Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la note du 28 janvier 2016 de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale des finances publiques relative aux modalités de perception de l'octroi de mer et de répartition de la dotation globale garantie entre les collectivités locales bénéficiaires au 1er janvier 2016.
Par une ordonnance n° 1600351 du 28 avril 2016, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande du syndicat.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2016, le syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe, représenté par la SCP Ezelin-Dione, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de la Guadeloupe du 28 avril 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 28 janvier 2016 de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale des finances publiques portant modification de la répartition de l'octroi de mer ;
3°) de mettre à la charge de la Direction régionale des douanes de Guadeloupe la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas eu la possibilité d'exposer son point de vue sur l'irrecevabilité qui lui a été opposée d'office par le tribunal administratif, en violation du principe du contradictoire tel que garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions constitutionnelles, d'autant plus que l'article R. 222-1 ne peut déroger à ce qui est du domaine de la loi, à savoir les droits de la défense, ce qui le rend illégal ;
- le syndicat a bien intérêt à agir ; c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la note attaquée ne porterait pas atteinte à ses droits ou prérogatives ni aux conditions d'emploi et de travail des personnels ; en effet, la nouvelle affectation de la répartition de la dotation globale de l'octroi de mer constitue une atteinte caractérisée à leurs prérogatives, engendrant une suppression de poste et donc une modification de leurs conditions d'emploi et de travail ; en outre, il est constant que les frais de recouvrement sont pour partie attribués aux personnels des douanes et que le transfert en litige a vocation à faire disparaître cet avantage ;
- la note attaquée a une portée rétroactive, ce qui la rend illégale ;
- la direction générale des douanes ne pouvait, par une simple note interne, modifier ce que prévoient les articles 42 et 48 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer ; cette loi prévoit d'ailleurs des modalités particulières en cas de modification des modalités de répartition, qui ne peuvent être faites que par décret ; en outre, cette note interne aboutit à contourner le conseil régional de la Guadeloupe, auquel la proposition de modification doit normalement être préalablement soumise ; en l'espèce, le président du conseil régional rappelle n'avoir jamais été informé par l'administration de la modification en litige ; par suite, le conseil régional n'a évidemment pu émettre aucune proposition en direction du représentant de l'Etat en vue de la modification en cause.
Le ministre de l'action et des comptes publics a produit un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2018, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, modifiée par la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'octroi de mer est une taxe spécifique aux collectivités d'outre-mer, d'origine très ancienne, à laquelle sont soumises les importations ainsi que les livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui y exercent des activités de production. Elle est recouvrée par la direction générale des douanes avant d'être affectée à une dotation globale garantie pour être ensuite répartie entre les communes de ces départements ou collectivités. Le syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe, qui, aux termes de l'article 5 de ses statuts, pour objet " l'étude et la défense des intérêts matériels et moraux, tant immédiats que généraux, de ses adhérents actifs et retraités ", a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe l'annulation de la note du 28 janvier 2016 de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale des finances publiques relative aux modalités de perception de l'octroi de mer et de répartition de la dotation globale garantie entre les collectivités locales bénéficiaires au 1er janvier 2016. Le syndicat fait appel de l'ordonnance en date du 28 avril 2016, prise par le président du tribunal administratif de la Guadeloupe, qui a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) Les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ".
3. Pour rejeter par voie d'ordonnance la demande du syndicat, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe s'est fondé sur l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Si le syndicat soutient que l'ordonnance qu'il conteste est intervenue en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de l'instruction, corollaire du principe constitutionnel des droits de la défense et du droit à un procès équitable, garanti par les articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par le motif que, du fait de l'intervention très rapide de l'ordonnance contestée et de l'absence de communication de sa demande au défendeur, il n'a pas pu compléter son mémoire introductif d'instance, il résulte des dispositions précitées que le président du tribunal administratif pouvait régulièrement procéder comme il l'a fait sur le fondement d'un moyen d'ordre public relevé d'office sans avoir à en informer le demandeur, et donc sans méconnaître le principe du contradictoire.
4. En tout état de cause, il appartient au requérant, qui conteste le motif d'irrecevabilité qui lui a ainsi été opposé en première instance, de le critiquer par la voie de l'appel, qui lui reste ouverte. Ainsi, dès lors que, par ses écritures d'appel, le syndicat conteste au fond l'irrecevabilité qui lui a été opposée, il n'est pas fondé à se plaindre du non respect du principe du contradictoire.
