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03/12/2018 | FRANCE | N°16BX03811

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 03 décembre 2018, 16BX03811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable tendant à la révision de sa notation établie sur la période du 14 février 2012 au 30 avril 2013 et confirmé l'ensemble des mentions portées sur son bulletin de notation, d'abord implicitement, le 16 novembre 2013, puis de manière expresse, le 6 janvier 2014 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de proc

der à la suppression des observations contestées et de lui attribuer une nou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable tendant à la révision de sa notation établie sur la période du 14 février 2012 au 30 avril 2013 et confirmé l'ensemble des mentions portées sur son bulletin de notation, d'abord implicitement, le 16 novembre 2013, puis de manière expresse, le 6 janvier 2014 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la suppression des observations contestées et de lui attribuer une nouvelle notation au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1400825 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 30 novembre 2016, 8 décembre 2016 et 24 juillet 2017, M.F..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler les décisions du ministre de l'intérieur des 16 novembre 2013 et 6 janvier 2014 susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à la suppression des observations contestées et de lui attribuer une nouvelle notation au titre de l'année 2013, dans les deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que, d'une part, en méconnaissance du principe du contradictoire garanti tant par l'article L. 5 du code de justice administrative que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il s'est fondé sur un mémoire en défense produit par l'administration postérieurement à la clôture de l'instruction, fixée au 30 juin 2016, sans le mettre en mesure de pouvoir y répondre et que, d'autre part, il a omis de répondre au moyen tiré du détournement de pouvoir ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que ses conclusions aux fins d'injonction sont irrecevables alors que l'annulation des décisions litigieuses impliquerait le prononcé de la mesure qu'il sollicite ;

- ces décisions sont entachées de plusieurs vices de procédure dès lors que, en premier lieu, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4135-6 du code de la défense, le major A...a été présent une partie de l'entretien avec le notateur de premier niveau avant de se retirer sur sa demande, qu'en deuxième lieu, en violation de l'article 5-2-1 de l'instruction n° 116000 GEND/DPMGN/SDPRH/BRFM du 20 décembre 2012 relative à la notation en 2013 des militaires de la gendarmerie nationale, le capitaine de Martin de Vivies s'est contenté, lors de l'entretien de communication de la première notation, de répondre à ses questions sans dresser de bilan de la période écoulée ni exposer les points à améliorer pour l'avenir et que, en troisième lieu, sa notation lui a été remise par le secrétaire de l'escadron dans une enveloppe non cachetée, alors que l'article 5.2.2.1 de cette instruction imposait le respect de cette formalité ;

- sur le fond, la notation litigieuse, qui souffre d'un manque d'objectivité concernant sa manière de servir et d'une prise en compte partielle de ses prestations lors de ses missions, est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa manière de servir, dès lors qu'elle se borne à indiquer de manière vague qu'il donne globalement satisfaction sans que le notateur ait explicité les critères sélectionnés et, notamment, ceux de la catégorie " points à améliorer ", dans le bandeau relatif à ces qualités, en méconnaissance de l'article 2.1.1 de l'instruction susmentionnée du 20 décembre 2012, que de nombreuses attestations viennent contredire les remarques négatives qui ont été formulées à son égard et que la simple lettre d'observation du 19 novembre 2012 ne contient aucun élément objectif susceptible de remettre en cause sa manière de servir ;

- cette notation repose sur des faits matériellement inexacts dès lors que les griefs qui lui sont reprochés, à savoir son manque de retenue tant à l'occasion d'un retard que dans l'accomplissement d'une mission comme plastron, que sa remise en cause véhémente des décisions de sa hiérarchie pour participer à un stage ou effectuer un déplacement outre-mer, ne constituent que des accusations mensongères ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile avec son supérieur hiérarchique.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité dès lors que, d'une part, le tribunal a transmis à la dernière adresse connue du conseil du requérant son premier mémoire en défense, en l'invitant, afin de ne pas retarder la mise en état du dossier, à produire ses observations aussi rapidement que possible, et que, d'autre part, ce mémoire a bien été réceptionné par le demandeur qui a disposé d'un délai de plus de deux mois pour répliquer avant que l'affaire ne soit audiencée ;

- ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, même s'il décidait d'annuler la notation annuelle d'un agent, de faire acte d'administration en lieu et place de l'autorité administrative compétente, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et de lui enjoindre de rédiger les évaluations littérales de la notation de cet agent en des termes déterminés ;

- sur le fond, le requérant reprenant en appel des moyens et arguments similaires à ceux exposés devant le tribunal, en joignant, au surplus, sa notation annuelle 2017 à l'appui de ses prétentions, il entend se référer aux écritures produites en défense en première instance ainsi qu'aux motifs du jugement attaqué.

