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13/12/2018 | FRANCE | N°16BX04000

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16BX04000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée La Brame a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Saint-Vincent-le-Paluel à lui verser la somme de 600 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle d'une perte d'exploitation au cours des années 2007 à 2012.

Par un jugement n° 1404803 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016 et un mém

oire enregistré le 26 décembre 2017, la société La Brame, représentée par MeC..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée La Brame a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Saint-Vincent-le-Paluel à lui verser la somme de 600 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle d'une perte d'exploitation au cours des années 2007 à 2012.

Par un jugement n° 1404803 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2016 et un mémoire enregistré le 26 décembre 2017, la société La Brame, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite du 14 avril 2014 rejetant sa demande indemnitaire préalable ;

3°) de condamner la commune de Saint-Vincent-le-Paluel à lui verser la somme de 600 000 euros en réparation du préjudice d'exploitation né de l'impossibilité de réaliser un terrain de camping au bord d'un étang de pêche, et la somme de 69 985 euros en réparation du déficit enregistré durant les exercices de 2008 à 2012 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Vincent-le-Paluel une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance n'était pas tardive ;

- ses conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de son déficit pour les exercices 2008 à 2012 sont recevables ;

- sa créance n'est pas prescrite, dès lors que l'approbation de la carte communale en 2004 entraînant le classement de certaines parcelles en zone naturelle ne peut être regardée comme constituant le point de départ de la prescription quadriennale, que les courriers de son gérant du 28 août 2007 et du 12 février 2014 demandant la révision de la carte communale ont interrompu l'écoulement du délai de prescription, et qu'il était possible pour la commune de réviser la carte communale et de mettre en oeuvre le projet d'aménagement des chalets existants ;

- les engagements répétés de la commune quant à la faisabilité de son projet, et finalement non tenus, caractérisent une faute de nature à engager sa responsabilité ; lorsque le projet prenait corps, deux refus de permis de construire ont été opposés en 2008 et 2009 ; la commune n'a entrepris aucune diligence pour maintenir le caractère constructible de ces parcelles lors de la réalisation de la carte communale, et n'a pas signalé au commissaire-enquêteur le bail commercial et le projet de camping ; elle n'a pas davantage effectué de diligences pour réviser la carte communale ; elle n'a pas pris position sur la demande de permis de construire déposée le 3 octobre 2002 ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle n'est pas restée inactive durant la période 2000-2001 puisqu'elle a déposé une demande de permis de construire le 3 octobre 2002 et que ce sont les services de la commune qui ont commis une négligence fautive en ne statuant pas sur cette demande de permis ;

- la non-exécution des promesses de la commune lui a causé un préjudice consistant en une perte d'exploitation de 2007 à 2012 qu'elle évalue à 600 000 euros, et une somme de 69 985 euros doit lui être versée en réparation du déficit enregistré durant les exercices 2008 à 2012.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 octobre, 8 novembre 2017 et le 27 mars 2018, la commune de Saint-Vincent-le-Paluel conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions portant sur une somme supplémentaire de 69 985 euros en réparation du déficit enregistré durant les exercices de 2008 à 2012 sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable et qu'elles reposent sur un chef de préjudice, tiré des refus de permis de construire de 2008 et 2009, distinct de la demande initiale fondée sur de prétendues promesses non tenues, et qui existait déjà à la date de la demande initiale ;

- la créance dont se prévaut la requérante est prescrite, la carte communale ayant été approuvée le 4 novembre 2004 et le délai de la déchéance quadriennale ayant donc commencé à courir à partir du 1er janvier 2005 ;

- en se bornant à montrer de l'intérêt pour le projet de M.B..., la commune ne lui a en aucun cas garanti la faisabilité juridique de son projet ;

- à supposer que 1'approbation de la carte communale de 2004 et les refus de permis de construire ultérieurs puissent être regardés comme une rupture d'une promesse consentie par elle, cette circonstance lui demeure étrangère dès lors que la carte communale, le certificat d'urbanisme et les deux décisions de refus de permis de construire ont été édictés au nom de l'Etat ; la requête de première instance serait donc mal dirigée ;

