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25/10/2018 | FRANCE | N°16BX04265

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 25 octobre 2018, 16BX04265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCCV Nuances a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 avril 2015 par lequel le maire de la commune d'Artigues-près-Bordeaux a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire qu'elle avait déposée pour la réalisation d'un immeuble de 38 logements.

Par un jugement n° 1502137 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du maire de la commune d'Artigues-près-Bordeaux du 17 avril 2015.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2016, la commune d'Artigues-près-Borde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCCV Nuances a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 avril 2015 par lequel le maire de la commune d'Artigues-près-Bordeaux a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire qu'elle avait déposée pour la réalisation d'un immeuble de 38 logements.

Par un jugement n° 1502137 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du maire de la commune d'Artigues-près-Bordeaux du 17 avril 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2016, la commune d'Artigues-près-Bordeaux, prise en la personne de son maire, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 octobre 2016 ;

2°) de condamner la SCCV Nuances à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SCCV Nuances a déposé une demande de certificat d'urbanisme informatif le 13 octobre 2014 alors qu'elle était informée des difficultés que présentait son projet d'implantation par rapport à l'évolution de la réglementation souhaitée par les auteurs du plan local d'urbanisme de la métropole, qui désiraient procéder au déclassement en zone d'équipement de la zone UDM 4, où doit être implanté le projet litigieux;

- dans sa réponse à la demande de certificat d'urbanisme, elle s'est bornée à faire état du classement du terrain tel qu'existant à cette époque, sans mentionner l'éventualité d'une décision de sursis à statuer alors même que la détermination du sort de la zone du terrain d'assiette de l'opération concernée était suffisamment avancée pour ce faire ;

- même si ce n'est que par délibération du 19 décembre 2014 que le conseil communautaire de la Métropole s'est prononcé sur les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), toutes les conditions du sursis étaient réunies dès la date d'obtention du certificat d'urbanisme en octobre 2014 ;

- à la date du dépôt de la demande de permis de construire, le 30 janvier 2015, la zone US1 couvrant le terrain d'assiette du projet était aboutie ; elle était d'ailleurs contenue (plan de zonage et règlement), en écho à la demande du maire de la commune formulée en juillet 2014, dans la version projet n° 2, envoyée le 21 janvier 2015 par le directeur de l'urbanisme de la Métropole de Bordeaux au service d'urbanisme de la commune d'Artigues-près-Bordeaux ;

- c'est la raison pour laquelle elle a opposé à la demande de permis un sursis à statuer au motif que le projet de la société requérante compromettrait ou rendrait plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme en révision ; à cette date, le projet de plan local d'urbanisme était déjà défini avec une grande précision en ce qui concernait, à tout le moins, le terrain d'assiette de la demande de permis de construire présentée par la société requérante, et la Métropole de Bordeaux a aussi formulé une proposition de sursis à statuer par courrier du 16 avril 2015 ;

- elle aurait pu dès la demande de certificat d'urbanisme opposer un éventuel sursis à statuer ; la circonstance que le certificat d'urbanisme ne mentionnait pas la possibilité d'opposer un sursis à statuer ne la privait pas de la possibilité d'opposer un tel sursis ;

- la société pétitionnaire était informée dès la fin du mois de septembre 2014 de la volonté de limiter l'urbanisation de la zone à brève échéance, et le projet d'habitat collectif était incompatible avec la configuration matérielle de la zone ; le fait de déposer une demande du certificat d'urbanisme informatif tel que prévu par le a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, ne nécessitant pas la présentation d'un quelconque projet plus ou moins finalisé, n'avait à l'évidence d'autre but que de tenter de se prémunir, avant que le changement de destination annoncé de la zone ne soit inscrit dans la réglementation locale, contre un sursis à statuer qui ne manquerait pas d'être opposé à la future demande, ce qui révèle un détournement de procédure ; conférer au certificat d'urbanisme considéré le plein pouvoir de protection que ce type de document apporte, en règle générale, au pétitionnaire contre le changement de réglementation reviendrait à la fois à méconnaître ce pour quoi le législateur l'a conçu, et à entraver abusivement le mécanisme de sursis à statuer et sa mission d'assurer une cohérence minimale entre les demandes d'autorisation d'urbanisme et les évolutions majeures que doivent connaître, à très courte échéance, les règles générales et les politiques publiques qui gouvernent l'utilisation de l'espace.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 mai 2017 et le 26 février 2018, la SCCV Nuances, représentée par la SCP Cornille-Pouyane, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la cour enjoigne à la commune de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à ce que la cour mette à la charge de la commune d'Artigues-près-Bordeaux et de Bordeaux Métropole une somme de 3 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon la jurisprudence, l'état d'avancement d'un projet de document d'urbanisme local doit être suffisant pour qu'un sursis à statuer puisse être valablement opposé à une demande d'autorisation d'urbanisme ; le projet est considéré comme "suffisamment avancé" si le projet d'aménagement et de développement durable, ainsi que le projet de règlement, comportant des cartes détaillées du zonage à venir, sont établis et ont été rendus publics ;

- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a définitivement clarifié l'appréciation de la condition du caractère suffisamment avancé d'un projet de plan local d'urbanisme, en précisant que le sursis à statuer ne peut être mis en oeuvre que " dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable " ;

- dans le courrier du 28 juillet 2014, le maire de la commune se borne à exprimer à Bordeaux Métropole son souhait de voir la zone comprenant le terrain, actuellement classée en zone UDm4, être classée en zone Ne ; dans le courrier du 16 septembre 2014, le maire a indiqué au propriétaire du terrain que le secteur auquel celui-ci appartient sera identifié comme un secteur naturel d'équipement au plan local d'urbanisme 3.1 ;

- ces courriers ne font que démontrer une simple volonté de la commune, qui n'est pas l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de voir classer ce terrain en secteur naturel d'équipement dans le plan local d'urbanisme 3.1 de Bordeaux Métropole ; le classement souhaité en zone naturelle diffère du futur classement en zone urbaine Us 1 dont la commune se prévaut dans son sursis à statuer ; ces pièces ne traduisent en aucun cas le caractère suffisamment avancé de la procédure de révision du plan local d'urbanisme ; à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, le débat sur les nouvelles orientations du projet d'aménagement et de développement durable n'était pas encore intervenu en conseil communautaire, puisque celui-ci s'est tenu le 19 décembre 2014 ;

- en application de la jurisprudence " Commune de Langolen ", lorsqu'un certificat d'urbanisme a été précédemment délivré sur le terrain faisant l'objet de la demande d'autorisation d'urbanisme, les conditions pour opposer un sursis à statuer, et notamment le caractère suffisamment avancé du projet de plan local d'urbanisme, s'apprécient à la date du certificat d'urbanisme ;

- en se bornant à solliciter un certificat d'urbanisme, elle n'a pas commis de détournement de procédure ou d'abus de droit ;

- le courrier du 1er août 2014 ne contient qu'une proposition de réunion de travail entre Bordeaux Métropole et la commune pour étudier la pertinence d'un éventuel classement du secteur de la Blancherie en zone Ne, ce qui ne traduit en aucun cas le caractère précisément défini d'un tel zonage ; le classement envisagé dans le courrier est un classement en zone naturelle d'équipement, dans un objectif de réintégration des espaces naturels, et non en zone urbaine d'équipements et de grands services (US1), qui est pourtant le zonage visé dans le sursis à statuer attaqué ; le " projet de planche de zonage " prétendument daté du 1er octobre 2014 ne saurait davantage être pris en compte par la cour dans l'appréciation du caractère suffisamment avancé du projet de révision du plan local d'urbanisme car il s'agit d'un document de travail purement interne à l'administration, dont il est impossible de vérifier la véracité de la date indiquée ;

- pour pouvoir légalement fonder une décision de sursis à statuer, les documents composant le projet de plan doivent avoir été rendus publics par l'administration à la date à laquelle les conditions d'opposabilité du sursis sont appréciées.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 1er décembre 2017 et présenté à l'appui de la requête, Bordeaux Métropole, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de déclarer son intervention recevable ;

2°) d'annuler le jugement n° 1502137 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 27 octobre 2016 ;

3°) de rejeter la demande de la SCCV Nuances ;

4°) de mettre à la charge de la SCCV Nuances une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de révision du document d'urbanisme métropolitain a été initiée en 2010 et était, en conséquence, en cours lors de l'instruction des demandes du pétitionnaire concernant tant le certificat d'urbanisme sollicité en octobre 2014 que le permis de construire dont le dossier a été déposé en janvier 2015 ; la concertation avec le public s'est déroulée du 15 novembre 2010 au 12 février 2015, un premier débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable a eu lieu le 12 octobre 2012 puis un second le 19 décembre 2014 ; l'enquête publique s'est déroulée du 15 février au 30 mars 2016 et par la délibération n° 2016-777 du 16 décembre 2016, le conseil communautaire a approuvé la première révision du plan local d'urbanisme intercommunal ;

