Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association de protection des rivières ariégeoises dite " Le Chabot " a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ariège du 6 décembre 2013 portant reconnaissance du droit fondé en titre du moulin des Salenques et autorisant la société Pro-Elec à disposer de l'énergie de la rivière Arize pour la mise en service d'une usine hydroélectrique.
Par un jugement n° 1405888 du 24 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire en production de pièces et un mémoire complémentaire présentés respectivement les 6 septembre 2016, 18 octobre 2016 et 9 janvier 2018, l'association de protection des rivières ariégeoises, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ariège du 6 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé notamment en ce qu'il ne fait nullement référence à la présence d'un gué dans le cours d'eau court-circuité lequel entrave la continuité écologique du cours d'eau et démontre que le débit minimal réservé fixé à 420 l/s est insuffisant ;
- le dossier d'information présenté par la SARL Pro-Elec ne remplit pas les conditions de conformité exigées par la production d'une " notice d'incidence" ;
- les mesures qui posent le principe de non détérioration de l'état actuel des cours d'eau contenues dans le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux d'Adour Garonne ne sont pas respectées ;
- l'autorisation méconnaît le principe de non dégradation de l'état des eaux ; le débit restitué à l'aval est de 10 % du module sans qu'il soit justifié que ce niveau est de nature à respecter la non dégradation de la qualité des eaux ;
- ainsi que l'a souligné l'ONEMA, les mesures prises pour la montaison ou la dévalaison des poissons ne sont pas adaptées ; la société n'apporte aucune réponse aux critiques très précises que l'ONEMA avait pris soin de formuler dans son avis du 15 avril 2013 ;
- l'Arize a été inscrite en liste 1° au sens de l'article L. 214-17 du code de l'environnement (migrateur amphihalins) notamment en raison de la présence de l'anguille, espèce protégée et menacée à l'échelle européenne ; les obligations résultant de ce classement du cours d'eau s'appliquaient à la procédure d'instruction en cours et il n'en a pas été tenu compte ; par ailleurs, l'ONEMA critiquait l'insuffisance de description des travaux et demandait une analyse complémentaire qui n'a pas été réalisée ; l'ouvrage est ainsi de nature à porter atteinte à la continuité écologique et à contrevenir aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 212-1 du code de l'environnement ;
- le débit réservé restitué à l'aval du seuil a été porté à 470 l/s soit à peine au-dessus du 10ème du module (420 l/seconde) débit " plancher " légal ; toutefois, même augmenté de quelques litres par seconde, ce débit réservé a été fixé sans examen pertinent au regard des conditions morphologiques et des composantes biologiques du cours d'eau ; le dossier de demande ignore totalement la présence d'un gué situé dans le tronçon court-circuité dit " TCC " qui restitue les eaux à l'aval du moulin ; par suite, le débit réservé fixé par l'arrêté, même en conformité à l'avis de la DREAL est inadapté aux enjeux en cause et ne peut garantir le respect des obligations découlant du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 novembre 2016 et 23 janvier 2018, la société Pro-Elec, société à responsabilité limitée, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'association de protection des rivières ariégeoises sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à défaut de justificatif d'une notification du jugement le 6 juillet 2016, la requête d'appel de l'association de protection des rivières ariégeoises sera déclarée irrecevable car tardive ;
- le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation manque en fait ;
- les moyens soulevés par l'association requérante tendant à démontrer que l'étude d'impact est insuffisante sont inopérants s'agissant d'une demande de droit d'eau fondé en titre ; en vertu du II de l'article L. 214-6 du code l'environnement, dès lors que le droit d'eau est reconnu, l'installation est réputée autorisée ; en vertu de l'article R. 214-8 du code de l'environnement, le pétitionnaire souhaitant modifier un ouvrage fondé n'a qu'un devoir d'information préalable du préfet qui peut émettre des prescriptions complémentaires selon les dispositions de l'article R. 214-17 du même code ; en tout état de cause, l'appelante, comme en première instance, fonde l'essentiel de son argumentaire sur l'avis négatif de l'ONEMA du 17 avril 2013 qui n'est en aucun cas un avis conforme ;
