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06/11/2018 | FRANCE | N°16BX02334

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 16BX02334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Martinique Patrimoine Immobilier (MPI) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1500110 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 15 juillet 2016, la société Martinique Patrimoine Immobilier, r

eprésentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Martinique Patrimoine Immobilier (MPI) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1500110 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 15 juillet 2016, la société Martinique Patrimoine Immobilier, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 14 avril 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- elle a été privée de tout débat contradictoire durant les opérations de contrôle ;

- l'avis de mise en recouvrement a été notifié irrégulièrement au siège social alors qu'elle avait élu domicile chez son expert-comptable ;

- le délai de reprise est prescrit puisque l'administration avait jusqu'au 31 décembre 2013 pour notifier l'avis de mise en recouvrement au domicile élu par la société ;

- les dettes inscrites au passif sont justifiées et ne sauraient ainsi être regardées comme des distributions : la somme de 35 000 euros créditée le 27 septembre 2007 sur le compte courant d'associé de M. A...correspond à un apport effectué par M. et MmeA... ; aucune distribution ne peut avoir lieu à ce titre puisque l'inscription au passif de cette dette est justifiée dès lors que la réalité de la dette, son montant ainsi que l'identité du créancier sont démontrés ;

- s'agissant de la somme de 38 235,53 euros, les factures ACF ont bien été transmises au service vérificateur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Martinique Patrimoine Immobilier ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue ;

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Martinique Patrimoine Immobilier (MPI) qui exploite une agence immobilière au Diamant (Martinique) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 à l'issue de laquelle des rehaussements lui ont été notifiés le 23 juillet 2010 en matière d''impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant à sa charge à l'issue des dégrèvements accordés par décision d'admission partielle du 15 décembre 2014.

Sur la régularité de la procédure :

En ce qui concerne le respect du débat oral et contradictoire :

2. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

3. Il résulte de l'instruction que les opérations de vérification de la comptabilité de la société MPI se sont déroulées à la demande du gérant, dans les locaux de son expert-comptable, le cabinet SYNAAPS à Ducos. La première intervention s'est déroulée le 23 février 2010, en présence du gérant et de son comptable, le vérificateur s'étant rendu à cinq autres reprises sur place les 4 mars, 11 avril, 19 avril, 29 juin et le 15 juillet 2010, dans les locaux du cabinet SYNAAPS. La société Martinique Patrimoine Immobilier qui a d'ailleurs donné à la société SYNAAPS, le 2 mars 2010, un mandat aux fins de recevoir tout courrier de l'administration fiscale et de répondre à toute demande d'éclaircissement et de justification de sa part, ne justifie pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues et qu'elle aurait été ainsi privée des garanties ayant pour objet d'assurer au contribuable des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur, en se bornant à alléguer qu'elle n'a pas eu communication des demandes verbale et écrite du 8 juin 2010 mentionnées dans la proposition de rectification qui lui a été adressée alors qu'il résulte de l'instruction qu'elle a répondu à la demande du 8 juin 2010 par un courrier du 13 juillet 2010 transmettant d'ailleurs une partie des documents demandés par le vérificateur.

En ce qui concerne la régularité de la notification de l'avis de mise en recouvrement :

4. La société requérante soutient qu'en l'absence d'envoi de l'avis de mise en recouvrement au mandataire qu'elle avait désigné, la procédure est entachée d'irrégularité et que le droit de reprise, interrompu par la notification de la proposition de rectification, était prescrit le 31 décembre 2013.

5. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 256-3 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est rédigé en double exemplaire : a) Le premier, dit "original", est déposé au service compétent de la direction générale des finances publiques ou à la recette des douanes et droits indirects chargé du recouvrement ; b) Le second, dit "ampliation", est destiné à être notifié au redevable ou à son fondé de pouvoir ". Aux termes de l'article R. 256-6 dudit livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent des impôts ou au service des douanes et droits indirects compétent, de "l'ampliation " prévue à l'article R. 256-3 (...) ".

6. Lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l'assister dans ses relations avec l'administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ce mandat n'emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire. En l'espèce, la société MPI a donné un mandat le 2 mars 2010 à la société SYNAAPS pour la " représenter au cours des opérations de contrôle diligentées par 1'administration fiscale à partir de l'avis de vérification du 05/02/2010 (...). En conséquence, recevoir tous courriers de l'administration, répondre à toute demande d'éclaircissement ou de justification de la part de l'administration fiscale, [la] représenter devant l'administration dans l'exercice de son droit de contrôle, recevoir à sa demande expresse le vérificateur dans [ses] propres locaux (...). Répondre, le cas échéant, à toute notification de redressement, produire des observations nécessaires et accepter toute transaction légitime, et généralement, faire le nécessaire ". Ainsi, eu égard à ses termes mêmes, ce mandat, qui ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de procédure, mais seulement les courriers de l'administration " en conséquence " de la représentation de la société " au cours des opérations de contrôle ", ne peut être regardé comme autorisant l'expert-comptable à recevoir l'avis de mise en recouvrement. Le service n'a dès lors pas commis d'irrégularité de procédure en notifiant l'avis de mise en recouvrement du 14 janvier 2011 à la société qui, avisée de la mise à disposition du pli contenant l'avis de mise en recouvrement, devait prendre les mesures nécessaires pour le retirer dans le délai d'instance ou faire suivre son courrier. Le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'avis de mise en recouvrement doit, par suite, être écarté ainsi que, par voie de conséquence, le moyen tiré de la prescription du délai de reprise.

Sur le bien-fondé :

7. En vertu du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ". Il résulte des dispositions combinées de ces deux articles, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées par l'entreprise.

8. A l'occasion de la vérification de comptabilité de la société MPI, le vérificateur a constaté dans la comptabilité de la société l'inscription au compte courant d'associé de M. A..., des crédits de 35 000 euros le 27 septembre 2007 et 38 235,53 euros le 31 décembre 2007, qu'elle a réintégrés dans les résultats imposables de la société sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts.

9. D'une part, si la société requérante soutient que la somme de 35 000 euros inscrite le 27 septembre 2007 au crédit du compte courant d'associé de son gérant constitue un supplément d'apport de l'associé, elle ne soutient pas que l'associé aurait obtenu à concurrence du montant porté au crédit de son compte courant un supplément de droits sociaux et n'allègue pas d'ailleurs que l'associé aurait renoncé à la créance correspondante au cours de l'exercice 2007. Dès lors, la société MPI n'est pas fondée à soutenir que cette somme aurait été constitutive d'un complément d'apport. L'administration était dès lors fondée à constater dans ce crédit une charge injustifiée et à en réintégrer le montant.

10. D'autre part, si la société requérante soutient que la somme de 38 235,53 euros portée en comptabilité le 31 décembre 2007 correspond à une dette envers le fournisseur ACF qui a été soldée par le compte courant de M.A..., elle ne justifie pas plus en appel qu'en première instance que ce dernier a désintéressé le fournisseur ACF en réglant la dette de la société MPI. Elle ne justifie d'ailleurs pas davantage de la réalité de la dette dont elle se prévaut vis-à-vis de ce fournisseur. Dans ces conditions, et alors au surplus que la cession de créance alléguée n'a pas fait l'objet des formalités prescrites à l'article 1690 du code civil, la société n'apporte pas la justification de la dette qu'elle a inscrite au passif de son bilan.

11. Il résulte de ce qui précède que la société MPI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la société MPI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Martinique Patrimoine Immobilier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Martinique Patrimoine Immobilier et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.

Le rapporteur,

Florence MadelaigueLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02334
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité. Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : FRADIN DE BELLABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-06;16bx02334 ?
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