Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge de la pénalité prévue par les articles 1754 V-3 et 1759 du code général des impôts mise à la charge de M. B...en sa qualité de dirigeant de fait de la société Appletown Business Services.
Par un jugement n° 1400559 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2016, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mars 2016 ;
2°) la décharge des pénalités en litige.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que les éléments motivant les redressements n'ont pas été joints avec la proposition de rectification ;
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que M. B...n'était ni le représentant ni le liquidateur de la société Appletown Business Services ;
Il soutient, au fond, que :
- la proposition de rectification est irrégulière car les éléments motivant le redressement, consignés dans un feuillet de 350 pages, n'ont pas été mis à la disposition de la société ;
- il n'est pas établi que M. B...était le représentant de la société Appletown Business Services ; il n'est pas non plus le liquidateur de ladite société ; en application de l'article 1756 du code général des impôts, la pénalité est remise en cas de mise en liquidation de la société ;
- l'administration a eu recours à la procédure de l'article 117 du code général des impôts qui l'autorise à demander à la société l'identité des bénéficiaires des distributions occultes ; cette procédure n'était pas applicable dès lors que l'administration a reconnu que M. et Mme B...étaient les animateurs effectifs et les maîtres de l'affaire ;
- les mentions contenues dans la demande de désignation d'un bénéficiaire étaient erronées et cette erreur ne constitue pas une simple erreur matérielle ; le formalisme qui encadre la procédure de l'article 117 du code général des impôts n'a pas été respecté, de même que l'obligation d'indiquer les conséquences fiscales de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;
- il n'y a pas de charges non comptabilisées dès lors que la reconstitution du chiffre d'affaires et celle du bénéfice aboutissent à une somme où les deux se confondent, le bénéfice reconstitué correspondant à 98 % du chiffre d'affaires ;
- s'agissant des recettes de la société et de leur paiement, celles-ci proviennent des sociétés Gemma Trans et des sociétés Heppner ; lesdites factures n'ont pas été remises en cause, ce qui signifie que la nature des prestations et leur libellé n'ont pas été critiqués par l'administration ;
- l'administration a reconnu que les époux B...étaient les maîtres de 1'affaire, ce qui déterminait la preuve de l'appropriation des sommes réputées distribuées ; pour que le versement des rémunérations ou distributions occultes soit retenu, il convient de démontrer que la société a bien perçu les sommes dont s'agit ; l'administration ne démontre pas que les conditions d'application de l'article 1754 (3 du V) sont réunies ;
- l'administration a, pour déterminer le chiffre d'affaires, prétendu qu'aucune information précise n'a été donnée par la société quant aux modalités selon lesquelles étaient exécutées les prestations de transports facturées à la société Heppner ou la société Gemma Trans au cours de l'exercice en litige alors même que lesdites factures ont été admises en charge au sein desdites sociétés ; ces prestations sont connues et réelles ; elles ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; c'est à tort que le tribunal a jugé que la méthode de reconstitution de l'administration consistant à confondre le chiffre d'affaires avec le bénéfice reconstitué n'était pas de nature à vicier la méthode de reconstitution ni à lui conférer un caractère sommaire.