- une carte datée du 1er octobre 2014 illustre le choix des auteurs du plan local d'urbanisme de classer en zone US1 le secteur au sein duquel se trouve le terrain d'assiette du projet de la SCCV Nuances ; le zonage de la parcelle était donc parfaitement acté au moment de l'instruction du certificat d'urbanisme et le pétitionnaire en a été informé dès le mois de septembre 2014 ;

- même en l'absence de la mention de la possibilité d'opposer un sursis à statuer dans le certificat d'urbanisme, l'autorité compétente pouvait valablement opposer un tel sursis à statuer dans le cadre d'une demande de permis de construire ultérieure, si les conditions de ce sursis étaient réunies à la date de la délivrance du certificat d'urbanisme ;

- la décision de sursis à statuer peut intervenir dès la publication de la décision prescrivant l'établissement du document d'urbanisme (CE 1975 n°96028) ; la mise en oeuvre de la faculté de surseoir à statuer n'est pas subordonnée à l'intervention de l'arrêté rendant public le projet (CE 1982 n°24962) ;

- il est constant qu'à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, le 27 octobre 2014, le projet de révision du plan local d'urbanisme était suffisamment avancé, à tout le moins en ce qui concerne le terrain d'assiette sur lequel la SCCV Nuances envisage de réaliser son projet ; le zonage des parcelles en cause avait déjà été établi comme le montre la planche de zonage du 1er octobre 2014 ;

- à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, la délibération n°2010/0663 du 24 septembre 2010 avait prescrit la révision générale du plan local d'urbanisme ; un premier débat sur les orientations générales du PADD avait eu lieu le 12 octobre 2012 ; les informations concernant le futur zonage de la parcelle en cause avaient été portées à la connaissance des pétitionnaires dès le mois de septembre 2014 ; le projet de zonage prévoyait déjà le classement du terrain du projet en zone US1.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant la commune d'Artigues-près-Bordeaux, de MeD..., représentant la SCCV Nuances et de MeE..., représentant Bordeaux Métropole.

Une note en délibéré présentée pour la commune d'Artigues-près-Bordeaux par Me B...a été enregistrée le 27 septembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir obtenu le 27 octobre 2014, un certificat d'urbanisme sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, mentionnant notamment que le terrain d'assiette du projet situé dans la plaine des sports de La Blancherie à Artigues-près-Bordeaux, 9 boulevard Feydeau, est classé en secteur mixte UDm4 du plan local d'urbanisme de la communauté urbaine de Bordeaux, la SCCV Nuances a déposé le 30 janvier 2015 une demande de permis portant sur la construction d'un bâtiment R+3 sur sous-sol comportant 38 logements pour une surface de plancher de 2 121 m² sur ce terrain. Par arrêté en date du 17 avril 2015, le maire d'Artigues-près-Bordeaux a opposé un sursis à statuer à la demande, au motif que compte tenu de la procédure de révision en cours du plan local d'urbanisme intercommunal et du classement du terrain d'assiette du projet en zone US1 du futur plan, le projet ne respectait pas la vocation de cette zone et était de nature à compromettre les objectifs du futur plan local d'urbanisme intercommunal. Par jugement n° 1502137 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté. La commune d'Artigues-près-Bordeaux relève appel de ce jugement. Bordeaux Métropole intervient au soutien de la requête et la SCCV Nuances conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'enjoindre à la commune de réexaminer sa demande de permis de construire.

Sur l'intervention de Bordeaux Métropole :

2. Bordeaux Métropole, qui exerce de plein droit la compétence en matière d'aménagement de l'espace métropolitain en application des dispositions de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, son intervention doit être admise.

Sur l'appel principal :

3. Aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur, figurant désormais à l'article L. 424-1 : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles L. 111-9 et L. 111-10 du présent titre, ainsi que par les articles L. 123-6 (dernier alinéa), L. 311-2 et L. 313-2 (alinéa 2) du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. " Aux termes du dernier alinéa de l'article L.123-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, repris désormais à l'article L. 153-11 du même code : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. "

4. Il résulte de la combinaison des articles L. 111-7, L. 123-6 et L. 410-1 du code de l'urbanisme que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et du sixième alinéa de l'article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme. Lorsque le plan en cours d'élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.