- le préjudice consistant en une perte d'exploitation dont la société requérante demande réparation est dépourvu de tout lien direct de causalité avec la faute invoquée dès lors qu'il résulte de l'inaction de la requérante, qui n'a pas déposé de demande de permis de construire ou d'aménager dans le délai de cristallisation des règles d'urbanisme résultant de son certificat d'urbanisme entre le 25 juin 1999 et le 26 juin 2001, et de l'approbation le 4 novembre 2004 de la carte communale, le préjudice en résultant n'étant pas indemnisable en application de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ;

- ce préjudice est également éventuel ;

- en renonçant à profiter de la cristallisation des règles d'urbanisme conférée par le certificat d'urbanisme délivré le 25 juin 1999 puis en s'abstenant de contester le refus opposé à sa demande d'aménagement de camping de 2002 avant de différer son projet entre 1999 et 2004, la société requérante a commis une imprudence fautive qui est la seule cause de son préjudice.

Par ordonnance du 27 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la SARL La Brame et les observations de MeA..., représentant la commune de Saint-Vincent-le-Paluel.

Considérant ce qui suit :

1. En vue d'aménager un camping à proximité de l'étang situé au lieu-dit " La Prade de la Brame " sur le territoire de la commune de Saint-Vincent-le-Paluel (Dordogne), la société civile immobilière (SCI) Freed, dont le gérant était M.B..., a conclu avec la commune le 1er mars 1998 un bail commercial d'une durée de 20 ans portant sur 1'exploitation à cette fin de l'étang et d'un terrain attenant supportant un bâtiment de 40 m² et un chapiteau à usage de bar et petite restauration. Par acte notarié du 13 octobre 1999, la SCI Freed a acquis de la commune plusieurs parcelles bordant cet étang cadastrées section B n° 139, 140, 201, 202, 203, 761, 762, 829 et 857 d'une contenance totale approximative de 6 hectares. Le 25 juin 1999, le préfet de la Dordogne a délivré au nom de l'Etat un certificat d'urbanisme opérationnel positif pour 1'aménagement d'un camping sur ces parcelles, dont la durée a été prolongée jusqu'au 26 juin 2001. Le 3 octobre 2002, la SCI Freed a présenté une demande portant sur l'aménagement de 100 emplacements de camping et sur la construction de neuf bâtiments à usage de gîtes, demande qui a été rejetée par le préfet. Le 4 novembre 2004, une carte communale a été adoptée, classant ces parcelles situées dans le site inscrit de la Vallée de l'Edéa en zone naturelle inconstructible. M. B...a néanmoins construit par la suite sur ces parcelles entre 2004 et 2007 divers bâtiments à usage d'habitation sans autorisation préalable. Deux refus de permis de construire de régularisation de 3 chalets ont été opposés à la SCI Freed le 2 janvier 2008 et le 23 juillet 2009 sur le fondement de la carte communale applicable. Celle-ci ayant été modifiée le 3 avril 2012 et les terrains en cause ayant été classés en zone Ut constructible, le maire de Saint-Vincent-le-Paluel a délivré le 6 avril 2012 à la SCI Freed, au nom de l'Etat, un permis d'aménager ayant notamment pour objet la régularisation des trois habitations légères de loisirs et la création de 20 emplacements pour des tentes et 7 habitations légères de loisirs. La SARL La Brame, créée en 1996 par M. B...pour assurer l'exploitation de l'étang de pêche et des activités annexes, a alors saisi le 19 novembre 2014 le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation de la commune de Saint-Vincent-le-Paluel à lui verser une somme totale de 669 985 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis sur la période de 2008 à 2012 du fait de promesses non tenues par la commune. Elle relève appel du jugement du 25 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité de la commune :

2. En premier lieu, si le certificat d'urbanisme du 25 juin 1999 indiquait que l'aménagement d'un camping était réalisable sur les parcelles en cause, ce certificat, qui au demeurant attirait l'attention du pétitionnaire sur la sensibilité du site et la nécessité de se rapprocher de l'architecte des bâtiments de France pour toute demande de permis, a été délivré par le préfet au nom de l'Etat et ne saurait donc engager la responsabilité de la commune.

