Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre chargé du logement a rejeté son recours préalable tendant à obtenir le bénéfice du régime indemnitaire applicable pour les services d'administration centrale, d'enjoindre à la mission interministérielle d'inspection du logement social (MIILOS), prise en la personne du ministre du logement et du ministre de l'économie, de faire application de ce régime indemnitaire afin de la rétablir dans ses droits et de condamner la MIILOS, prise en la personne du ministre du logement et du ministre de l'économie, à lui verser une somme de 20 942 euros en réparation de ses pertes de revenus et une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, assorties des intérêts à taux légaux ainsi que de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1404230 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui verser la somme de 12 466 euros en réparation de son préjudice financier et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2016 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme B...une somme d'un montant supérieur à 3 873,45 euros et qu'il a retenu la date du 8 mai 2014 comme point de départ des intérêts.
Ils soutiennent que :
- les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des pertes de revenus subies par Mme B...au titre des années 2010 et 2011 étaient tardives et, par suite, irrecevables ; seules ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation de la perte de revenus subie au pour l'année 2014 sont recevables ;
- les premiers juges ont déterminé à tort le montant du préjudice subi par Mme B... résultant d'une perte de revenus en prenant en compte le montant brut des revenus dont il a été privé alors qu'il ne pouvait prétendre qu'à un montant net ;
- ils ont fait courir à tort les intérêts à compter du 8 mai 2014, date de la réception du courrier de MmeB..., cette lettre ne pouvant être regardée comme une demande indemnitaire préalable.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 janvier 2018 et 8 février 2018, Mme C...B..., représentée par MeE..., conclut au rejet du recours, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme complémentaire de 8 476 euros au titre de son préjudice financier au titre des années 2012 et 2013 assortie des intérêts et à ce que la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 1.
Elle fait valoir que :
- les conclusions des ministres présentées dans le mémoire du 13 décembre 2017 sont irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai d'appel et qu'elles excèdent ce qui a été demandé dans la requête d'appel ;
- ses conclusions indemnitaires sont recevables dès lors qu'elles ne sont pas fondées sur la seule illégalité de la décision pécuniaire lui attribuant la prime litigieuse, mais également sur l'illégalité de la décision prise antérieurement de ne pas appliquer le régime indemnitaire des agents d'administration centrale ;
- le caractère définitif de la décision pécuniaire ne saurait avoir pour conséquence l'irrecevabilité de ses conclusions indemnitaires, sauf à méconnaître l'article 1er du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, ne s'oppose pas à la présente contestation qui vise à l'indemniser de son préjudice et non à l'annulation d'une décision ;
- l'application de ce principe est contraire aux dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;
- le dialogue social engagé par l'employeur constitue une circonstance particulière justifiant que son recours soit présenté au-delà du délai requis ;
- les autres moyens soulevés par les ministres ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 février 2018 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 ;
- le décret n° 93-236 du 22 février 1993 ;
- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- l'arrêté du 22 décembre 2008 fixant les montants de référence de la prime de fonctions et de résultats ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.D...,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., attachée principale d'administration de l'équipement, a été affectée à la mission interministérielle d'inspection du logement social au sein de la délégation territoriale de Toulouse sur un poste d'inspecteur-auditeur. Par courriers du 28 juin 2011, du 13 décembre 2011, du 13 décembre 2012 et du 11 décembre 2013, le secrétaire général de la MIILOS l'a informée de ce que le montant de sa prime de fonctions et de résultats, respectivement au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013, s'élevait à 15 986 euros, 16 436 euros, 16 796 euros et 16 796 euros. Par courrier du 6 mai 2014 notifié le 8 mai suivant au chef adjoint de la MIILOS, Mme B...a formulé une demande tendant au bénéfice, du régime indemnitaire applicable aux attachés principaux d'administration en service en administration centrale au titre des années 2010 à 2013, ayant fait l'objet d'une décision de refus implicite de la part du chef adjoint de la MIILOS. Mme B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 942 euros en réparation du préjudice financier subi de 2010 à 2014 et la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et d'enjoindre à l'administration de le rétablir dans ses droits pour l'attribution de la prime. Par un jugement du 13 octobre 2016 dont le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires font appel, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à l'intéressée la somme de 12 466 euros en réparation de son préjudice financier au titre des années 2010, 2011 et 2014 et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la recevabilité de la demande en première instance présentée par Mme B... :
En ce qui concerne les primes versées à Mme B...au titre des années 2010 et 2011 :
2. D'une part le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance. Par ailleurs, ladite règle, qui ne fait pas obstacle à ce que le requérant recouvre sa créance sous réserve de présenter son recours dans un délai raisonnable, ne méconnait pas les stipulations de l'article 1er du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. D'autre part, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.