5. Dans ces conditions, le syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée serait entachée d'irrégularité.
Sur la recevabilité de la demande :
6. D'une part, aux termes de l'article 42 de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, modifiée, issue de la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 : " L'octroi de mer et l'octroi de mer régional sont perçus, contrôlés et recouvrés par la direction générale des douanes et droits indirects, selon les règles, garanties, privilèges et sanctions prévus par le code des douanes. Les infractions sont constatées, réprimées et les instances instruites et jugées conformément aux dispositions du même code. ". Aux termes de l'article 47 de la même loi : " En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, le produit de l'octroi de mer fait l'objet, après le prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement prévu par l'article 44, d'une affectation annuelle à une dotation globale garantie. Cette dotation est répartie, en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion entre les communes (...) ". Aux termes de l'article 48 de cette loi : " Les modalités de répartition de la dotation globale garantie mentionnée à l'article 47 peuvent être modifiées par décret pris sur la proposition du conseil régional de Guadeloupe (...) dans un délai de deux mois à compter de la transmission de cette proposition au représentant de l'Etat dans la collectivité. Passé ce délai, et en l'absence de décision contraire du Gouvernement, la délibération devient applicable. ".
7. D'autre part, aux termes de l'article 75 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Le préfet est ordonnateur secondaire des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat, dans les conditions prévues par l'article 32 du décret du 29 avril 2004. ". Aux termes de l'article 32 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Les dispositions du présent décret ne s'appliquent ni aux organismes ou missions à caractère juridictionnel, ni aux organismes chargés d'une mission de contrôle des comptes, ni aux services relevant du garde des sceaux, ministre de la justice, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article 35 et du cinquième alinéa de l'article 40 et, pour les investissements et la comptabilité publique, des attributions dévolues au préfet de région ou au préfet de département. ".
8. Les fonctionnaires et les associations ou syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n'ont pas qualité pour attaquer les dispositions des circulaires ou instructions de leurs supérieurs hiérarchiques se rapportant à l'organisation ou à l'exécution du service, notamment celles qui leur prescrivent de retenir une interprétation des textes qu'ils sont chargés d'appliquer, sauf dans la mesure où ces dispositions porteraient atteinte à leurs droits et prérogatives ou affecteraient leurs conditions d'emploi et de travail.
9. La note contestée du 28 janvier 2016, destinée aux directeurs régionaux des finances publiques dans les départements d'outre-mer et aux receveurs régionaux dans ces mêmes départements se borne à leur donner des instructions leur précisant les modalités de perception de l'octroi de mer, et plus précisément les modalités de traitement de cette taxe, une fois recouvrée, d'un point de vue purement technique et comptable. Par ailleurs, cette note ne fait que rappeler, conformément à l'article 42 de la loi du 2 juillet 2004, que l'octroi de mer est perçu par les comptables de la direction générale des douanes et des droits indirects et qu'au vu des informations communiquées par la direction régionale des finances publiques, le préfet effectue la répartition de la dotation globale garantie selon les dispositions de l'article 47 de la loi du 2 juillet 2004 ou selon les termes des délibérations prises par le conseil régional de la Guadeloupe ou de La Réunion, de l'assemblée de Guyane, de l'assemblée de Martinique ou du conseil départemental de Mayotte. Cette note mentionne enfin que le préfet, en sa qualité d'ordonnateur secondaire, fixe le détail de la répartition de la dotation globale garantie dont le versement est effectué par la direction régionale des finances publiques, tout en précisant les modalités techniques de ce reversement. Par suite, ladite note ne remet nullement en cause le fait que, conformément à l'article 42 de la loi du 2 juillet 2004, le service des douanes continue de percevoir, de contrôler et de recouvrer la taxe en litige. Elle ne remet pas non plus en cause le principe de la répartition de son montant, après prélèvements et affectation annuelle à une dotation globale garantie, au profit des communes, tel que prévu par les dispositions de l'article 47 de la même loi. Et enfin, ne mettant pas en cause les modalités de répartition cette dotation globale garantie telle que mentionnée à l'article 47, il n'y avait pas lieu, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, de mettre en oeuvre la procédure de proposition de modification de la répartition entre les différentes communes telle que prévue à l'article 48 de ladite loi. En outre, si le syndicat requérant fait valoir que les nouvelles modalités contenues dans la note contestée constituent une atteinte caractérisée à leurs prérogatives, engendrant une suppression de poste et donc une modification de leurs conditions d'emploi et de travail, dès lors notamment que les frais de recouvrement sont pour partie attribués aux personnels des douanes et que le transfert en litige a vocation à faire disparaître cet avantage, il se borne à l'alléguer sans le démontrer. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé que le syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe n'avait pas qualité pour demander l'annulation de la note du 28 janvier 2016.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des agents des douanes de la Guadeloupe, au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera transmise à la direction générale des douanes et des droits indirects de la Guadeloupe et à la direction générale des finances publiques.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
5
N° 16BX02089