Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1400254 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2016, M. et MmeD..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 à concurrence de la somme de 17 153 euros en droits et 2 109 euros en pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en communiquant un mémoire de l'administration produit après la clôture de l'instruction, sans avoir reporté la date d'audience, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; elle ne comporte aucune indication du lieu d'implantation outre-mer des investissements réalisés, aucune identification de l'immeuble, aucune mention de sa date d'achèvement ni de sa mise en location ;
- les documents produits permettent de justifier qu'à la date d'achèvement déclaré, le 4 mars 2011, les logements construits n'étaient pas raccordés au réseau électrique ; l'alimentation en électricité a été acquise le 7 juin 2011, date d'acceptation de la proposition de raccordement d'EDF le 3 mai 2011 ; dans ces conditions, conformément à la jurisprudence et à la doctrine administrative, le délai de six mois pour la mise en location des logements était respecté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- si les logements ne pouvaient être regardés comme achevés avant le 7 juin 2011, date de la souscription auprès d'EDF des deux contrats référencés 209130 et 209132, suivant les attestations d'EDF en date du 12 juillet 2016, seul le bail du 22 novembre 2011 remplit la condition de location dans les six mois suivant l'achèvement du logement, ce qui justifie l'abandon du rehaussement opéré au titre de cet investissement ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'un investissement outre-mer, M. et Mme D...ont fait édifier deux appartements situés quartier La Nau à Saint-Esprit (Martinique) et ont revendiqué à raison de ces immeubles le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies A du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier de leur foyer fiscal en 2012, le service a remis en cause les réductions d'impôt relatives à ces investissements locatifs, pratiquées au titre des années 2010 et 2011, au motif qu'ils ne pouvaient bénéficier de cette réduction, faute d'avoir loué les biens dans le délai de six mois prévu par cet article. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de la seule année 2011. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 7 mars 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'économie et des finances a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence de la somme de 13 738 euros, de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme D...ont été assujettis au titre de l'année 2011. L'administration admet en effet désormais la réduction d'impôt relative à l'investissement locatif outre-mer dans le secteur du logement prévu à l'article 199 undecies A du code général des impôts, pratiquée au titre de l'année 2011, à raison d'un appartement dont elle considère que le bail signé le 22 novembre 2011 remplit la condition de location dans les six mois suivant l'achèvement du logement. Par suite, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux.". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne.". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. ". Aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. ".
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il décide de verser au contradictoire après la clôture de l'instruction un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient dans tous les cas de clore l'instruction ainsi rouverte et, le cas échéant, de fixer une nouvelle date d'audience.
5. Il ressort des pièces du dossier de la procédure suivie devant les premiers juges que le greffe du tribunal administratif a avisé les parties par lettre du 11 avril 2016 que l'audience était fixée au 28 avril 2016. En l'absence d'ordonnance de clôture de l'instruction, cette clôture intervenait trois jours francs avant la date de l'audience, conformément à l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Postérieurement à cette clôture, le 25 avril 2016, l'administration a produit un mémoire en réplique, qui a été sans délai communiqué à M. et MmeD.... Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction et que, par suite, en s'abstenant de clore à nouveau l'instruction et le cas échéant de fixer une nouvelle date d'audience, le tribunal administratif a statué dans des conditions irrégulières. M. et Mme D...sont ainsi fondés, pour ce motif, à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il statue sur les impositions restant en litige.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de la Martinique tendant à la décharge des impositions restant en litige.
En ce qui concerne les conclusions en décharge des impositions restant en litige :
7. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une notification de redressement, pour être régulière, doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
8. La proposition de rectification en date du 14 novembre 2012 mentionne la nature et le montant des rectifications à savoir la reprise à concurrence de 16 303 euros pour l'année 2011 de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies A du code général des impôts ainsi que les éléments de droit et de fait qui les fondent à savoir le non-respect de l'engagement de mettre les logements en location dans les six mois de l'achèvement des travaux. L'ensemble de ces mentions est suffisamment précis au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales alors même que la proposition de rectification ne mentionnait pas le lieu d'implantation des investissements réalisés, ni leur date d'achèvement ou de mises en location, éléments nécessairement connus des contribuables. Par suite, ladite proposition de rectification comporte suffisamment de précisions quant à l'origine et au mode de détermination des rappels en cause et permettait donc aux requérants, contrairement à ce qu'ils soutiennent, de formuler leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait le 7 décembre 2012.
9. Aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer (...) / 2. La réduction d'impôt s'applique : / (...) b) Au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements, territoires ou collectivités visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement de louer nu dans les six mois de l'achèvement ou de l'acquisition si elle est postérieure pendant cinq ans au moins à des personnes, autres que son conjoint ou un membre de son foyer fiscal, qui en font leur habitation principale (...). 7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6 (...) la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités (...) ". Il résulte de ces dispositions, qui ont pour objet de favoriser l'investissement locatif outre-mer afin de compenser le déficit de biens offerts à la location dans ces territoires, que la condition de mise en location doit s'apprécier à la date de prise d'effet du bail et non à la date de sa signature.
10. L'administration admet au vu des pièces produites en appel que les immeubles des requérants ne pouvaient être regardés comme achevés avant le 7 juin 2011, date de la souscription auprès d'EDF des deux contrats référencés 209130 et 209132. Toutefois, si l'administration a admis, pour l'un des deux logements, que le bail signé le 22 novembre 2011 remplissait la condition de location dans les six mois suivant l'achèvement du logement, il résulte des propres indications des requérants que, s'agissant de l'autre logement, le bail signé le 31 octobre 2011 n'a pas pris effet, du fait de la renonciation soudaine de la locataire dès le lendemain et que le nouveau contrat de bail signé le 23 mai 2012 avec une date de prise d'effet fixée au 1er juin 2012 a pris effet plus de six mois après l'achèvement des travaux intervenu le 7 juin 2011. Le délai de six mois prévu par les dispositions du b) de l'article 199 undecies A du code général des impôts n'ayant pas été respecté, l'administration fiscale était fondée, nonobstant les diligences accomplies par le propriétaire, à refuser à M. et Mme D...le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 2011.
11. M. et Mme D...ne peuvent utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de la réponse ministérielle à M.A..., député, publiée au Journal officiel du 13 octobre 1997 sous le n° 1125, p. 3431, ni du paragraphe 550 du document du 21 mai 2015 référencé sous BOI-RFPI-SPEC-20-20-20, lesquelles ne concernent pas l'article 199 undecies A du code général des impôts.
12. M. et Mme D...invoquent sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice du paragraphe n° 10 de l'instruction du 12 septembre 2012 référencée BOI-IR-RICI-80-40 aux termes duquel : " En cas de vacance du logement destiné à la location, le propriétaire doit établir qu'elle n'est pas de son fait en montrant qu'il a accompli les diligences concrètes (insertion d'annonces, recours à une agence immobilière) et que les conditions mises à la location ne sont pas dissuasives ". Toutefois, il résulte des énonciations de cette instruction que la prise en compte, par mesure de tolérance, des diligences effectuées par le propriétaire, est réservée aux seuls cas de rupture de continuité de la location et ne concerne pas la première location dans les six mois suivant l'achèvement du logement. La situation des requérants n'entre donc en tout état de cause pas dans le champ des prévisions de cette doctrine.
13. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils restent assujettis au titre de l'année 2011.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme D...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. et Mme D...à concurrence du montant de 13 738 euros dégrevé par une décision du 7 mars 2017.
Article 2 : Le jugement n° 1400254 du 12 mai 2016 du tribunal administratif de la Martinique est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions autres que celles visées à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme D...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme D...autres que celles visées à l'article 1er ci-dessus présentées devant le tribunal administratif et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
Article 5 : La demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de la Martinique en tant qu'elle porte sur les impositions restant en litige et le surplus des conclusions de leur requête devant la cour sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...D...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, rapporteur,
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
Le rapporteur,
Florence MadelaigueLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02816