Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du préfet de la Charente-Maritime du 22 novembre 2015 ordonnant la perquisition de son domicile et de son véhicule.
Par un jugement n° 1503216 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2016, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 octobre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Charente-Maritime du 22 novembre 2015 et d'ordonner la destruction des fichiers informatiques saisis ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros à titres de dommages et intérêts.
Il soutient que :
- les affirmations contenues dans la " note blanche ", ni signée ni datée, ne sont corroborées par aucun élément extérieur ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas fondés ;
- lui-même ainsi que les membres de sa famille ont été fortement traumatisés par la perquisition et ses données informatiques ont été saisies sans découverte d'aucun élément, ce qui démontre le caractère infondé des accusations portées contre lui ; il est dès lors fondé à demander la destruction des fichiers informatiques saisis et le versement d'une indemnité de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conclusions indemnitaires ainsi que les conclusions tendant à ce que la cour ordonne la restitution des fichiers informatiques saisis sont irrecevables et que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au29 juin 2018.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 1er décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 22 novembre 2015, le préfet de la Charente-Maritime a ordonné au directeur départemental de la Charente-Maritime de procéder à la perquisition du logement de M. B...et à celle de son véhicule. M. B...relève appel du jugement du 5 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République " soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ". Selon l'article 2 de la même loi, l'état d'urgence est déclaré par décret en conseil des ministres ; sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi.
3. L'article 11 de la loi du 3 avril 1955 prévoit que le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer au ministre de l'intérieur et aux préfets le pouvoir d'ordonner des perquisitions administratives de jour et de nuit. Dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015, cet article 11 précise que les perquisitions en cause peuvent être ordonnées " en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. (...) ".
4. Il appartient au juge administratif d'exercer un entier contrôle sur le respect de cette condition, afin de s'assurer, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l'autorité administrative sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n'aient d'incidence à cet égard.
5. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision contestée, le préfet a pris en considération les éléments mentionnés dans une " note blanche " des services de renseignement, versée au débat contradictoire. Aucune disposition législative, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les faits relatés par les " notes blanches " produites par le ministre de l'intérieur, qui ont été versées aux débats et soumises aux échanges contradictoires, soient susceptibles d'être pris en considération par le juge administratif. Il ressort de ceux de ces éléments qui ont été repris dans les motifs de la décision attaquée que M. B...est connue pour sa participation assidue aux activités d'un mouvement salafiste local. A cet égard, " la note blanche " précise que M. B...est l'un des membres fondateurs de cette association qui prône un islam traditionnaliste et rigoriste et qu'il a été vu se livrer au prosélytisme religieux en marge des prêches à la mosquée d'un quartier de Mireuil. La note blanche révèle en outre que l'intéressé a signé une pétition de soutien à une personne expulsée de France pour avoir appelé en 2013 à la décapitation d'un dessinateur de Charlie Hebdo, qu'il est connu pour son comportement violent, notamment envers les forces de l'ordre, et son addiction aux stupéfiants, et qu'il est impliqué dans une activité de blanchiment d'argent à destination du Maroc dont l'origine et l'utilisation demeurent....inexpliquées Le ministre de l'intérieur fait valoir que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. B...constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
6. Au soutien de son moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur de fait, M. B...ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant les premiers juges ni ne critique utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Si toute illégalité affectant la décision qui ordonne une perquisition est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'ordre de perquisition du 23 novembre 2015 n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, et en tout état de cause, les conclusions susmentionnées ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
10. En demandant la destruction des données informatiques copiées pendant la perquisition irrégulière, M. B...doit être regardé comme demandant au juge administratif qu'il soit enjoint au préfet de la Charente-Maritime d'ordonner cette mesure. En dehors des cas prévus par les articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce que soit ordonnée la destruction des données informatiques qui auraient été copiées pendant la perquisition doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions susmentionnées présentées par M. B...ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Marianne Pouget, président-assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03708