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30/11/2018 | FRANCE | N°16BX03121

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2018, 16BX03121


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée sous le n° 1500725, Mme G...E...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 1er juin 2015 par laquelle le président du conseil départemental de La Réunion a suspendu son agrément d'assistante familiale.

Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1501199 Mme E...a demandé au même tribunal d'annuler, d'une part, la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de La Réunion lui a retiré

son agrément d'assistance familiale ainsi que, d'autre part, la décision du 24 novembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée sous le n° 1500725, Mme G...E...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 1er juin 2015 par laquelle le président du conseil départemental de La Réunion a suspendu son agrément d'assistante familiale.

Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1501199 Mme E...a demandé au même tribunal d'annuler, d'une part, la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le président du conseil départemental de La Réunion lui a retiré son agrément d'assistance familiale ainsi que, d'autre part, la décision du 24 novembre 2015 prononçant son licenciement.

Par un jugement n° 1500725, 1501199 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2016, MmeE..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 30 juin 2016 ;

2°) d'annuler les décisions de suspension et de retrait de son agrément ainsi que la décision de licenciement du 24 novembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au département de La Réunion de la réintégrer et de reconstituer sa carrière, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, ou à défaut d'ordonner le réexamen de sa situation, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge du département la somme de 5 425 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le paiement de la somme de 13 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

- les signataires des décisions du 1er juin 2015, du 6 octobre et du 24 novembre 2015 n'étaient pas compétents, faute de justifier d'une délégation prévue par les textes, suffisamment précise, et régulièrement publiée ; la délégation dont disposait M.D..., signataire des deux premières décisions, ainsi que celle dont disposait M. C...signataire de la décision de licenciement, ne comprenaient pas les actes de gestion du personnel ; enfin, ils disposaient de délégations datées du même jour, simultanées et par suite irrégulières ;

- les décisions sont entachées d'un vice de procédure : l'intéressée n'a pas pu s'exprimer sur les faits qui lui sont reprochés lors de l'enquête administrative, en méconnaissance du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire ;

- en outre, elle n'a pas eu accès à son entier dossier avant la séance de la commission consultative paritaire départementale du 24 septembre 2015, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles et du respect des droits de la défense ;

- par ailleurs, l'avis de la commission consultative paritaire a été irrégulièrement rendu dès lors que les dispositions de l'article R. 421-28 du code de l'action sociale et des familles qui prévoient que la commission ne peut être présidée que par le président du conseil départemental ou par un représentant qu'il désigne parmi les conseillers départementaux ou les agents du service du département, ont été en l'espèce méconnues ; M.D..., qui a présidé cette commission, ne bénéficie d'aucune délégation de compétence ;

- au fond : les décisions reposent sur des faits matériellement inexacts et méconnaissent l'article L. 461-6 du code de l'action sociale et des familles.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 7 février 2017 et le 17 mai 2017, des pièces produites le 26 juin 2017 et le 10 octobre 2017, le département de La Réunion, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le département fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par des décisions en date des 1er juin et 6 octobre 2015, le président du conseil départemental de La Réunion a suspendu puis retiré l'agrément d'assistante familiale dont bénéficiait MmeE..., qui exerçait sa profession pour le compte du service d'aide sociale à l'enfance (ASE) en raison de faits de maltraitance qui lui étaient reprochés, commis sur deux enfants qu'elle accueillait à son foyer. Par une troisième décision en date du 24 novembre 2015, cette même autorité a prononcé le licenciement de l'intéressée en conséquence du retrait de son agrément. Mme E...interjette appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté l'ensemble de ses demandes tendant à obtenir l'annulation de ces trois décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire des décisions de suspension et de retrait de l'agrément :

2 Il ressort des pièces du dossier que les décisions de suspension puis de retrait de l'agrément de MmeE..., qui ne sont pas des actes de gestion du personnel départemental, ont été signées par M. F...D..., directeur de la santé publique, qui disposait d'une délégation de signature établie par un arrêté du président du conseil départemental en date du 14 avril 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratif du département de La Réunion. En outre, la circonstance que M.C..., directeur général adjoint des services du département, chargé du Pôle famille, était titulaire d'une délégation du même jour n'entache d'aucune illégalité celle attribuée à M.D.... Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions susmentionnées doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne les vices de procédure entachant les décisions de suspension et de retrait de l'agrément :

3. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside. (...) ". Les troisième à cinquième alinéas de l'article L. 421-6 du même code disposent que : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié. / Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés. / La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de la commission présidée par le président du conseil général ou son représentant, mentionnée au troisième alinéa, sont définies par voie réglementaire ". Enfin, l'article L. 423-8 de ce code prévoit que : " En cas de suspension de l'agrément, l'assistant maternel ou l'assistant familial (...) est suspendu de ses fonctions par l'employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois. Durant cette période, l'assistant maternel ou l'assistant familial bénéficie d'une indemnité compensatrice qui ne peut être inférieure à un montant minimal fixé par décret. / (...) / En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ".

