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20/11/2018 | FRANCE | N°16BX02119

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 16BX02119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Galerie Boisneuf a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2013 par lequel le préfet de la Guadeloupe a déclaré cessibles au profit de la SEMAG les parcelles comprises dans le périmètre de l'opération de résorption de l'habitat insalubre des secteurs des cours Capou-Montella-Charneau-Ferrand sur le territoire de la commune des Abymes et notamment la parcelle de terrain lui appartenant, cadastrée CY n° 44.

Par un jugement

n° 1400048,1400063, 1400067 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de la Guade...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Galerie Boisneuf a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2013 par lequel le préfet de la Guadeloupe a déclaré cessibles au profit de la SEMAG les parcelles comprises dans le périmètre de l'opération de résorption de l'habitat insalubre des secteurs des cours Capou-Montella-Charneau-Ferrand sur le territoire de la commune des Abymes et notamment la parcelle de terrain lui appartenant, cadastrée CY n° 44.

Par un jugement n° 1400048,1400063, 1400067 du 28 avril 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 28 juin 2016 et le 26 décembre 2017, la société civile immobilière Galerie Boisneuf, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 28 avril 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 juillet 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée ;

Elle soutient, au fond, que :

- le secrétaire général, auteur de la décision contestée, ne pouvait la signer faute d'être titulaire d'une délégation recouvrant ce type de décisions ;

- l'avis d'enquête publique n'a pas fait l'objet des publicités régulières prévues par l'article R. 11-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; le faible nombre d'observations recueillies au cours de l'enquête publique confirme l'insuffisance de la publicité réalisée ;

- le commissaire-enquêteur n'a donné son avis ni sur l'emprise des ouvrages ni sur le périmètre des acquisitions des immeubles, contrairement à l'article R. 11-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit car il ne relève d'aucun des cas pour lesquels l'article 13 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 autorise la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation ; en particulier, l'immeuble présent sur la parcelle CY n° 44 est à usage commercial et présente un état satisfaisant ;

- il existe une discordance entre le projet déclaré d'utilité publique et l'arrêté de cessibilité en litige ; en effet, l'inclusion de la parcelle CY n° 44 n'est pas nécessaire pour la réalisation du projet ;

- l'opération en cause ne présente pas un caractère d'utilité publique ; en tout état de cause, l'insalubrité invoquée par l'administration n'est pas avérée.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 14 septembre 2016 et le 28 mars 2018, la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG), représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- le secrétaire général de la préfecture bénéficiait d'une délégation de signature, consentie par arrêté préfectoral du 14 février 2013, à l'effet de prendre la décision contestée ;

- l'avis d'enquête publique a fait l'objet des mesures de publicité prévues à l'article R. 11-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- l'avis du commissaire-enquêteur est complet ;

- le moyen tiré de l'erreur dans la qualification juridique des faits soulevé au visa de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 a été présenté après l'expiration du délai de recours contentieux ; en tout état de cause, l'immeuble de la requérante est partiellement à usage d'habitation et entre ainsi dans le champ d'application de la loi du 10 juillet 1970 ;

- la parcelle de la société requérante est située dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique du 30 mai 2013 ; la requérante n'apporte aucun élément remettant en cause l'utilité publique du projet telle que l'a reconnue le tribunal dans sa décision ; l'article L. 511-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit qu'à titre exceptionnel des immeubles, qui ne sont pas insalubres ou impropres à l'habitation, peuvent faire l'objet d'une expropriation et être inclus dans le périmètre de l'opération de résorption de l'habitat insalubre si cela est indispensable à la démolition d'autres immeubles qualifiés d'insalubres ou menaçant ruine ; le projet a été envisagé dans la globalité des espaces à réaménager ; l'immeuble de la société Galerie Boisneuf est édifié sur la parcelle CY n° 44 qui fait partie du périmètre du projet ; exclure l'immeuble du périmètre de l'opération aurait porté atteinte au projet d'aménagement global envisagé ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2017 et le 1er mars 2018, le ministre des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- le secrétaire général de la préfecture bénéficiait d'une délégation de signature, consentie par arrêté préfectoral du 14 février 2013, à l'effet de prendre la décision contestée ;

- l'avis d'enquête publique a fait l'objet des mesures de publicité prévues à l'article R. 11-20 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- l'avis du commissaire-enquêteur est complet ;

- le moyen tiré de l'erreur dans la qualification juridique des faits, soulevé au visa de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970, a été présenté après l'expiration du délai de recours contentieux ; en tout état de cause, l'immeuble présent sur la parcelle CY n° 44 est partiellement à usage d'habitation ; son expropriation est nécessaire à la mise en oeuvre cohérente du projet de résorption de l'habitat précaire dans le secteur ; ainsi, le champ d'application de la loi du 10 juillet 1970 n'a pas été méconnu ;

- la parcelle de la société requérante est située dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique du 30 mai 2013 ; le taux d'insalubrité des logements situés dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique du 30 mai 2013 est de 81 % ; l'utilité publique du projet consiste à résorber l'habitat précaire dans un secteur marqué par une augmentation de la population.

