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13/12/2018 | FRANCE | N°16BX03165

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16BX03165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL CA Automobiles a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mars 2010 au 31 juillet 2011 ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788-A-4 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1303181 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2016, la SARL CA Automobiles, représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL CA Automobiles a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mars 2010 au 31 juillet 2011 ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788-A-4 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1303181 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2016, la SARL CA Automobiles, représentée par Me A... et MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 juillet 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende fiscale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'apporte pas la preuve que les mentions figurant sur les factures établies par ses fournisseurs seraient erronées ;

- il n'est par ailleurs pas davantage établi qu'elle ne pouvait ignorer que le régime de TVA sur la marge n'était pas applicable à la revente des véhicules en cause ;

- l'administration fiscale elle-même a contribué à l'application du régime de la TVA sur la marge ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées ;

- l'amende prévue par les dispositions de l'article 1788 A-4 du code général des impôts ne pouvait pas davantage lui être appliquée.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts sont irrecevables ;

- aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 6 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2017 à 12h00.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 ;

- la directive 2006/112/ CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL CA Automobiles a pour activité le commerce de véhicules automobiles, notamment d'occasion. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2010 au 31 juillet 2011, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a, par proposition de rectification du 26 avril 2012, notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de l'intérêt de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts, et infligé une amende sur le fondement de l'article 1788-A-4 du même code. Les impositions supplémentaires qui en résultent ont été mises en recouvrement le 7 décembre 2012. La SARL CA Automobiles relève appel du jugement du 12 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande à fin de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été assignés, ainsi que de l'amende précitée.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. D'une part, aux termes de l'article 242 terdecies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. / Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne. ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. / (...) 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Enfin, l'article 297 E du même code dispose que : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

4. Il résulte de ces dernières dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé dans un autre Etat membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge.

5. Par ailleurs, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs et mentionnant que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxation sur la marge, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

6. Il ressort des pièces du dossier que la SARL CA Automobiles a appliqué le régime de taxation sur la marge, prévu par l'article 297 A du code général des impôts cité au point 3 ci-dessus, lors de la revente de véhicules d'occasion qui lui avaient été cédés par deux sociétés, l'une de droit letton et l'autre de droit chypriote, lesquelles, dans les factures qu'elles ont émises, mentionnaient l'application du régime de taxation sur la marge. A la suite de la vérification de sa comptabilité, la SARL CA Automobiles a été assujettie, pour la période du 1er mars 2010 au 31 juillet 2011, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au motif qu'elle ne pouvait appliquer le régime de taxation sur la marge dès lors que les fournisseurs initiaux des véhicules, situés en Belgique et en Allemagne, qui les avaient cédés aux sociétés lettone et chypriote, n'avaient pas la qualité d'assujettis revendeurs et qu'elle ne pouvait l'ignorer.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les véhicules acquis par la SARL CA Automobiles auprès de ses fournisseurs letton et chypriote avaient été vendus à ces derniers par des sociétés allemandes (belges dans deux cas), et plus particulièrement par des sociétés de locations de véhicules, des constructeurs automobiles ou des sociétés de financement, qui, assujettis à la TVA, avaient acquis ces véhicules à l'état neuf et avaient déduit la TVA acquittée. Ces véhicules avaient ensuite été revendus aux sociétés lettonne et chypriote en exonération de TVA, sous le régime des livraisons intracommunautaires. Il en résulte que les mentions figurant sur les factures d'achat présentées au vérificateur par la SARL CA Automobiles, selon lesquelles la cession s'effectuait sous le régime de la taxation sur marge, étaient erronées quant au régime de taxation applicable.

8. En second lieu, il résulte de l'instruction que la SARL CA Automobiles, qui conservait dans ses dossiers de vente une copie de la carte grise de chacun des véhicules vendus à bon droit sous le régime de la taxation sur la marge, ne détenait aucun de ces certificats s'agissant des ventes en litige, alors même qu'elle les avait nécessairement eu en sa possession, dès lors qu'elle les avait transmis à l'administration afin d'obtenir quitus fiscal en vue de leur immatriculation. Or, l'examen de ces documents d'immatriculation montre que les véhicules acquis par la société requérante auprès de ses fournisseurs letton et chypriote avaient été achetés neufs par des assujettis-utilisateurs ayant exercé un droit à déduction lors de leur acquisition, ces assujettis-utilisateurs étant, comme il a été dit, des entreprises de location de véhicules ou des organismes de crédit-bail. Le vérificateur a par ailleurs constaté que, pour chacun des véhicules acquis dans ce cadre, le transport vers la France, organisé directement à partir de l'Allemagne et de la Belgique, sans transit par la Lettonie ou Chypre, était assuré par le gérant, un associé ou un salarié de la SARL CA Automobiles, aucune facture émise par un transporteur tiers n'apparaissant en comptabilité. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SARL CA Automobiles était parfaitement informée de l'origine des véhicules litigieux achetés par ses fournisseurs, et de l'identité de leurs premiers propriétaires et, notamment, savait que ces véhicules avaient été acquis à l'état neuf par des professionnels de l'automobile qui avaient pu déduire le montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquitté lors de leur acquisition et qui ne pouvaient dès lors avoir, pour ces véhicules, la qualité d'assujettis revendeurs.

9. La SARL CA Automobiles, compte tenu de la nature de son activité ne pouvait par ailleurs pas ignorer la législation applicable en matière de négoce de véhicules d'occasion. Si elle soutient que l'administration elle-même, en lui délivrant le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts, a validé implicitement le régime de TVA appliqué et l'a ainsi confortée dans sa croyance que le régime de taxation sur marge trouvait à s'appliquer en l'espèce, il résulte des dispositions précitées du I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat "1993 VT" est délivré sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet de prendre position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les mentions figurant sur ce certificat. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des éléments évoqués au point 8, la SARL CA Automobiles savait ou aurait dû savoir que les achats qu'elle effectuait auprès de ses fournisseurs letton et chypriote présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients. Ces faits sont suffisamment établis et sont de nature à justifier la remise en cause de l'application par la société, pour les véhicules dont il s'agit, du régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts.

Sur les pénalités et l'amende :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts: " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Par ailleurs, aux termes du 4 de l'article 1788 A du même code : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. ".

11. Il résulte de l'ensemble des circonstances de fait relatées au point 8, dont fait état l'administration, que la SARL CA Automobiles ne pouvait ignorer que, compte tenu de l'origine exacte des véhicules achetés auprès de ses fournisseurs letton et chypriote, dont elle avait nécessairement eu connaissance au vu des mentions portées sur les cartes grises de ces véhicules, elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge prévu à l'article 297 A du code général des impôts aux ventes qu'elle consentait à ses clients. La société requérante ne conteste par ailleurs pas, en ce qui concerne ces véhicules, avoir méconnu ses obligations déclaratives au sens et pour l'application du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée en défense, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, dans cette mesure, du bien-fondé des pénalités et de l'amende prévues par les dispositions précitées des articles 1729 a. et 1788 A du code général des impôts.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que la SARL CA Automobiles demande au titre des frais exposés par la société et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL CA Automobiles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CA Automobiles et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03165
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : MBA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-13;16bx03165 ?
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