- il n'est nullement démontré par l'association appelante que le débit retenu serait insuffisant pour préserver le milieu piscicole ;
- si la continuité de la rivière se trouve sans doute affectée par l'installation existante, dépourvue de dispositifs de montaison et de dévalaison, c'est la rénovation du moulin des Salenques qui permettra le rétablissement de la continuité écologique ;
- l'appelante ne justifie pas du caractère insuffisant des prescriptions techniques prévues par l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2013, celle-ci se bornant dans son argumentaire à invoquer de simples recommandations techniques n'ayant aucune valeur réglementaire ;
- l'association fonde exclusivement son raisonnement sur le débit réservé sur la circulaire du 5 juillet 2011, au demeurant non opposable, alors que le cas d'espèce n'entre pas dans le champ des précisions qu'elle apporte ;
- le dossier de porter à connaissance, les annexes qu'il comporte, la consultation et l'avis rendus par les autorités environnementales compétentes, le rapport d'information du CODERST, ainsi que l'avis émis par ce comité, ont été de nature à permettre d'ajuster la valeur du débit réservé in fine retenue et au préfet, de fixer les prescriptions complémentaires de nature à garantir en toutes circonstances la continuité écologique ;
- il n'est pas démontré que la présence d'un " gué ", lequel ne fait pas partie des éléments composant le moulin des Salenques, dans le tronçon court-circuité, évoquée par l'ONEMA dans son avis du 15 avril 2013, ne permettrait pas dans des conditions convenables, le franchissement des poissons ;
- la preuve de l'inadaptabilité du dispositif de franchissement des poissons migrateurs n'est pas rapportée par l'association ;
- en tout état de cause, le préfet de l'Ariège a édicté des prescriptions visant à garantir la continuité écologique et la garantie des intérêts visés par l'article L. 211-1 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait siennes les observations présentées en première instance par le préfet de l'Ariège et ajoute que :
- le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé manque en fait ;
- dès lors que la consistance légale d'exploitation de l'ouvrage est la même que celle pour laquelle il bénéficie de la reconnaissance d'un droit fondé en titre, il n'y a pas lieu de soumettre l'ouvrage aux obligations relatives aux autorisations ou renouvellements d'autorisation ;
- l'association requérante ne démontre pas que la réhabilitation de l'ouvrage serait mal adaptée aux conditions morphologiques du cours d'eau et serait de nature à affecter durablement sa continuité écologique ;
- l'arrêté attaqué contient de nombreuses prescriptions, assorties d'une obligation de résultat et de mesures de contrôle qui permettront de garantir l'absence d'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement.
Par ordonnance du 9 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 février 2018 à douze heures.
Une note en délibéré présentée pour la société Pro-Elec a été enregistrée le 7 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Pro-Elec.
Considérant ce qui suit :
1. La société Pro-Elec a présenté le 2 janvier 2013 un dossier d'information à fin de reconnaissance d'un droit fondé en titre pour l'usage de l'eau de la rivière Arize attaché au moulin de Salenques sur le territoire de la commune de Les Bordes-sur-Arize en vue de la remise en service d'une installation hydroélectrique. L'association de protection des rivières ariégeoises (dite " Le Chabot ") relève appel du jugement du 24 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2013 par lequel le préfet de l'Ariège a constaté le droit fondé en titre de la société Pro-Elec à disposer de l'énergie de la rivière Arize pour son activité de production d'électricité et a prescrit les conditions d'exploitation de cet ouvrage.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement du tribunal administratif du 24 juin 2016 a été régulièrement notifié au siège de l'association de protection des rivières ariégeoises le 6 juillet 2016. Par suite, la requête de l'association de protection des rivières ariégeoises Le Chabot, enregistrée au greffe de la cour le 6 septembre 2016, n'est pas tardive. La fin de non-recevoir opposée ne peut, par suite, être accueillie.
