Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Distribution Casino France a demandé devant le tribunal administratif de Limoges l'annulation de la décision du 6 mai 2014 par laquelle le ministre du travail a refusé de lui délivrer l'autorisation de mettre fin au contrat attribué le 11 mai 2007 à M. D...pour la gérance de la succursale de commerce de détail alimentaire exploitée sur la commune de Saintes.
Par un jugement n° 1401314 du 29 septembre 2016 le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 29 novembre 2016 et un mémoire complémentaire du 15 décembre 2017, la société Distribution Casino France, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401314 du 29 septembre 2016 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler la décision du 6 mai 2014 par laquelle le ministre du travail a refusé de lui accorder l'autorisation de mettre fin au contrat attribué le 11 mai 2007 à M.D... ;
3°) d'enjoindre au ministre du travail de procéder dans un délai maximal de deux mois à compter de l'arrêt de la cour, à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation de rupture du contrat de M. D...et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) à ce que soit mise à la charge de M. D...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a considéré le ministre du travail et à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail ne sont pas applicables à la convocation d'un gérant mandataire non-salarié à un entretien préalable au licenciement, la procédure applicable étant celle de l'article 14 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963, et, en tout état de cause, l'entretien préalable a bien eu lieu plus de cinq jours ouvrables après sa convocation, remise par huissier de justice ;
- les personnes qui reçoivent la gestion des magasins Casino sont des gérants non-salariés régis par les articles L. 7322-1 et suivants du code du travail ; ces gérants mandataires non-salariés bénéficient de garanties tant au titre de la législation de Sécurité Sociale qu'au titre de la législation du travail ;
- en ce qui concerne les garanties au titre de la législation du travail, si dans l'ancien article L. 782-7 du code du travail, les gérants non-salariés bénéficiaient de tous les avantages du code du travail, le législateur a procédé en 2008 à une complète réécriture du statut des gérants non-salariés des succursales de commerce de détail alimentaire, en créant un titre II intitulé " gérants de succursale " ; les articles L. 7321-1 et L. 7322-1 du code du travail inclus dans le titre II, définissent le régime applicable aux gérants non-salariés ; les gérants non-salariés ne bénéficient pas de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, mais seulement des droits qui leur sont conférés par le titre II du livre III de la 7ème partie du code du travail relatif aux " gérants de succursale " ; la jurisprudence de la Cour de Cassation qui avait par le passé, sous l'empire de l'article L. 782-7 du code du travail étendu aux mandataires tous les avantages de la législation sociale, ne peut plus être appliquée compte tenu de la nouvelle rédaction du code du travail, par laquelle les gérants non-salariés ne bénéficient plus de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, mais seulement des droits qui leur sont conférés par le titre II du livre III de la 7ème partie du code du travail ; par ailleurs, la procédure suivie par la société Distribution Casino France en matière de convocation à l'entretien préalable au licenciement résulte d'une application combinée de l'article 14 de l'accord collectif national du 18 juillet 1983 selon lequel " Lorsque la rupture est à l'initiative de l'entreprise, elle sera précédée d'un entretien pour lequel les deux parties pourront se faire accompagner d'une personne de leur choix appartenant à l'entreprise " ; l'article L. 1232-2 du code du travail, auquel se réfère le ministre, relève de la section 2 du chapitre II du livre II " le contrat de travail " du code du travail ; or, en vertu de l'article L. 7322-1 du code du travail, ces dispositions ne sont pas applicables aux gérants non-salariés ; c'est donc de façon erronée, que le ministre du travail s'est fondé sur l'article L. 1232-2 du code du travail, qui était inapplicable à la convocation de M. D... à un entretien préalable.
Par un mémoire en défense du 7 février 2017, M.D..., représenté par la SCP d'avocats Fessler, Jorquera et associés, conclut au rejet de la requête de la société Distribution Casino France et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la société Distribution Casino France ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 22 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2018 :
- le rapport de M. Pierre Bentolila,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
- et les observations de MeB..., représentant M.D....
Considérant ce qui suit :
1. La société Distribution Casino France a demandé devant le tribunal administratif de Limoges l'annulation de la décision du 6 mai 2014 par laquelle le ministre du travail a refusé de lui délivrer l'autorisation de mettre fin au contrat attribué le 11 mai 2007 à M. D...pour la gérance de la succursale de commerce de détail alimentaire exploitée sur la commune de Saintes. La société Distribution Casino France relève appel du jugement du 29 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande en annulation de la décision du 6 mai 2014.