4. Par ailleurs, l'article R. 421-28 du code de l'action sociale et des familles prévoit "La présidence de la commission est assurée par le président du conseil départemental ou par un représentant qu'il désigne parmi les conseillers départementaux ou les agents des services du département ".

5. En premier lieu, la mesure de suspension prévue par les articles L. 421-6 et L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles, qui ne peut excéder quatre mois, constitue une mesure provisoire destinée à permettre de sauvegarder la santé, la sécurité et le bien-être des mineurs accueillis, durant les délais nécessaires notamment à la consultation de la commission consultative paritaire départementale et au respect du caractère contradictoire de la procédure, en vue, le cas échéant, d'une mesure de retrait ou de modification du contenu de l'agrément. Pendant la période de suspension de son agrément, l'assistant maternel ou familial employé par une personne morale de droit privé ou de droit public bénéficie d'une indemnité compensatrice. Le législateur a ainsi entendu, par ces dispositions, déterminer entièrement les règles de procédure auxquelles sont soumises ces mesures de suspension de l'agrément des assistants maternels ou familiaux, qui s'inscrivent dans le cadre de la modification ou du retrait éventuel de cet agrément, soumis à une procédure contradictoire préalable précisée à l'article R. 421-23 du même code. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire au cours de la procédure précédant l'édiction de la mesure de suspension ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, Mme E...a reçu le 3 août 2015, par l'intermédiaire de son avocat, les éléments figurant dans son dossier personnel, en particulier le rapport établi le 20 mai 2015 par les services sociaux, sur la situation des enfants, ainsi qu'un certificat médical établi le 6 mai 2015. Au surplus, elle avait eu connaissance dès le 20 avril 2015, soit le jour même de l'envoi, par la cellule spécialisée de l'Education nationale, d'une information préoccupante aux services départementaux, relative aux conditions d'accueil d'un jeune garçon et de la soeur de ce dernier qui lui étaient confiés, des faits de maltraitance qui lui étaient reprochés, et a pu présenter des observations. Les moyens tirés de ce elle n'aurait pas eu accès à son entier dossier avant la séance de la commission consultative paritaire départementale du 24 septembre 2015 et qu'elle n'aurait pas été mise à même de présenter des observations doivent être écartés.

7. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la présidence de la commission consultative paritaire départementale du 24 septembre 2015 pouvait être assurée par M.D..., agent des services du département, désigné le 7 mai 2015 par le président du conseil départemental comme étant son représentant et comme pouvant exercer cette présidence. Ainsi, aucune irrégularité dans la composition de la commission consultative paritaire départementale qui s'est prononcée sur la situation de l'appelante ne peut être retenue.

En ce qui concerne la légalité interne des décisions en litige :

8. Il ressort des pièces du dossier que l'administration, à la date du 1er juin 2015, disposaient de rapports convergents faisant état de nombreux faits de maltraitantes physiques et morales imputables à MmeE..., pouvaient être regardés comme présentant un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité de nature à justifier la mesure de suspension d'agrément. En outre, la matérialité de ces mêmes faits de maltraitance, pour lesquels d'ailleurs M. et Mme E... ont été condamnés, le 13 avril 2017, par un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Pierre confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 21 juin 2018, à une peine, ramenée en appel à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction d'exercer la profession d'assistant familial pendant 5 ans, étaient suffisamment établis et justifiaient, en raison de leur gravité, la mesure de retrait d'agrément contestée. Dès lors, le moyen tiré de ce qui le président du conseil départemental de La Réunion aurait méconnu l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles en ayant suspendu puis retiré l'agrément en litige ne peut qu'être écarté.

9. Par suite, et dès lors que le retrait d'agrément était fondé, le président du conseil départemental de La Réunion était tenu, en application des dispositions précitées de l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et des familles, de prendre la décision du 24 novembre 2015 mettant fin à l'engagement de Mme E... auprès de ses services, sans que l'intéressée ne puisse utilement invoquer le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision, ou les vices qui entacheraient la procédure à l'issue de laquelle cette décision a été prise.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes tendant à obtenir l'annulation de ces décisions. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de La Réunion, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'appelante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme E...est rejetée.

Article 2 : Mme E...versera au département de La Réunion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...E...et au département de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03121
Date de la décision : 30/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : FIDAL SAINT DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-30;16bx03121 ?
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