultés n'étant pas de nature à provoquer un accident cardiaque ou vasculaire ; en l'espèce, M. A...tout d'abord, n'a jamais demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service de la chute consécutive à son AVC, et les troubles qu'il a présentés postérieurement au 26 mai 2010 ne peuvent aucunement être liés à sa chute, mais sont tous la conséquence de son AVC ; par ailleurs, les premiers juges n'ont pas recherché si l'AVC de M. A...pouvait être expliqué par l'activité exercée au moment des faits, par un effort physique intense et exceptionnel, et ont donc commis une erreur de droit ; aucun élément du dossier ne permet d'établir un quelconque lien entre l'AVC subi par M. A...et le service ; M. A...a évoqué une altercation avec son chef de service, mais sans l'établir, et une demande d'explication, qui ne relevait pas d'un exercice excessif par la Poste de son pouvoir hiérarchique et des pressions constantes de sa hiérarchie, là encore non établies ; de telles allégations non établies, ne sauraient caractériser un contexte professionnel dégradé ; les faits mentionnés, à les supposer établis, ne permettent pas de considérer qu'ils pourraient être à l'origine d'un AVC, un mal-être au travail n'étant pas de nature à entrainer un AVC dès lors que l'AVC peut avoir plusieurs causes, qui sont purement physiques et les habitudes de vie peuvent avoir une influence déterminante dans sa survenance, l'état psychologique de la personne n'ayant aucune incidence sur cette affection ; par ailleurs, l'activité de distribution de courrier par M. A...au moment de l'accident n'impliquait aucun effort physique d'une intensité particulière, de sorte que l'exécution de ses tâches ne saurait être à l'origine de l'AVC ; M. A...ne produit aucun élément de nature à démontrer l'absence d'antécédents médicaux et ne donne aucune indication quant à son état de santé, ni quant à son mode de vie alors qu'il présentait plusieurs facteurs de risque notamment du fait de son âge de 58 ans, à la date de son AVC ; si à l'issue de ses droits à congés de longue maladie, une procédure de mise à la retraite pour invalidité de M. A...a été engagée, tant le comité médical que la commission de réforme ont exclu l'imputabilité au service de l'affection de M.A... ; à titre subsidiaire, la cour pourra faire usage de ses pouvoirs d'instruction en demandant à M. A...des éléments complémentaires notamment d'ordre médical ou ordonner une expertise.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2016, M. B...A..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de la Poste et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Poste en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que la Poste ne justifie pas de l'envoi d'une télécopie le 20 mai 2016 au tribunal administratif, et la Poste ne justifie donc pas de l'envoi d'un mémoire en défense avant l'intervention de la clôture d'instruction ; par ailleurs, le jugement est suffisamment motivé ; sur le fond, c'est à tort que la Poste fait valoir que M. A...n'aurait pas indiqué qu'il était tombé, la circonstance qu'un AVC ait été diagnostiqué après la chute, n'impliquant pas qu'il ne se soit pas affaissé ; en ce qui concerne la cause de cet AVC, il est favorisé par l'hypertension qui est elle-même favorisée par le stress et il a le 26 mai 2010, jour de l'accident, été pris à parti à 7 h 45 par son responsable de site, devant tous ses collègues ; au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat, les conséquences de la reconnaissance d'un accident de service sont réunies, compte tenu des circonstances de temps et de lieu, et de la nature de l'activité exercée.

Un mémoire a été présenté par la Poste le 26 octobre 2018 mais n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...fonctionnaire de la Poste, qui exerçait des fonctions de facteur à la Martinique, a été victime d'un malaise, le 26 mai 2010, alors qu'il effectuait une tournée de distribution du courrier. La Poste, par une décision du 17 janvier 2013 a refusé la reconnaissance d'un accident de service du fait de ce malaise du 26 mai 2010. La Poste relève appel du jugement n° 1300521 du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 17 janvier 2013.

Sur la régularité du jugement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. La Poste justifie en appel de l'envoi en télécopie au tribunal administratif de la Martinique de son mémoire en défense, le 20 mai 2016, soit avant la clôture d'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience du 26 mai 2016, ce mémoire ayant été reçu par courrier par le tribunal administratif le 23 mai 2016. Le tribunal administratif ne pouvait donc comme il l'a fait par le jugement attaqué, considérer que faute d'avoir produit un mémoire en défense avant la clôture d'instruction, la Poste devait être regardée comme ayant acquiescé aux faits de la requête exposés par M. A.... La Poste est donc fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif du 23 mai 2016 est entaché d'irrégularité, et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu dès lors d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 23 mai 2016 et de traiter le litige par voie de l'évocation.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes des dispositions de l'article 34, 2° de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".

5. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

6. Il ressort notamment d'un témoignage versé au dossier, que le malaise ayant eu pour cause selon les affirmations non contestées de M.A..., un accident vasculaire cérébral (AVC), est intervenu le 26 mai 2010, alors qu'il effectuait une tournée de distribution du courrier. Ce malaise doit être regardé comme imputable au service, sans que les circonstances invoquées par la Poste tirées de ce que l'activité exercée par M. A...au moment des faits ne pourrait caractériser un effort physique intense et exceptionnel et de l'inexistence de tensions et de pressions exercées par sa hiérarchie, n'aient à cet égard une incidence, alors que les allégations de la Poste, selon lesquelles l'AVC pourrait avoir pour cause, le mode de vie de M. A... et son état de santé préexistant, ne sont pas établies.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 17 janvier 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines de la direction Martinique de la Poste a refusé de reconnaître comme accident de service le malaise survenu sur son lieu de travail le 26 mai 2010.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A...qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la Poste demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Poste sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au profit de M.A....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300521 du 9 juin 2016 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La décision du 17 janvier 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines de la direction Martinique de la Poste a refusé de reconnaître comme accident de service le malaise survenu à M. A...sur son lieu de travail le 26 mai 2010 est annulée.

Article 3 : Il est mis à la charge de la Poste, au profit de M.A..., la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de La Poste est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la Poste.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

5

N° 16BX02729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02729
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : GRANRUT SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-17;16bx02729 ?
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