Sur le bien-fondé du jugement et de la décision du ministre du travail :
2. En premier lieu aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ". Figure dans la 7ème partie du livre III du code du travail, un chapitre II relatif aux " gérants non salariés de succursales de commerce de détail ". Au sein de ce chapitre II se trouve l'article L. 7322-1, alinéa 1er selon lequel : " Les dispositions du chapitre I sont applicables aux gérants non-salariés définis à l'article L. 7322-2, sous réserve des dispositions du présent chapitre (...) ". L'article L. 7321-3 du code du travail, qui se trouve audit chapitre I du livre III de la 7ème partie du code du travail rend applicable aux gérants non-salariés les " relations individuelles de travail prévues à la première partie " du code du travail, c'est-à-dire notamment l'article L. 1232-2 précité de ce code qui se trouve en première partie du code au livre II titre III de ce code
3. Dans ces conditions, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que le code du travail rendrait inapplicable aux gérants non salariés de succursales de commerce de détail au nombre desquels M. D...se trouvait, les dispositions précitées de l'article L. 1232-2 du code du travail.
4. La décision du 6 mai 2014 par laquelle le ministre du travail a refusé à la société Distribution Casino France de mettre fin au contrat de gérance de M. D...est fondée sur l'absence de respect du délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail entre la date convocation à l'entretien préalable et la date de la tenue de cet entretien préalable dès lors que la lettre de convocation du directeur régional centre-ouest de la société Distribution Casino France, en date du 27 janvier 2011, convoquant M. D...à l'entretien préalable devant se tenir au 7 février 2011, a été remise en main propre à l'intéressé dans les locaux de l'établissement qu'il exploitait à Saintes, le lundi 31 janvier 2011. Le ministre a en effet considéré que le délai de cinq jours ouvrables qui avait commencé à courir le mardi 1er février 2011 et qui devait expirer le samedi 5 février 2011 avait en application des dispositions précitées de l'article R. 1231-1 du code du travail, été prorogé jusqu'au lundi 7 février 2011, premier jour ouvrable suivant et que, par suite, l'entretien préalable qui s'est tenu le lundi 7 février 2011, s'était déroulé quatre jours ouvrables seulement et non cinq jours ouvrables après la remise de la lettre de convocation à M.D.... Le ministre a dès lors considéré que les dispositions précitées de l'article L. 1232-2 du code du travail avaient été méconnues et qu'il était dès lors tenu, pour ce seul motif, de refuser à la société Distribution Casino France l'autorisation de rompre le contrat conclu avec M. D...le 11 mai 2007.
5. En deuxième lieu, la société Distribution Casino France fait valoir qu'en tout état de cause, l'article 14 de l'accord collectif national du 18 juillet 1983 selon lequel " Lorsque la rupture est à l'initiative de l'entreprise, elle sera précédée d'un entretien pour lequel les deux parties pourront se faire accompagner d'une personne de leur choix appartenant à l'entreprise " rendrait inapplicable les dispositions précitées de l'article L. 1232-2 du code du travail selon lequel un délai d'au moins cinq jours ouvrables doit séparer la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation à l'entretien préalable de la tenue de cet entretien. Toutefois, l'accord collectif ne prévoit pas de délai de convocation à l'entretien préalable, alors qu'en tout état de cause, l'application de l'article 14 de l'accord collectif national ne saurait avoir pour effet de réduire le délai prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail, de cinq jours ouvrables devant séparer la convocation à l'entretien préalable de la tenue de cet entretien, dès lors qu'en vertu de l'article L. 2251-1 du code du travail " Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public. ".
6. En troisième lieu, la société requérante fait valoir que compte tenu de ce que seul le dimanche serait un jour non ouvrable, et non le samedi, le délai de cinq jours ouvrables imposé par l'article L. 1232-2 du code du travail aurait été en l'espèce respecté.
7. En vertu de l'article R. 1231-1 du code du travail : " Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant ".
8. Il résulte de ces dispositions, dont la légalité n'est pas contestée par la société Distribution Casino France, que lorsque comme c'est le cas en l'espèce, le délai de cinq jours ouvrables prévu par l'article L. 1232-2 doit expirer un samedi à minuit, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant soit en l'espèce, jusqu'au lundi 7 février 2011 à minuit. Compte tenu de ce que la condition tenant à l'expiration du délai de cinq jours ouvrables entiers entre la présentation de la convocation à l'entretien préalable, le lundi 31 janvier 2011, et la tenue de cet entretien, expirait le lundi 7 février 2011 à minuit, l'entretien préalable du lundi 7 février 2011, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, s'est tenu quatre jours ouvrables seulement et non cinq jours ouvrables après la remise de la lettre de convocation à M. D....
9. Dans ces conditions, la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 6 mai 2014 par laquelle le ministre du travail a refusé d'autoriser à ce qu'il soit mis fin au contrat attribué le 11 mai 2007 à M.D..., ni donc à demander l'annulation du jugement du 29 septembre 2016 du tribunal administratif de Limoges.
Sur les conclusions en injonction :
10. Compte tenu du rejet des conclusions en annulation présentées par la société Distribution Casino France les conclusions en injonction présentées par la société, tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation du licenciement de M. D...ne peuvent être que rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D...qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société Distribution Casino France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Distribution Casino France, la somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.
Article 2 : La société Distribution Casino France versera à M. D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France, à M. A...D...et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2018.
Le rapporteur,
Pierre Bentolila
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX03791