Par ordonnance du 15 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.F..., engagé dans la gendarmerie nationale en qualité de sous-officier à compter du 2 mai 2004 puis promu au grade de maréchal des logis-chef au 1er mai 2011, a été affecté, à compter du 1er août 2010, au sein de l'escadron 33/2 de la gendarmerie mobile du groupement de gendarmerie mobile III de Toulouse, à Pamiers, sous l'autorité du commandant de la région de gendarmerie d'Aquitaine. Dans le cadre de la campagne d'évaluation des militaires, M. F...a été reçu à un entretien, organisé le 2 mai 2013 par le capitaine commandant de son escadron, notateur de premier degré, qui lui a alors communiqué sa proposition de notation annuelle au titre de la période du 14 février 2012 au 30 avril 2013. Ayant présenté, par compte-rendu du 7 mai 2013, diverses observations relatives au formulaire de notation, l'intéressé s'est vu notifier, le 6 juin 2013, son bulletin de notation définitive établie par son commandant de groupement, notateur de deuxième et dernier degré. Par un courrier du 16 juillet 2013 réceptionné le 18 juillet suivant, M. F... a formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires contre cette notation puis a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté ce recours et confirmé l'ensemble des mentions portées sur son bulletin de notation, d'abord implicitement, le 16 novembre 2013, puis de manière expresse, le 6 janvier 2014 et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité administrative de procéder à la suppression des observations contestées et de lui attribuer une nouvelle notation au titre de l'année 2013. M. F...relève appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen de la demande de première instance que M. F...a expressément soulevé, à l'encontre des décisions litigieuses, le moyen tiré de ce que la notation qui lui a été attribuée au titre de l'année 2013 est entachée de détournement de pouvoir et constitue une sanction déguisée. Le tribunal a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Il s'ensuit qu'ainsi que le soutient l'appelant, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité sur ce point.

3. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à sa régularité, portant sur la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur, née le 16 novembre 2013 :

4. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " I. - Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-9 de ce code, alors en vigueur : " La commission recommande au ministre compétent ou, le cas échéant, aux ministres conjointement compétents au sens du II de l'article R. 4125-4, soit de rejeter le recours, soit de l'agréer totalement ou partiellement. Son avis ne lie pas le ministre compétent ou, le cas échéant, les ministres conjointement compétents. ". En vertu de l'article R. 4125-10 dudit code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...). / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission. ". L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale et est seule susceptible d'être déférée au juge de la légalité.

5. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 1, M. F...a, par un courrier du 16 juillet 2013 réceptionné le 18 juillet suivant, formé, conformément aux dispositions précitées du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense, un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires contre son bulletin de notation définitive qui lui avait été notifié le 6 juin 2013. Du silence gardé par le ministre de l'intérieur pendant quatre mois sur ce recours est née, le 16 novembre 2013, une décision implicite de rejet. Toutefois, la décision expresse du 6 janvier 2014 de cette même autorité ministérielle s'est entièrement et nécessairement substituée à cette décision implicite. Il s'ensuit qu'ainsi que le fait valoir l'administration, les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif.

En ce qui concerne la décision expresse de rejet du 6 janvier 2014 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1 du décret du 27 juillet 2005 susvisé : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale (...) et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'Etat ; / 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé ainsi que les hauts fonctionnaires et les hauts fonctionnaires adjoints mentionnés aux articles R. 1143-1 et R. 1143-2 du code de la défense ; (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : " Les ministres et secrétaires d'Etat peuvent, par un arrêté publié au Journal officiel de la République française, donner délégation pour signer tous actes, à l'exception des décrets, au directeur et au chef de leur cabinet, ainsi qu'à leurs adjoints, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'est pas donnée à l'une des personnes mentionnées à l'article 1er. Cette délégation prend fin en même temps que les pouvoirs du ministre ou du secrétaire d'Etat qui l'a donnée. (...). ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C...B..., directeur adjoint du cabinet du ministre de l'intérieur, s'est vu délivrer, par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 22 juin 2012 régulièrement publié le 27 juin suivant au Journal officiel de la République française (JORF), une délégation de signature permanente à l'effet de signer au nom de ce dernier tous actes, arrêtés ou décisions à l'exclusion des décrets, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n'a pas été donnée aux personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005. M. F...n'établit, ni même n'allègue que la décision contestée, signée par M. C...B..., relèverait des affaires pour lesquelles délégation a été donnée à ces dernières personnes. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 4135-3 du code de la défense, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Le militaire est noté à un ou plusieurs degrés par les autorités militaires ou civiles dont il relève. (...) / Le nombre de degrés de notation et la désignation des autorités correspondantes sont déterminés par le ministre de la défense, ou par le ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, en considération du corps, du grade, de la fonction du militaire et de l'organisation propre à chaque armée ou formation rattachée. ". Aux termes de l'article R. 4135-6 de ce code : " Les notes et appréciations sont communiquées au militaire lors d'un entretien avec le premier notateur ou le notateur unique, sauf si des circonstances particulières font obstacle à sa tenue. L'entretien a lieu même si le militaire fait l'objet d'une mutation (...). ".

