Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du préfet de la Charente-Maritime du 22 novembre 2015 ordonnant la perquisition de son domicile et des véhicules lui appartenant.
Par un jugement n° 1503215 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 novembre 2016, 21 avril 2017 et 21 juin 2017, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 octobre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Charente-Maritime du 22 novembre 2015.
Il soutient que :
- la note blanche sur le fondement de laquelle a été prise la décision attaquée n'est ni signée ni datée ; sa prise en compte porte atteinte au principe d'équité et est contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales quand bien même elle lui a été communiquée dans le cadre de la procédure juridictionnelle ;
- les affirmations contenues dans la " note blanche ", ne sont corroborées par aucun élément extérieur ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas fondés comme l'établissent les pièces qu'il produit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.
Par ordonnance du 21 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
-la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 22 novembre 2015, le préfet de la Charente-Maritime a ordonné au directeur départemental de la Charente-Maritime de procéder à la perquisition du logement de M. B...et à celle de ses véhicules lui appartenant. M. B...relève appel du jugement du 5 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République " soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ". Selon l'article 2 de la même loi, l'état d'urgence est déclaré par décret en conseil des ministres ; sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi.
3. L'article 11 de la loi du 3 avril 1955 prévoit que le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer au ministre de l'intérieur et aux préfets le pouvoir d'ordonner des perquisitions administratives de jour et de nuit. Dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015, cet article 11 précise que les perquisitions en cause peuvent être ordonnées " en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. (...) ".
4. Il appartient au juge administratif d'exercer un entier contrôle sur le respect de cette condition, afin de s'assurer, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l'autorité administrative sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n'aient d'incidence à cet égard.
5. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision contestée, le préfet a pris en considération les éléments mentionnés dans une " note blanche " des services de renseignement, versée au débat contradictoire. Aucune disposition législative, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les faits relatés par les " notes blanches " produites par le ministre de l'intérieur, qui ont été versées aux débats et soumises aux échanges contradictoires, soient susceptibles d'être pris en considération par le juge administratif.
6. Il ressort des éléments mentionnés dans la note blanche qui ont été en partie repris dans la décision attaquée que M. B...est proche d'une association locale salafiste et prosélyte, qu'il a eu à de nombreuses reprises une attitude agressive et provocatrice dans sa profession de vendeur ambulant, ce qui lui a valu une exclusion des marchés rochelais pour cinq mois en 2013, que son épouse, convertie et radicalisée à son contact, a préféré renoncer à son emploi dans un lycée plutôt que d'ôter son voile au sein de l'établissement , que le projet de M. B...d'ouvrir un commerce de restauration rapide a également créé de nombreux troubles à l'ordre public et a été l'occasion pour l'intéressé de continuer à manifester de différentes façons son hostilité à l'égard de la société française. Le ministre de l'intérieur fait valoir que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. B...constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.
7. M. B...conteste la matérialité de ces griefs et soutient notamment que sa pratique religieuse est totalement indépendante du salafisme et du terrorisme. Toutefois, les éléments qu'il produit ne sont pas nature à contredire les éléments susmentionnés. Par suite, le préfet de la Charente-Martime a pu, sans méconnaître la matérialité des faits ou commettre d'appréciation, estimer que M. B... constituait alors une menace pour la sécurité et l'ordre public justifiant une perquisition de son domicile et de ses véhicules, ladite mesure de nature préventive étant adaptée, nécessaire et proportionnée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
M. Marianne Pouget, président-assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
4
N° 16BX03707