Par un mémoire en défense, présenté le 27 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la procédure de visite domiciliaire a montré que, sous couvert d'une domiciliation au Royaume-Uni, la société Appletown Business Services a exercé une activité économique habituelle en France, de manière occulte, à partir d'un établissement stable situé à Montévrain, au domicile personnel de M.B... ; aucun moyen d'exploitation de la société au Royaume-Uni n'a été identifié ; les documents saisis au domicile de M. B...démontrent son implication comme représentant de la société, en France ; ils établissent la fonction effective exercée par M. B...en tant que le représentant de la société, habilité à recevoir la proposition de rectification ;
- la liquidation amiable de la société relève du droit britannique ; à aucun stade de la procédure, M. B...n'a informé le service des coordonnées d'un autre liquidateur ; la circonstance que l'administration se soit trompée sur la qualité du destinataire de la proposition de rectification est inopérante dès lors que le pli a bien été présenté et distribué au nom de la société ;
- la proposition de rectification est suffisamment motivée ; la mention erronée de la société Gemma Trans au lieu de la société Appletown Business Services est sans incidence sur la régularité de ladite proposition dès lors qu'il s'agit d'une erreur de plume ; les 82 feuillets annoncés dans la proposition de rectification ont bien été joints et aucune contestation sur ce point n'avait été soulevée par la société dans ses précédentes réclamations ;
- l'administration a mis en oeuvre la procédure de demande de désignation des bénéficiaires de distributions occultes, invitant la société à préciser l'identité et l'adresse, le montant et la date de distributions, dans un délai de trente jours conformément à l'article 117 du code général des impôts ; en l'absence de désignation par la société de bénéficiaires des distributions, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts a été appliquée à bon droit ;
- l'article 109.1-1° du code général des impôts établit une présomption de distribution à l'égard de tous les bénéfices qui ne sont pas investis dans l'entreprise ; la somme de 70 118 euros constitue des bénéfices ou produits désinvestis de la société, et donc des revenus distribués ;
- la méthode suivie par le vérificateur pour reconstituer les bénéfices imposables est pertinente ; le raisonnement du vérificateur n'est pas vicié et ne comporte aucune incohérence et les résultats de la reconstitution ne sont entachés d'aucune exagération.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Appletown Business Services, dont le siège social est à Londres, exerce une activité de transport de marchandises. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 après une série de visites domiciliaires engagées notamment au domicile de M.B..., unique actionnaire de la société. A l'issue de ses opérations de contrôle, l'administration a estimé que la société Appletown Business Services n'exerçait aucune activité réelle au Royaume-Uni mais avait disposé en France d'un établissement stable, au domicile de M.B..., pour son activité de transporteur de marchandises. Après avoir également constaté que cette société n'avait déposé aucune déclaration fiscale en France ni ne s'était fait connaître d'un centre de formalités des entreprises, l'administration a reconstitué son chiffre d'affaires et mis à sa charge, par voie de taxation d'office, des cotisations d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2004. La société Appletown Business Services a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de décharge de ces impositions. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 5 mai 2011 que la cour administrative d'appel a confirmé par un arrêt, devenu définitif, rendu le 16 avril 2013 sous le n° 11BX01664. M. et Mme B...ont enfin saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de décharge de la pénalité infligée à la société, et dont M. B...est solidairement responsable, en application des articles 1754 V-3 et 1759 du code général des impôts. M. B...relève appel du jugement rendu le 17 mars 2016 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, au point 6 de son jugement, le tribunal a répondu au moyen tiré de ce que les feuillets mentionnés dans la proposition de rectification de la société Appletown Business Services n'ont pas été adressés à cette dernière. En particulier, il a précisé que les pièces annexées à la proposition de rectification ont été adressées au contribuable et qu'il appartenait à ce dernier, en cas de doute sur le nombre de pièces jointes, de s'en inquiéter auprès de l'administration fiscale. Par suite, le jugement n'est, en tout état de cause, pas entaché d'une omission à statuer sur un moyen.
3. En second lieu, le tribunal a aussi répondu au moyen tiré de ce que M. B...n'était pas habilité à recevoir la proposition de rectification dès lors que celle-ci était expressément adressée au liquidateur de la société. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant lui, a, en tout état de cause, suffisamment motivé la réponse qu'il a donnée à ce moyen au point 7 de sa décision.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal n'est, en tout état de cause, pas entaché des irrégularités alléguées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés (...) passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent (...) des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ". Aux termes du 3 du V de l'article 1754 dudit code : " Les dirigeants sociaux (...) ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759. ".
6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que la circonstance que l'administration connaisse ou soit susceptible de connaître les bénéficiaires de sommes regardées comme des revenus réputés distribués n'est pas de nature à lui interdire d'inviter la société distributrice à désigner l'identité et l'adresse des bénéficiaires dans le délai légal de trente jours, dans les conditions prévues par l'article 117 du code général des impôts et ne fait pas obstacle à ce qu'elle applique, à défaut de réponse dans ce délai, l'amende prévue par l'article 1759 du même code.