9. M. F...soutient que l'autorité notatrice de premier degré a tenté, lors de l'entretien organisé le 2 mai 2013, de lui imposer la présence du vice-président des personnels militaires (M.A...), ce qui l'a contraint à insister pour que celui-ci se retire afin de faire respecter le principe de confidentialité de l'entretien de notation. Toutefois, alors que le requérant reconnaît lui-même que le vice-président des personnels militaires s'est retiré à sa demande, ce qui lui a permis de bénéficier par la suite d'un entretien avec le seul notateur de premier degré, il n'est ni établi ni même allégué que l'autorité hiérarchique en cause aurait, au cours du bref laps de temps où elle était présente, fait preuve à son encontre d'une animosité particulière ou entrepris d'influer sur l'appréciation de sa manière de servir par l'autorité compétente. Dès lors, et en tout état de cause, cette seule circonstance n'a pu, compte tenu des circonstances de l'espèce, entacher la procédure suivie d'irrégularité.

10. En troisième lieu, M. F...soutient qu'en méconnaissance de l'article 5-2-1 de l'instruction n° 116000 GEND/DPMGN/SDPRH/BRFM du 20 décembre 2012 relative à la notation en 2013 des militaires de la gendarmerie nationale, son notateur de premier degré s'est contenté, lors de l'entretien du 2 mai 2013 susmentionné, de répondre à ses questions sans dresser de bilan de la période écoulée ni exposer les points à améliorer pour l'avenir et qu'en méconnaissance de l'article 5.2.2.1 de cette même instruction, sa notation lui a été remise par le secrétaire de l'escadron dans une enveloppe non cachetée. Toutefois, de tels moyens doivent être écartés comme inopérants dès lors que cette instruction est dépourvue de valeur règlementaire.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense : " Les militaires sont notés au moins une fois par an. / La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. / A l'occasion de la notation, le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir (...). ". Aux termes de l'article R. 4135-1 du même code : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé. ". L'article R. 4135-2 de ce code dispose : " La notation est traduite : 1° Par des appréciations générales, qui doivent notamment comporter les appréciations littérales données par l'une au moins des autorités chargées de la notation ; / 2° Par des niveaux de valeur ou par des notes chiffrées respectivement déterminés selon une échelle ou selon une cotation définie, dans chaque armée ou formation rattachée, en fonction des corps qui la composent. / La notation est distincte des propositions pour l'avancement. ". Enfin, aux termes du second alinéa de l'article R. 4135-3 dudit code : " Pour établir la notation du militaire, ces autorités doivent prendre en considération l'ensemble des activités liées au service exécutées par l'intéressé au cours de la période de notation, à l'exception de celles exercées en tant que représentant de militaires auprès de la hiérarchie ou au sein d'un organisme consultatif. ". Il résulte de ces dispositions que la notation d'un militaire doit constituer une appréciation objective et complète par l'autorité hiérarchique des qualités et des aptitudes dont il a fait preuve pendant la période de notation.