4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme B...n'a pas d'autre fondement que l'illégalité des décisions fixant le montant de sa prime de fonctions et de résultats au titre des années 2010 et 2011. Si ces décisions ne précisent pas les dates auxquelles elles lui ont été notifiées avec l'indication des voies et délais de recours, il est toutefois constant que Mme B...a eu connaissance des ces décisions fixant les montants de prime alloués au titre des années 2010 et 2011 au plus tard au cours du mois de janvier de l'année respectivement suivante et n'a exercé aucun recours juridictionnel à leur encontre. La circonstance alléguée par la requérante qui fait état d'une procédure de concertation engagée par l'administration et les représentants du personnel, et portant notamment sur le régime indemnitaire des agents, n'est pas susceptible d'expliquer les raisons pour lesquelles elle n'a pas exercé de recours dans l'année suivant la date à laquelle elle a pris connaissance de ces décisions. Ainsi, à la date à laquelle elle a contesté son régime indemnitaire devant l'administration le 8 mai 2014 et devant le juge le 5 septembre 2014, ces décisions, qui ont un objet purement pécuniaire, étaient devenues définitives, avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables. Par suite, et sans qui fassent obstacle les règles de la prescription quadriennale instituées par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, les ministres chargés de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des territoires sont fondés à soutenir que la demande présentée par Mme B...devant le tribunal tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité au titre du préjudice causé par les décisions ayant fixé les montants de sa prime pour les années 2010 et 2011 était irrecevable car tardive. Ce moyen tiré de la tardiveté de la demande de première instance est un moyen d'ordre public qui pouvait être soulevé pour la première fois en appel et à tout moment de la procédure par les appelants.
En ce qui concerne les primes versées à Mme B...au titre des années 2012 et 2013 :
5. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 13 décembre 2012 comportant les voies et délais de recours et notifié à Mme B...le 21 décembre 2012, le secrétaire général de la MIILOS a informé l'intéressée de ce que le montant de sa prime de fonctions et de résultats au titre de l'année 2012 s'élevait à 16 796 euros. Il ressort également des pièces du dossier que par un courrier du 11 décembre 2013 comportant les voies et délais de recours et notifié à Mme B...le 19 décembre 2013, le secrétaire général de la MIILOS a informé l'intéressée de ce que le montant de sa prime de fonctions et de résultats au titre de l'année 2013 s'élevait à 16 796 euros. Ces décisions dont l'objet était exclusivement pécuniaire, n'ayant pas été contestées par MmeB..., dans le délai de recours contentieux, sont devenues définitives avec toutes les conséquences pécuniaires qui en sont inséparables. Par suite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif, en tant qu'elle concerne la prime de fonctions et de résultats au titre des années 2012 et 2013, n'était pas recevable.
Sur les primes versées à Mme B...au titre de l'année 2014 :
6. Les premiers juges après avoir constaté que la MIILOS présentait le caractère d'une administration centrale et que Mme B...était fondée en conséquence à bénéficier du régime indemnitaire applicable aux agents affectés dans les services centraux, ont évalué son préjudice financier à la somme de 4 250 euros pour l'année 2014 en retenant la différence entre le montant de la prime auquel l'intéressée pouvait prétendre au cours de cette même année selon le régime indemnitaire applicable aux agents des services déconcentrés, et le montant qu'il a perçu. Ce faisant le tribunal administratif a pris en compte le montant brut des revenus indemnitaires dont il a été privé et non leur montant net.
7. Il ressort des pièces du dossier que le montant de la perte de revenus dont l'intéressée peut obtenir réparation correspond, ainsi que le soutiennent les ministres requérants, aux revenus nets qu'elle a perdus. En l'absence de contestation sérieuse des données chiffrées produites par les ministres en appel, il y a lieu d'évaluer le préjudice financier de Mme B...à la somme de 3 873,45 euros assortie des intérêts légaux à compter du 13 avril 2015, date de l'enregistrement de son mémoire devant le tribunal administratif actualisant son préjudice au titre de l'année 2014, et de la capitalisation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les ministres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à Mme B...une somme supérieure à 3 873,45 euros.
Sur les exposés et non compris dans les dépens :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B...demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 12 466 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme B... par le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1404230 du 13 octobre 2016 est ramenée à 3 873,45 euros assortie des intérêts légaux à compter du 13 avril 2015 et de la capitalisation.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1404230 du 13 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de Mme B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à Mme C...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.
Le président-assesseur,
Pierre BentolilaLe président,
Pierre D...Le greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
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N° 16BX04143