5. En premier lieu, si l'omission, dans le certificat d'urbanisme, de la possibilité d'opposer un sursis à statuer à une demande de permis de construire ne faisait pas obstacle à ce que la commune d'Artigues-près-Bordeaux puisse valablement opposer un sursis à statuer dans le cadre de la demande de permis de construire, il convient, contrairement à ce que soutient la commune, d'apprécier les conditions d'opposabilité d'un sursis à statuer à la date de la délivrance du certificat d'urbanisme.

6. En deuxième lieu, pour établir que le projet de révision du plan local d'urbanisme intercommunal était suffisamment avancé à la date de la délivrance du certificat d'urbanisme le 27 octobre 2014, la commune produit deux courriers, le premier en date du 28 juillet 2014 par lequel le maire a demandé au président de la communauté urbaine de Bordeaux que le secteur dans lequel se situe le terrain litigieux soit reclassé en zone Ne et le second du 16 septembre 2014 par lequel le maire informe la propriétaire initiale du terrain en litige que la commune renonce à son droit de préemption et l'informe à cette occasion que le secteur sera reclassé en secteur naturel d'équipements. Toutefois, l'existence de ces deux courriers ne suffit pas à démontrer que la révision du plan local d'urbanisme intercommunal était suffisamment avancée à la date de la délivrance du certificat d'urbanisme, dès lors que s'ils attestent de la volonté du maire de la commune de modifier le zonage, ils ne font pas état d'une prise de position de l'autorité compétente pour l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal.

7. En troisième lieu, Bordeaux Métropole produit à l'appui de son intervention au soutien de la requête un courrier du 1er août 2014. Toutefois, ce courrier ne contient qu'une proposition de réunion de travail entre Bordeaux Métropole et la commune pour étudier la pertinence d'un éventuel classement du secteur de la Blancherie en zone Ne. Au demeurant, le classement envisagé dans ce courrier est différent de celui qui a été opposé par le maire dans la décision de sursis à statuer du 17 avril 2015. Par ailleurs, il n'est pas établi que le projet de plan de zonage en date du 1er octobre 2014 produit par l'établissement public de coopération intercommunale ait été débattu devant le conseil communautaire ou rendu public avant la date à laquelle le certificat d'urbanisme a été délivré, alors qu'il ressort des écritures de l'intervenante que deux débats ont eu lieu sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables le 12 octobre 2012 et le 19 décembre 2014. Par suite, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal n'était pas suffisamment avancée à la date de délivrance du certificat d'urbanisme pour permettre au maire de la commune d'opposer un sursis à statuer à une demande de permis de construire.

8. En quatrième lieu, la circonstance qu'une demande de certificat d'urbanisme ait été déposée le 13 octobre 2014, soit quelques jours après que la commune a informé la propriétaire initiale du terrain en litige que la parcelle serait reclassée en secteur naturel d'équipements, ne suffit pas à caractériser un détournement de procédure ou un abus de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Artigues-près-Bordeaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 17 avril 2015.

Sur l'appel incident de la SCCV Nuances :

10. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. "

11. Sur le fondement de ces dispositions, la SCCV Nuances présente des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la commune d'Artigues-près-Bordeaux de réexaminer sa demande de permis de construire. L'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 octobre 2016, confirmé par le présent arrêt, implique nécessairement un tel réexamen. Il y a lieu, par suite, de prescrire ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Bordeaux Métropole, intervenante au soutien de la requête, n'étant pas partie à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la condamnation de la SCCV Nuances à lui verser la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

13. Ces dispositions font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCCV Nuances, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Artigues-près-Bordeaux demande sur leur fondement. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Artigues-près-Bordeaux une somme de 1 500 euros à verser à la SCCV Nuances au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de Bordeaux Métropole est admise.

Article 2 : La requête de la commune d'Artigues-près-Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Artigues-près-Bordeaux de réexaminer la demande de permis de construire de la SCCV Nuances dans un délai de deux mois.

Article 4 : La commune d'Artigues-près-Bordeaux versera à la SCCV Nuances la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Artigues-près-Bordeaux, à la SCCV Nuances et à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt

6

No 16BX04265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04265
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET ADDEN BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-25;16bx04265 ?
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