12. D'une part, pour attribuer à M. F...la note chiffrée de 8/13 au titre de la période du 14 février 2012 au 30 avril 2013, l'autorité notatrice de second degré, confirmant la plupart des éléments d'appréciation générale portés sur le bulletin de notation par le notateur de premier degré à la suite des observations émises par le militaire, a relevé notamment qu'il entretenait " une bonne condition physique ", donnait " globalement satisfaction dans la manière de servir ", " faisant montre au quotidien d'une volonté d'exercer des responsabilités ", et que ce " jeune gradé rigoureux " disposait d'une " réelle expérience militaire " et avait " assumé correctement les missions qui lui ont été confiées ", tout en recommandant toutefois à M. F... de " s'attacher à faire preuve de plus de lucidité dans son jugement " et de " veiller à travailler en bonne intelligence avec son encadrement ". Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de la période de notation litigieuse, l'intéressé a, lors de deux entretiens organisés avec son commandant d'escadron les 15 juin et 5 septembre 2012, exprimé dans des termes très vifs son désaccord après que sa hiérarchie eût envisagé de l'affecter en mission en Guyane en juillet et août 2013, puis fait l'objet, notamment pour ce motif, d'une lettre de rappel à l'ordre du 19 novembre 2012. A cet égard, dans son recours administratif préalable du 16 juillet 2013, l'intéressé a admis lui-même qu'il avait émis à plusieurs reprises des réserves dans l'adhésion apportée au style de commandement de son commandant d'escadron et de son notateur juridique de second degré. En outre, au cours d'un stage de soutien organisé par l'école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) du 17 septembre au 11 octobre 2012, M. F...a tenu des propos notablement déplacés sur les " consanguins " du Nord alors qu'il était chargé de jouer le rôle de plastron dans le cadre d'un exercice de maintien de l'ordre à Valenciennes, propos dont il a admis lui-même le caractère " maladroit " et qui l'ont conduit à être convoqué par le commandant d'unité de l'escadron 14/9 de gendarmerie mobile chargé de l'exercice. Il ressort également des pièces du dossier - ce que le requérant admet là encore lui-même - que M. F... a refusé d'exercer une mission devant avoir lieu du 17 septembre au 11 octobre 2012 en qualité de chauffeur PL et TC au centre de Saint-Astier, en arguant notamment de ce qu'il s'agissait d'une réelle régression en termes de responsabilité pour lui après huit ans de carrière et au regard de ses diplômes. Enfin, l'appelant n'a pas pris les dispositions nécessaires pour éviter la perte des clés d'un logement qu'il avait occupé avec ses collègues de travail au cours de l'été 2012 dans le cadre d'une mission à Lacanau, en sollicitant notamment des consignes de sa hiérarchie lors de leur départ des lieux. En se bornant à produire des attestations d'autres collègues ou supérieurs hiérarchiques louant ses qualités professionnelles ainsi que, pour la première fois en appel, sa notation établie pour la période du 9 mars 2016 au 31 mars 2017 après une année entière d'exercice de ses fonctions à la Garde Républicaine, qui porte sur une période temporelle et des missions différentes, M. F...ne remet pas sérieusement en cause la matérialité des manquements qui ont motivé la régression de sa notation par rapport aux années 2006-2012. Il s'ensuit qu'en confirmant, par la décision contestée du 6 janvier 2014, la notation établie tant par l'autorité notant au premier degré que par celle notant au second degré, en relevant que " l'examen de la notation contestée ne révèle pas de discordance manifeste entre les points forts, le point à améliorer, les appréciations littérales, l'évaluation de la réussite dans l'emploi, de la capacité à occuper un emploi supérieur, le potentiel et la note chiffrée fixée à 8 sur 13 ", le ministre de l'intérieur, qui n'était pas lié par les notations annuelles antérieures du militaire concerné, ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'a pas davantage entaché son appréciation de sa manière de servir d'une erreur manifeste.

13. D'autre part, M. F...soutient qu'en méconnaissance des dispositions, précitées au point 11, du second alinéa de l'article R. 4135-3 du code de la défense, le ministre de l'intérieur n'a pas tenu compte de l'ensemble de ses réalisations personnelles pendant la période de notation du 14 février 2012 au 30 avril 2013. Toutefois, et ainsi que le fait valoir à juste titre le ministre intimé, la seule circonstance que l'autorité administrative n'ait pas mentionné qu'il a exercé une mission de renfort du 13 août au 1er septembre 2012 en qualité de chef de poste à Hourtin ainsi que les fonctions d'adjudant d'escadron du milieu du mois de novembre 2012 à la fin du mois de janvier 2013 ne saurait suffire à établir que sa notation définitive n'aurait pas été prise à l'issue d'une appréciation complète et objective, par l'autorité hiérarchique, des qualités et des aptitudes dont il a fait preuve pendant la période globale de notation.

14. En cinquième et dernier lieu, si M. F...soutient que sa notation s'inscrit dans un contexte de tensions particulièrement difficiles avec son supérieur hiérarchique direct, qui a cherché à justifier la décision, prise par sa hiérarchie en février 2013, d'annuler l'agrément qui lui avait été délivré pour partir à l'ambassade de France à Bahrein au cours de l'année 2013, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision du 6 janvier 2014 n'est pas entachée de détournement de pouvoir ou de procédure et qu'elle ne saurait être davantage regardée comme constituant une sanction disciplinaire déguisée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée du 6 janvier 2014. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme à verser à M. F...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400825 du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

8

N° 16BX03811


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03811
Date de la décision : 03/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Notation.

Procédure - Voies de recours - Appel - Effet dévolutif et évocation - Évocation.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL JURIADIS GRAND SUD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-03;16bx03811 ?
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