Sur la régularité du jugement :
3. L'association requérante soutient que les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement en omettant de se prononcer sur la nécessaire prise en compte de la présence d'un gué dans le cours d'eau court-circuité lequel entrave la continuité écologique et le caractère suffisant du débit minimal réservé fixé à 420 l/s. Toutefois, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur chacun des arguments figurant dans sa demande, a suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement, au point 6 du jugement, en relevant qu'il résultait de l'instruction que postérieurement à l'avis défavorable rendu par l'ONEMA le 15 avril 2013, le service en charge de l'hydrologie de la DREAL avait procédé à des vérifications qui ont permis de porter le débit réservé à 470 l/s et que l'association ne démontrait pas que ce débit, tel qu'il est repris à l'article 5 de l'arrêté attaqué ne permettait pas d'assurer la continuité écologique du cours d'eau telle qu'elle est protégée par les dispositions de cet article. Ce faisant, le tribunal a précisé le motif pour lequel, selon lui, le moyen présenté par l'association requérante tendant à remettre en cause le débit réservé imposé à l'exploitant devait être écarté. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer ou qu'il serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté.
Au fond :
4. Il appartient au juge de plein contentieux des installations soumises à la législation sur l'eau d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
En ce qui concerne la légalité externe :
5. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. VI. Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section ".
6. En l'espèce, il n'est pas contesté que le moulin de Salenques bénéficie d'un droit de prise d'eau fondé en titre lequel est d'ailleurs établi par les pièces produites au dossier, le litige ne portant que sur l'autorisation donnée à la société Pro-Elec d'utiliser la rivière Arize pour la mise en jeu d'une usine hydroélectrique.
7. Un droit fondé en titre conserve la consistance qui était la sienne à l'origine. Dans le cas où des modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible, appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du débit du cours d'eau ou du canal d'amenée, ces transformations n'ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit fondé en titre, mais seulement de soumettre l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre.
8. Il résulte de l'instruction que le préfet a fixé la hauteur de chute brute maximale du moulin des Salenques à 2,94 mètres et le débit maximal dérivable à 5 m3/s et que la puissance maximale brute de l'installation attachée au droit fondé en titre était de 144 kW. Eu égard aux valeurs exprimées en 1832, l'arrêté attaqué n'a ainsi pas pour objet ni pour effet d'augmenter la puissance de l'installation. En conséquence, la microcentrale électrique du moulin des Salenques est réputée autorisée en application des dispositions de l'article L. 214-6 du code de l'environnement.
9. Eu égard à ce qui vient d'être dit, aucune autorisation ou déclaration n'était nécessaire à la société Pro-Elec. Le préfet pouvait reconnaître le droit fondé en titre du moulin des Salenques et autoriser les travaux sur cette installation sans qu'il y ait lieu pour le pétitionnaire de produire le document d'incidences mentionné à l'article R. 214-6 du code de l'environnement.
10. En second lieu, l'arrêté par lequel le préfet de l'Ariège a reconnu le droit fondé en titre de la société pro-Elec à disposer de l'énergie de la rivière Arize pour son activité de production d'électricité a été pris le 6 décembre 2013. Les dispositions de l'article R. 214-18-1 du code de l'environnement qui ont été introduites dans le code de l'environnement par le I de l'article 7 du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014 ne peuvent être utilement invoquées.
11. En tout état de cause, et sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 214-3 du code de l'environnement relatives à l'autorisation d'exploiter des installations ou ouvrages au titre de la police de l'eau, l'exploitant d'un ouvrage déjà autorisé au titre de cette police est dispensé d'autorisation pour exploiter à titre accessoire l'énergie hydraulique au moyen d'une petite turbine, à condition de ne pas entraîner une modification substantielle du projet présentant des risques pour la gestion équilibrée de la ressource en eau. Dans cette hypothèse, l'exploitant doit seulement, en vertu des articles R. 214-18-1 et R. 214-17, porter à la connaissance du préfet les éléments relatifs à la nouvelle installation en vue de l'examen du projet au regard des risques pour la gestion équilibrée de la ressource en eau, de l'édiction de prescriptions complémentaires à l'autorisation initiale au titre de la police de l'eau ou de l'exigence d'une procédure de demande d'autorisation en cas de modification substantielle entraînant des dangers ou inconvénients pour les intérêts protégés par l'article L. 211-1 du code de l'environnement.
