La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2018 | FRANCE | N°16BX03511

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2018, 16BX03511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 avril 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1403038 du 7 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 17 avril 2014 du directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2016, le centre hospitalier universi

taire de Toulouse, représenté par MeI..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 avril 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1403038 du 7 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 17 avril 2014 du directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 novembre 2016, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par MeI..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 septembre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal s'est fondé à tort sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée pour prononcer l'annulation de cette décision ; le directeur du pôle ressources humaines était compétent pour signer cette décision en vertu de la délégation dont il bénéficiait en application du point 1.1 de l'article 1er de l'arrêté du 12 avril 2013 ; c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'absence de mention des décisions à caractère disciplinaire parmi les actes énumérés au point 1.4 de l'article 1er dudit arrêté, qui concerne exclusivement la gestion des agents du département des ressources humaines ;

- la matérialité des faits reprochés, à savoir l'agression verbale de MmeH..., cadre de santé et la contribution de M. C...à la détérioration de matériel informatique, est établie ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2017, M.C..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne résulte d'aucune des dispositions de l'arrêté de délégation du 12 avril 2013 que le directeur du Pôle ressources humaines aurait reçu délégation de signature en matière disciplinaire ;

- l'agression verbale dont il serait l'auteur n'est pas établie par les pièces ; les propos qu'il aurait tenus ne sauraient constituer des violences verbales justifiant l'infliction d'une sanction disciplinaire ; les faits reprochés d'intimidation ne sont pas établis ; il n'a par ailleurs pas contribué à détériorer du matériel informatique, cette détérioration ayant pour seule cause la mauvaise manoeuvre de Mme H...;

- la sanction attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir ; l'administration a cherché à discréditer le mouvement de grève des agents.

Par une ordonnance du 8 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 décembre 2017 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 17 avril 2014, le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse a infligé un blâme à M.C..., aide-soignant titulaire qui était alors affecté au service du transport pédestre de l'hôpital Purpan. Le centre hospitalier universitaire de Toulouse fait appel du jugement n° 1403038 du 7 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 82 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " L'autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre 1er du statut général. ". L'article D. 6143-33 du code de la santé publique dispose : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. . L'article D. 6143-34 du même code précise que : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 6146-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'accomplissement de leurs missions, les établissements publics de santé définissent librement leur organisation interne, sous réserve des dispositions du présent chapitre./Le directeur définit l'organisation de l'établissement en pôles d'activité conformément au projet médical d'établissement (...) Les pôles d'activité peuvent comporter des structures internes de prise en charge du malade par les équipes médicales, soignantes ou médico-techniques ainsi que les structures médico-techniques qui leur sont associées. (...). ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée par M.D..., directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Toulouse. Par un arrêté du 12 avril 2013, M.F..., directeur général du centre hospitalier, lui a donné délégation à l'effet de signer, en vertu du point 1.1 de l'article 1er de cet arrêté, " tous contrats, décisions, conventions ou autres documents, relatifs à la gestion du pôle Ressources humaines ", et en vertu du point 1.4 de cet article, " les actes de gestion du département des ressources humaines suivants : tout acte, décision portant affectation au sein du Pôle Ressources Humaines / tout acte, décision concernant la gestion du présentéisme / tout acte ou décision d'autorisation d'absence sans prise en charge, à l'exception des autorisations d'absence pour motif syndical / tout acte ou décision d'assignations nécessaires pour assurer la continuité du service dans le respect du droit de grève / tout acte ou décision d'attribution ou de renouvellement d'autorisation de travail à temps partiel /tout acte ou décision relatif à la notation et à l'évaluation / tout acte ou décision relatif aux congés annuels, RTT, et autres absences autorisées / tout acte ou décision relatif au renouvellement des contrats à durée déterminée des agents affectés sur des emplois permanents /toute attestation employeur concernant les COD, les Contrats Uniques d'Insertion (CUl), les Contrats d'Avenir. ".

5. Pour annuler la décision litigieuse, le tribunal a relevé que les décisions à caractère disciplinaire n'étaient pas mentionnées parmi les actes cités au point 1.4 de l'article 1er de l'arrêté de délégation du 12 avril 2013. Toutefois, et ainsi que le fait valoir en appel le centre hospitalier universitaire de Toulouse, les dispositions précitées dudit point 1.4 ne concernent que les actes de gestion du département des ressources humaines, lequel constitue une structure interne au Pôle ressources humaines. Or, M. D...bénéficiait par ailleurs, en vertu des dispositions précitées du point 1.1 de l'article 1er dudit arrêté, d'une délégation à l'effet de signer l'ensemble des décisions prises en matière de " gestion du Pôle ressources humaines ". En vertu de ces dispositions combinées, suffisamment précises, il était compétent pour signer, notamment, les mesures à caractère disciplinaire concernant les agents affectés au sein du centre hospitalier universitaire de Toulouse ne relevant pas du département des ressources humaines du Pole ressources humaines de cet établissement. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision attaquée, le tribunal administratif s'est fondé sur l'incompétence de son signataire.

6. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.C....

7. Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : L'avertissement, le blâme ; (...) Parmi les sanctions du premier groupe, seul le blâme est inscrit au dossier du fonctionnaire. Il est effacé automatiquement du dossier au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période. (...) ".

8. La décision querellée portant infliction d'un blâme à l'intéressé est fondée sur la circonstance que "le 16 octobre 2013, lors du déménagement des services de psychiatrie, M. C... qui faisait partie d'un piquet de grève, a tenté d'intimider, en agressant verbalement et en s'interposant physiquement, un cadre de santé et une aide-soignante qui procédaient au déménagement du matériel. Ce comportement par lequel il s'est opposé au travail de ces deux agents, a contribué à la détérioration du matériel informatique ". M. C...fait valoir que cette décision repose sur des erreurs de fait.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'en octobre 2013, dans le cadre d'un mouvement de contestation d'une décision de réorganisation des services du centre hospitalier universitaire de Toulouse impliquant le déménagement du service de psychiatrie adulte, M. C...ainsi que d'autres agents ont participé à un piquet de grève, dont les modalités avaient été fixées en concertation avec la direction du centre hospitalier, situé devant l'entrée du site accueillant jusqu'alors ledit service et consistant à empêcher le passage des matériels autres que médicaux. Le 16 octobre 2013, MmeH..., cadre de santé, et MmeB..., aide-soignante, qui participaient aux opérations de déménagement, ont été bloquées par les agents en grève qui leur ont refusé le passage du matériel informatique qu'elles transportaient sur un chariot. Mme H...a indiqué, dans la plainte qu'elle a déposée le 17 octobre 2013, que les agents participant au piquet de grève s'étaient montrés " menaçants " et " agressifs verbalement ", qu'elle avait été poussée " sans violence " par un individu afin de lui faire lâcher le chariot, qu'un autre individu l'avait apostrophée en lui disant " si vous avez une charge de famille, je plains votre enfant ", et que " sous le coup de l'émotion " le chariot qu'elle transportait, dont une roue s'était coincée dans une ornière, avait basculé, entrainant la chute du matériel informatique. Par une attestation du 15 janvier 2014, elle a affirmé avoir identifié, sur la base d'une photographie, M. C...comme étant le " leader " du piquet de grève qui l'avait " agressée verbalement " le 16 octobre 2013. Par une attestation du même jour, Mme B...a également affirmé avoir identifié M. C...comme étant " la personne leader " du piquet de grève.

10. Il ressort cependant de cinq attestations concordantes rédigées par des agents du centre hospitalier ayant assisté à cette altercation que, si les agents grévistes se sont effectivement physiquement opposés au passage du chariot transporté par Mmes H...et B...et qu'un échange verbal tendu s'en est suivi, cet affrontement ne s'est toutefois pas accompagné de contact physique ou de bousculade, et les propos échangés sur un ton querelleur n'ont pas revêtu un caractère injurieux. En outre, l'attestation, mentionnée au point 9, rédigée par MmeB..., ne confirme nullement que M. C...aurait adopté un comportement physique ou verbal agressif à l'égard de MmeH.... La circonstance, non sérieusement démentie, que M. C... aurait indiqué à Mme H..." si vous avez une charge de famille, je plains votre enfant ", ne suffit pas davantage, eu égard au contexte dans lequel ces propos ont été tenus, à caractériser une agression verbale à l'encontre de cette dernière. Il ressort également de ces mêmes pièces ainsi que de la plainte déposée par Mme H...que la chute du matériel informatique disposé sur le chariot qu'elle transportait a été causé par le basculement de ce chariot, dû à une excavation dans le sol, alors qu'elle se dirigeait vers le bâtiment et se trouvait alors à environ 50 mètres des agents participant au piquet de grève. Dans ces conditions, il n'est pas davantage établi que M. C...aurait contribué à la détérioration de ce matériel informatique. La décision du 17 avril 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse a infligé un blâme à M.C..., en ce qu'elle est fondée sur des faits d'agression verbale et de détérioration de matériel informatique, repose ainsi sur des motifs matériellement inexacts, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur du centre hospitalier aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur ces faits.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.C..., que le centre hospitalier universitaire de Toulouse n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 17 avril 2014 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire de Toulouse lui a infligé un blâme.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.C..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par le centre hospitalier universitaire de Toulouse et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge dudit établissement une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par M.C....

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier universitaire de Toulouse est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse versera à M. C...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03511


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03511
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP DENJEAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-15;16bx03511 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award