7. Il est constant que la société Appletown Business Services s'est abstenue de répondre, dans le délai légal, à la demande de désignation de bénéficiaires de revenus réputés distribués que lui a adressée l'administration. Dans ces conditions, M. B...ne peut utilement soutenir devant la cour que l'administration connaissait l'identité du bénéficiaire des distributions pour en inférer que la procédure de demande de désignation des bénéficiaires, qui a servi de fondement à l'application de la pénalité litigieuse, était inapplicable.
8. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article 1756 du code général des impôts : " En cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires (...) les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées (...) dus à la date du jugement d'ouverture, sont remis (...) ". Il résulte de l'instruction que la société Appeltown Businees Services a fait l'objet d'une liquidation amiable. Elle n'est, de ce fait, pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées qui ne visent que les sociétés faisant l'objet d'une liquidation judiciaire.
9. En troisième lieu, la proposition de rectification adressée à la société Appletown Business Services indiquait les conséquences, en termes de pénalités, de l'absence de réponse à la demande présentée par l'administration sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts. La circonstance que la proposition de rectification mentionnait la société Gemma Trans au lieu de la société Appletown Business Services constitue une erreur matérielle qui a été sans incidence sur la régularité de l'amende en litige.
10. En quatrième lieu, les dispositions des articles 117, 1759 et celles du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts, citées au point 5, instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité correspondant à cet impôt. La personne sanctionnée par cette pénalité peut contester son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité. En revanche, elle ne peut utilement se prévaloir de moyens relatifs à la procédure d'imposition ayant conduit à mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Il en va de même pour les dirigeants solidairement tenus au paiement de la pénalité.
11. Dans ces conditions, M. B...ne peut utilement contester la régularité de la procédure de vérification ayant conduit aux suppléments d'impositions mis à la charge de la société Appletown Business Services, à l'appui de sa contestation dirigée contre l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement des articles 1759 et 1754, V, 3, précités, du code général des impôts.
12. En quatrième lieu, il appartient à la cour de se prononcer sur ceux des moyens relatifs au bien-fondé des impositions mises à la charge de la société qui étaient susceptibles d'avoir une incidence sur le montant des revenus regardés comme distribués et donc sur celui de l'amende en litige.
13. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital... ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".
14. Il résulte des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, citées au point 5, que doit être pris en compte, pour l'assiette de la pénalité fiscale prévue à cet article, le montant des sommes effectivement versées ou distribuées.
15. En application de ces dispositions, l'administration a retenu, pour déterminer l'assiette de la pénalité en litige, le montant des bénéfices qu'elle a reconstitués pour l'exercice 2004 et qu'elle a regardés comme ayant été désinvestis de la société et constituant de ce fait des revenus distribués au sens du 1° précité de l'article 109 du code général des impôts. L'amende de 70 118 euros qu'elle a mis à la charge de M. B...correspond ainsi au montant des distributions occultes réalisées, selon elle, par la société Appletown Business Services au cours de l'exercice 2004.
16. La société Appletown Business Services s'est abstenue, à l'occasion des opérations de vérification dont elle a fait l'objet, de présenter une comptabilité, ce qui a conduit le service à dresser un procès-verbal pour défaut de présentation de comptabilité. L'administration a ensuite, selon une méthode qui n'est pas sommaire ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, reconstitué le chiffre d'affaires pour l'exercice 2004 à partir des factures émises par la société. S'agissant des charges déductibles de la société, cette dernière a produit une seule facture, d'un montant de 3 600 euros, correspondant à ses frais de domiciliation au Royaume-Uni et dont le service n'a finalement pas admis la déduction. Quant aux factures que la société a émises au cours de l'exercice en cause, elles n'apportent pas d'éclairage sur les conditions réelles de son activité, aucune information précise n'ayant été donnée sur les modalités d'exécution des prestations de transport facturées à la société Heppner ou à la société Gemma Trans présentées comme ses deux seuls clients.
17. De son côté, M. B... n'a pas produit d'autres factures ni aucun autre élément issus de la comptabilité des prestataires de la société Appletown susceptibles de démontrer que cette dernière a bien exposé des charges en France. Dans ces conditions, l'administration établit le bien-fondé de l'amende litigieuse et de son montant.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge de la pénalité en litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01613