12. Il résulte de l'instruction que la société Pro-Elec a informé le préfet de l'Ariège de son intention de remettre en exploitation un ouvrage existant, et pour lequel elle bénéficie déjà d'une autorisation constituée par son droit fondé en titre et a remis à l'autorité préfectorale un dossier de porter à connaissance du 2 janvier 2013, afin que cette autorité puisse apprécier les modalités du réaménagement de l'ouvrage et, le cas échéant, fixer les prescriptions. Ce dossier qui a été complété par les explications techniques fournies lors de la réunion du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques qui s'est tenue le 19 septembre 2013 renseigne sur la réalisation d'infrastructures améliorant la continuité écologique du cours d'eau, décrit la réhabilitation de l'ouvrage, augmenté d'une passe à poisson et d'une goulotte de dévalaison et comporte ainsi les renseignements suffisants concernant le réaménagement de l'ouvrage existant et la mise en oeuvre des éléments favorisant la continuité écologique.
En ce qui concerne la légalité interne :
13. En premier lieu, si l'association requérante soutient de nouveau en appel que le projet serait incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux d'Adour Garonne approuvé par arrêté du préfet de la région Midi-Pyrénées le 1er décembre 2009 lequel fixe les objectifs de résultat en termes de bon état des eaux à atteindre dans le cadre d'une gestion équilibrée de la ressource en eau, elle ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
14. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement : " (...) l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassins : / 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique./ Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ". Aux termes de l'article R. 214-109 du même code : " Constitue un obstacle à la continuité écologique, au sens du 1° du I de l'article L. 214-17 et de l'article R. 214-1, l'ouvrage entrant dans l'un des cas suivants : / 1° Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ; / 2° Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ; / 3° Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ; / 4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques. ".
15. La requérante ne saurait utilement se prévaloir du classement sur la liste établie conformément au 1° sus rappelé de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, de la rivière l'Arize à l'encontre de l'arrêté préfectoral contesté, lequel ne constitue pas, ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 8 , une " autorisation ou concession pour la construction de nouveaux ouvrages ".
16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 214-18 du code de l'environnement : " I.-Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. /Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur ".
17. Il résulte de l'instruction que l'arrêté attaqué a fixé en son article 7 le débit minimal de l'ouvrage et a prescrit en son article 9 des mesures de sauvegarde permettant notamment la conservation, la reproduction et la circulation des poissons.
18. Pour contester le débit réservé imposé à l'exploitant, la requérante soutient que le débit restitué à l'aval limité initialement au 10ème du module soit 420l/s et révisé à 470l/s est insuffisant. Il résulte toutefois de l'instruction que postérieurement à l'avis défavorable rendu par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) le 15 avril 2013, le service en charge de l'hydrologie de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement a procédé à des vérifications qui ont permis de porter le débit réservé à 470 l/s. En se bornant à reprendre à son compte les termes de l'avis intermédiaire de l'ONEMA et en produisant le " guide des passes à poissons " l'association requérante n'apporte pas d'éléments permettant d'estimer que la révision à la hausse du débit réservé ne permettrait pas dans des conditions convenables le franchissement de l'ouvrage par les poissons malgré la présence d'un " gué " dans le tronçon court-circuité, et d'assurer la continuité écologique du cours d'eau telle qu'elle est protégée par les dispositions précitées alors qu'au demeurant, le projet prévoit la création de dispositifs de montaison et de dévalaison associés à l'ouvrage qui en est dépourvu.
19. L'association requérante soutient que le dispositif de montaison tel que fixé à l'article 9, à savoir, au seuil de la prise d'eau, une passe à bassins successifs en rive droite, est insuffisant pour les besoins des poissons migrateurs. Il résulte de l'instruction que l'ONEMA a émis l'avis que " le positionnement de la première échancrure amont de ce dispositif est inadéquate en raison de la présence d'un virage en amont, et que la forme du quatrième bassin, de retournement à 180°, n'est pas satisfaisante et doit être revue ". Le bien-fondé de ces considérations n'est pas contesté.