Par ordonnance du 29 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 29 juin 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville , rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SCI Galerie Boisneuf.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 février 2000, le préfet de la région Guadeloupe a classé en zone insalubre les quartiers de Capou-Ferrand et de Charneau-Montella situés sur le territoire de la commune des Abymes. Le secteur concerné a fait l'objet d'une concession d'aménagement que la commune des Abymes a confiée à la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe (SEMAG). Le 10 septembre 2009, le conseil municipal des Abymes a pris une délibération demandant au préfet de mettre en oeuvre une procédure de déclaration d'utilité publique afin de permettre l'acquisition par le concessionnaire, au besoin par voie d'expropriation, des immeubles situés dans le périmètre d'insalubrité. Après une enquête publique qui s'est déroulée du 10 décembre 2012 au 10 janvier 2013, le préfet a pris, le 30 mai 2013, un arrêté déclarant l'utilité publique de l'opération de résorption de l'habitat insalubre (RHI) des secteurs Capou-Montella-Charneau-Ferrand. Enfin, par un arrêté du 4 juillet 2013, le préfet a déclaré cessibles au profit de la SEMAG les parcelles nécessaires à la réalisation du projet de RHI dont la parcelle cadastrée section CY n° 44, d'une superficie de 144 m2, appartenant à la société Galerie Boisneuf. La société Galerie Boisneuf relève appel du jugement rendu le 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2013 en tant qu'il a déclaré cessible sa parcelle.

2. A l'appui de sa contestation de l'arrêté de cessibilité du 4 juillet 2013, la société Galerie Boisneuf excipe de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique édictée le 30 mai 2013.

3. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

4. Il ressort des pièces du dossier que le taux d'insalubrité de l'habitat du secteur " Capou-Montella-Charneau-Ferrand ", lequel s'étend sur 16 hectares, est de 81 %. Le projet de résorption de l'habitat insalubre (RHI) déclaré d'utilité publique prévoit la démolition des habitations insalubres et leur remplacement par des logements répondant aux normes d'hygiène, sanitaires et de sécurité en vigueur, la création de commerces et de nouvelles voies de circulation destinées à permettre le désenclavement du secteur, le renforcement et l'adaptation des réseaux d'équipements publics. La finalité du projet consiste donc à supprimer l'insalubrité qui frappe le secteur considéré et à construire un nouveau quartier offrant à la population des conditions de vie améliorées en termes d'habitats et d'activités économiques. Un tel projet poursuit, par-là même, un intérêt public.

5. En revanche, il ressort des pièces du dossier que l'immeuble de la requérante dont l'acquisition a été déclarée d'utilité publique abrite des locaux à usage commercial et d'habitation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet immeuble était, à la date de la décision attaquée, insalubre alors qu'au demeurant, un constat d'huissier dressé sur place en juillet 2016 établit que son état est satisfaisant. En se bornant à soutenir, sans assortir leur argumentation de justifications concrètes, que l'expropriation de cet immeuble est nécessaire à la mise en oeuvre cohérente du projet de RHI, les défendeurs n'apportent aucun élément de nature à établir la nécessité de cette expropriation. Et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'opération déclarée d'utilité publique ne pourrait se réaliser dans des conditions équivalentes si l'immeuble de la société requérante n'était pas inclus dans son périmètre de réalisation. Dans ces circonstances, la société Galerie Boisneuf est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 4 juillet 2013 en tant qu'il a déclaré cessible la parcelle CY n° 44.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, la fin de non-recevoir opposée et les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 4 juillet 2013, que le jugement attaqué doit être annulé ainsi que l'arrêté du 4 juillet 2013 en tant qu'il déclare cessible la parcelle cadastrée section CY n° 44.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SEMAG qui n'est pas la partie gagnante à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 1400048, 140063 et 140067 du 28 avril 2016, en tant qu'il rejette la demande de la société Galerie Boisneuf, et l'arrêté du 4 juillet 2013, en tant qu'il a déclaré cessible la parcelle figurant au cadastre à la section CY n° 44, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Galerie Boisneuf la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Galerie Boisneuf, à la société d'économie mixte d'aménagement de la Guadeloupe, au ministre des outre-mer et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02119
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34 Expropriation pour cause d'utilité publique.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Existence.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Régimes spéciaux - Divers régimes spéciaux.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des immeubles.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET JORION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-20;16bx02119 ?
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