Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1400650 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 13 mai 2016 et le 13 septembre 2017, M. et MmeC..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 mars 2016 du tribunal administratif de la Martinique et de prononcer la décharge de l'ensemble des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est viciée dès lors qu'ils n'ont pas été informés, dans la réponse aux observations des contribuables qui leur a été adressée le 10 juillet 2013, de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; cette garantie est notamment rappelée dans l'instruction administrative du 12 septembre 2012 référencée au B01-CF- IOR-10 n° 10 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la procédure de rectification contradictoire conforme aux dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, distincte de la procédure de vérification de comptabilité à laquelle a été soumise l'entreprise individuelle de M. C..., a été retenue pour établir les redressements prononcés à l'encontre de M. et MmeC... ; par suite, la charge de la preuve pèse sur l'administration et non sur les contribuables ;
- l'administration ne précise pas sa position : la réponse aux observations du contribuable du 10 juillet 2013 n'est pas motivée ;
- au fond : s'agissant de la déductibilité des cotisations trimestriels au RSI : des appels de cotisations ont été produits en première instance et les sommes sont déductibles du bénéfice imposable à compter de leur engagement nonobstant le fait qu'elles aient été payées ou non ;
- s'agissant des rémunérations de gérance perçues par M.C... : la qualité de gérant de la société Cablage est connue de l'administration et ces sommes ont été déclarées dans l'imprimé n° 2042 au titre de l'année 2011 ;
- s'agissant de la contestation de la réintégration au bénéfice imposable de sommes correspondant à un remboursement personnel : la somme de 30 421, 65 euros ne constitue pas une recette mais correspond à des remboursements de sommes prêtées en 2010 par Mme C... à la société dont elle était gérante et qui rencontrait des difficultés ;
- s'agissant de la déductibilité des intérêts d'emprunt : ils justifient de cette déduction et, d'ailleurs leur déductibilité n'a pas été remise en cause lors du contrôle ;
- s'agissant des loyers encaissés : des justificatifs sont produits pour attester de la réalité de ces sommes ;
- enfin, la majoration de 40 % qui leur a été appliquée en application de l'article 1728-1 du code général des impôts n'est pas fondée.
Par des mémoires et pièces enregistrés les 29 novembre 2016, 15 et 22 mai 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut au non-lieu à statuer à concurrence d'une somme de 2 242 euros, et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que :
- une décision de dégrèvement partiel en date du 14 juin 2018, à hauteur de la somme de 2 242 euros, est intervenue de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer à hauteur de cette somme ; un autre dégrèvement est intervenu le 16 novembre 2016 : seule l'année 2011 reste en litige ;
- en outre, les conclusions de la requête d'appel sont irrecevables, par application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, en ce qu'elles dépassent les sommes de 4 775 euros au titre de l'année 2010 et 27 018 euros au titre de l'année 2011, soit un total de 31 793 euros, figurant dans la réclamation du 2 avril 2014 ;
- pour le surplus : aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 7 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 18 juin 2018, à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvande Perdu,
- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de l'entreprise de travaux d'installation électrique de M. C...portant sur les années 2010 et 2011, l'administration fiscale a opéré des rectifications procédant de l'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux. M. et Mme C...ont également fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration leur a adressé le 18 juillet 2013 une proposition de rectification qui, d'une part, tire les conséquences du contrôle effectué dans l'entreprise de M. C... et, d'autre part, opère diverses rectifications sur le revenu imposable du foyer fiscal de ces derniers selon la procédure contradictoire. Après avoir partiellement obtenu gain de cause auprès de l'administration, M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de la Martinique la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant à leur charge et, par un jugement du 10 mars 2016, le tribunal a rejeté leurs demandes. M. et Mme C... interjettent appel de ce jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. Par des décisions du 16 novembre 2016 et du 14 juin 2018, postérieures à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé des dégrèvements en droits et pénalités, à concurrence des sommes de 8 741 euros et 2 242 euros. Par suite, les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, applicable en matière de procédure de rectification contradictoire : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) " et aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial (...) ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales (...) lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office (...) n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle Monlouis-Bonnaire (Joël), aucun document comptable n'a été présenté. Si l'entreprise du requérant avait souscrit, hors délai, une déclaration de revenus modèle n° 2042, elle n'avait déposé ni déclarations fiscales de bénéfices industriels modèle n° 2031 ni déclaration de TVA alors que, compte tenu de ses résultats, elle ne pouvait pas se placer sous le régime de la franchise et relevait du régime réel simplifié pour ses BIC. Dans ces conditions, et après mise en demeure, l'administration fiscale a régulièrement évalué d'office le chiffre d'affaires imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux, en application des articles L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales.