20. En outre, s'agissant d'une passe à poissons ciblant essentiellement les cyprinidés, l'ONEMA indique dans son avis, dont se prévaut la requérante, que les hauteurs de chute ne doivent pas dépasser 0,25 m.A..., le dossier d'information prévoit que le type de dispositif retenu est la passe à bassins successifs, à jet de surface, avec des chutes d'environ 30 cm pour la truite et les cyprinidés d'eau vive. Si la hauteur de chute est dimensionnée conformément aux prescriptions du guide édité par l'ONEMA, " Passes à poissons-Expertise et conception des ouvrages de franchissement ", elle ne correspond pas à la hauteur de chute préconisée en l'espèce par l'ONEMA dans son avis rendu le 15 avril 2013 et il n'est fait état en défense d'aucun élément permettant de douter de la pertinence de cette préconisation pour assurer la circulation des poissons dans des conditions permettant le respect de la continuité écologique du cours d'eau.
21. Dans ces conditions, l'association Le Chabot est fondée à soutenir que le dispositif de montaison des poissons migrateurs prévu par les dispositions de l'article 9 de l'arrêté est insuffisant. Les prescriptions de l'article 9 relatives à la montaison doivent dès lors être annulées.
22. L'association Le Chabot critique également en se fondant sur ce même avis de l'ONEMA, le dispositif de dévalaison. Il ne résulte toutefois ni de cet avis, qui se borne s'agissant du dispositif de dévalaison, à émettre des hypothèses en l'absence de données sur les caractéristiques de la turbine, ni d'aucun autre élément de l'instruction, que le dispositif implanté qui prévoit la construction de deux exutoires, l'un constitué par le chenal d'entrée hydraulique, et l'autre en partie supérieure rive droite du plan de grille, s'avèrerait insuffisant. Dès lors qu'en outre, par ce même arrêté, le préfet précise les mesures de contrôle qui permettront de garantir l'absence d'atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la protection d'espèces particulières requerrait des mesures spécifiques pour la dévalaison qui n'auraient pas été prescrites.
23. Il résulte de tout ce qui précède que l'association de protection des rivières ariégeoises est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 9 de l'arrêté en tant qu'il concerne le dispositif de montaison.
Sur les conséquences à tirer de l'annulation prononcée :
24. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement créé par l'article 1er de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ". Selon l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance (...) avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont (...) contestées (...) ".
25. L'illégalité constatée en l'espèce, mentionnée aux points 19 et 20 du présent arrêt, n'affecte qu'une partie de l'autorisation d'exploiter délivrée par l'arrêté préfectoral du 6 décembre 2013. En conséquence, et en application des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, applicables à l'espèce conformément aux dispositions précitées de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, il y a lieu d'annuler l'article 9 de l'arrêté dans la partie du a) relative à la montaison, et de demander au préfet de l'Ariège de reprendre l'instruction sur cette partie et d'édicter, dans un délai maximum de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de nouvelles prescriptions concernant ce dispositif.
26. Aux termes du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " En cas d'annulation (...) affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. ". Il résulte de l'instruction, en l'espèce, que l'arrêté litigieux emporte, pour le moulin des Salenques, des conditions d'exploitations qui portent une moindre atteinte à l'environnement, et notamment à la continuité écologique, que la situation de déshérence préexistante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a donc pas lieu de faire usage de la faculté prévue par les dispositions précitées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association de protection des rivières ariégeoises, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la société Pro-Elec demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à l'association de protection des rivières ariégeoises sur le fondement de cet article.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 6 décembre 2013 pris par le préfet de l'Ariège est annulé en tant qu'il prévoit à l'article 9, " dispositif de montaison : au seuil de la prise d'eau, une passe à bassins successifs en rive droite ".
Article 2 : Il est demandé au préfet de l'Ariège de reprendre l'instruction sur la prescription relative à " la montaison " et d'édicter, dans un délai maximum de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de nouvelles prescriptions concernant l'ouvrage de montaison.
Article 3 : Le jugement n° 1405888 du 24 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à l'association de protection des rivières ariégeoises en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association de protection des rivières ariégeoises est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par la société Pro-Elec sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de protection des rivières ariégeoises Le Chabot, au préfet de l'Ariège, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Pro-Elec.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck premier conseiller
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
Le rapporteur,
Florence MadelaigueLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 16BX031102