3. En deuxième lieu, la société requérante soutient que les promesses et engagements de la commune ressortent des échanges de courriers et documents qu'elle produit. Toutefois, par le courrier du 22 décembre 1999, le maire de la commune de Saint-Vincent-le-Paluel a seulement rappelé à M. B...les conditions de vente des parcelles mentionnées au point 1 et leur caractère avantageux pour lui, a souligné l'intérêt du conseil municipal pour ses projets et lui a souhaité de réussir à les mettre en oeuvre. Pour sa part, le compte-rendu de la réunion du conseil municipal du 7 juillet 2000, s'il fait état de l'approbation par le conseil municipal d'un projet de M.B..., ce projet consiste non pas dans la réalisation du camping objet du litige mais dans la mise en place d'une liaison entre l'étang de la Brame et celui que M. B...envisageait de créer sur des parcelles contigües de sa propriété en aval. Quant au courrier du maire du 20 décembre 2007, il indique uniquement qu'après la présentation par M. B...au conseil municipal de son projet, dont le caractère " séduisant ", en raison notamment des créations d'emplois qu'il faisait valoir, avait motivé les conditions avantageuses de la vente des parcelles attenantes à l'étang ainsi que le rabais consenti en 2005 de 50% sur le loyer de son exploitation, ce dernier n'avait toujours pas entrepris sa réalisation. Les échanges ultérieurs en 2008 et 2009 se réfèrent principalement, à la suite de demandes formulées par M.B..., à l'avancement de la procédure de révision de la carte communale approuvée en 2004. Le courrier du maire en date du 24 septembre 2009 indique que les refus de permis de construire de régularisation mentionnés au point 1 ont été pris au nom de l'Etat et invite en conséquence M.B..., la SARL La Brame et la SCI Freed à présenter un dossier complet afin que leurs demandes " soient étudiées au mieux ". Enfin celui du 23 novembre suivant, adressé à M.B..., également en réponse à une demande de sa part, s'il confirme à nouveau que la commune n'est pas opposée à l'exploitation d'une zone touristique sur son territoire, indique qu'en l'état de la carte communale une régularisation des constructions irrégulièrement implantées ne paraît pas possible. Ainsi il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait fourni à la requérante des informations erronées ou serait revenue sur des engagements antérieurs.

4. En troisième lieu, s'agissant des conditions d'élaboration de la carte communale, le classement en zone inconstructible ne faisant pas obstacle à l'exploitation de l'étang et de la buvette existante, la commune n'était nullement tenue d'attirer l'attention du commissaire-enquêteur sur l'existence de ses engagements contractuels dans le cadre d'un bail commercial. Quant au projet de camping, il appartenait à M.B..., s'il envisageait d'ajouter aux emplacements de tentes des constructions nécessitant un permis, d'intervenir au cours de l'enquête pour faire évoluer le cas échéant ce classement, et il ne caractérise aucune faute de la commune à ce stade. Par ailleurs, il n'apparaît pas non plus que la commune ait en quelque façon volontairement retardé l'adoption de la révision de la carte communale de 2004, engagée en 2007 et adoptée en 2012.

5. Enfin, la société requérante et M. B...ne contestent pas avoir construit sans permis trois chalets pour location saisonnière et une maison d'habitation, laquelle a au demeurant été régularisée en 2006 sur le conseil de la commune, et n'ont jamais déféré à la juridiction administrative les refus de permis d'aménager ou de construire qui ont été opposés en 2002, puis pour régularisation des 3 chalets en bois le 2 janvier 2008 et le 23 juillet 2009, dont ils ne critiquent pas la légalité et qui ne sauraient en tout état de cause engager la responsabilité de la commune.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ou l'exception de prescription quadriennale, que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Vincent-le-Paluel la somme que la SARL La Brame demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de Saint-Vincent-le-Paluel à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL La Brame est rejetée.

Article 2 : La SARL La Brame versera à la commune de Saint-Vincent-le-Paluel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée La Brame et à la commune de Saint-Vincent-le-Paluel. Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.

Le rapporteur,

David TERMELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°16BX04000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04000
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP NOYER - CAZCARRA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-13;16bx04000 ?
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