6. Le recours à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est exclu en cas de mise en oeuvre d'une procédure d'imposition d'office autre que celle prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de que M. C...n'a pas été informé de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires doit être écarté, sur le terrain de la loi fiscale comme sur celui de la doctrine qui ne peut en tout état de cause être invoquée s'agissant d'une question de procédure fiscale.
7. Ainsi qu'il a été dit, le bénéfice industriel et commercial a été évalué d'office. M. C... a présenté le 20 juin 2013 des observations mentionnées comme portant sur la proposition de rectification du 14 mai 2013 concernant exclusivement les BIC de son entreprise évalués d'office. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse aux observations du contribuable du 10 juillet 2013 est inopérant, y compris en ce qu'il porte sur éléments du revenu imposable des requérants opérées selon la procédure contradictoire qui n'ont pas fait l'objet de cette proposition de rectification mais d'une proposition de rectification du 18 juillet 2013. Par ailleurs, la réponse du 10 octobre 2013 aux observations des requérants sur cette seconde proposition de rectification est quant à elle suffisamment motivée.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions restant en litige :
S'agissant de la détermination du bénéfice industriel et commercial réalisé par l'entreprise individuelle de M.C... :
8. Il résulte de l'instruction que l'administration a finalement accepté de faire droit à la demande des contribuables tendant à la prise en compte de certaines charges supportées par l'entreprise de M.C..., dont les cotisations versées par M. C...au régime social des indépendants et la part de CSG déductible, ainsi qu'à leur demande tendant à ce que soient déduits du bénéfice imposable de l'entreprise certains revenus, dont les revenus fonciers versés par la société Bokit Salad. Il en est résulté les dégrèvements partiels mentionnés au point 2 ci-dessus.
9. L'administration fiscale ayant eu recours à la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales pour déterminer le bénéfice industriel et commercial de l'entreprise individuelle de M.C..., il en résulte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, qu'il incombe aux requérants de rapporter la preuve de l'exagération des rectifications des BIC qui demeurent.en litige
10. Il résulte de l'instruction qu'en l'absence de documents comptables et de déclarations modèle n° 2031 pour les années 2010 et 2011 en litige, l'administration, pour déterminer le chiffre d'affaires taxable de l'entreprise individuelle de M.C..., a tenu compte des crédits figurant sur les comptes bancaires mixtes appartenant aux contribuables, et a tiré les conséquences des importantes discordances constatées entre ces crédits et les éléments déclarés par les contribuables dans leurs déclarations de revenus modèle n° 2042.
11. Les appelants ne justifient pas que des crédits bancaires regardés comme les recettes de l'entreprise correspondraient à des rémunérations de gérance perçues de la SARL Cablage qui auraient été déclarés sur la déclaration des revenus du foyer fiscal pour 2011. Ils ne justifient pas non plus de remboursements par la société SET de sommes prétendument prêtées à cette dernière par MmeC..., sa gérante, en 2010.
S'agissant du crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt :
12. Les appelants, par les documents qu'ils ont produits à la demande de l'administration, ne justifient pas que les intérêts d'emprunt portés sur leurs déclarations de revenus des années 2010 et 2011 sont relatifs à un prêt contracté pour l'acquisition du logement affecté à leur habitation principale et seraient ainsi éligibles au crédit d'impôt prévu à l'article 200 quaterdecies du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) ".
14. Il est constant que M.C..., qui ne peut utilement se prévaloir de sa bonne foi, n'a pas déposé ses déclarations de bénéfice industriel et commercial modèle 2031 au titre des années 2010 et 2011 dans le délai de trente jours suivant réception de la mise en demeure, le 23 janvier 2013. C'est donc à bon droit que l'administration a fait application de la majoration prévue par l'article 1728 précité, ainsi qu'elle le motive dans la proposition de rectification du 18 juillet 2013.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande en tant qu'elle porte sur les rectifications encore en litige devant la cour.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme C...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. et Mme C...à concurrence des montants dégrevés par les décisions des 16 novembre 2016 et 14 juin 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. et Mme C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
Philippe Pouzoulet, président,
Marianne Pouget, président-assesseur,
Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 novembre 2018.
Le rapporteur,
Sylvande Perdu
Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01635