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12/10/2018 | FRANCE | N°16BX00317

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2018, 16BX00317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A...E...d'une part et M. C...D...d'autre part ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 19 avril 2012 par lequel le conseil municipal de Le Cayrol a désigné les attributaires des biens de la section "Habitants du village de Coussanes " et attribué des parcelles agricoles. M. E...a en outre demandé au tribunal de condamner la commune de Le Cayrol à lui verser la somme de 36 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du

fait de la privation des biens de section tandis que M. D...a demandé au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. A...E...d'une part et M. C...D...d'autre part ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 19 avril 2012 par lequel le conseil municipal de Le Cayrol a désigné les attributaires des biens de la section "Habitants du village de Coussanes " et attribué des parcelles agricoles. M. E...a en outre demandé au tribunal de condamner la commune de Le Cayrol à lui verser la somme de 36 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la privation des biens de section tandis que M. D...a demandé au tribunal d'annuler la délibération du 14 avril 2011 par laquelle le conseil municipal de le Cayrol a approuvé le périmètre de la section " Habitants du village de Coussanes ".

Par un jugement n° 1202755-1203009 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du conseil municipal de Le Cayrol du 19 avril 2012 et enjoint au maire de Le Cayrol de résilier les conventions de location de biens sectionnaires passées en application de la délibération du 19 avril 2012 dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier 2016 et le 24 mai 2017, la commune de Le Cayrol et la section de Coussanes, représentées par MeH..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2015 ;

2°) de rejeter les conclusions en annulation présentées par MM. D...et E...à l'encontre de la délibération du 19 avril 2012 ;

3) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M.E... ;

4) de condamner MM. D...et E...à leur payer la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- en retenant, pour annuler la délibération du 19 avril 2012, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 14 avril 2011 fixant les limites de la section de Cousanne, le tribunal administratif a " statué ultra petita " dans le cadre de la requête n° 1202755, M. E...n'ayant pas soulevé ce moyen ;

- le tribunal administratif a fixé les limites de la section en prenant en compte les parcelles dont cette dernière est propriétaire ; ce faisant, il a entaché son jugement d'erreur de droit ;

-le conseil municipal a pu fixer les limites de la section en se fondant sur le cadastre et les usages locaux qui sont les seuls éléments en sa possession ;

- en l'absence d'acte constitutif, la charge de la preuve incombe aux personnes qui revendiquent le statut de membre de la section ;

- il n'est pas établi que le hameau de la Combette et que le lieudit La Pézière font partie de la section des Habitants du Village de Coussanes ; ces villages n'existaient pas à la date de la création de la section de Coussannes ; les intéressés ne peuvent donc prétendre avoir la qualité d'ayant droit prioritaire ;

- les conclusions indemnitaires présentées par M. E...sont irrecevables en l'absence de demande préalable et sont mal dirigées, seule la section de Coussanes devant répondre des illégalités fautives commises par ses organes de gestion, à savoir, en l'absence de commission syndicale élue, le maire et le conseil municipal de la commune de Le Cayrol ; en tout état de cause, l'intéressé ne justifie d'aucune illégalité fautive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2016, M.D..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Le Cayrol et de la section des habitants du village de Coussanes à lui verser chacune la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le périmètre de la section " Habitants du village de Coussanes " arrêté par la délibération du 14 avril 2011 est contraire à la situation effective des biens de section ;

- il n'appartient pas à la commune d'arrêter arbitrairement les limites territoriales de la section ; en l'absence d'acte constitutif de la section, elle doit justifier le fondement des limites de la section par les usages et les droits de propriété ; or, elle ne justifie aucunement sur la base de quel fondement juridique ou factuel le cercle tracé à main levée serait constitutif des limites de la section ;

- la confrontation du plan cadastral avec les parcelles des biens de section exploitées et la liste des exploitants section de Coussanes démontre que ce cercle est dépourvu de tout fondement ;

- il est domicilié " ...Le Cayrol et a son siège d'exploitation sur la section ;

- les hameaux de " La Combette ou La Combe " et de la Pézière font partie intégrante du village de Coussanes.

Par un mémoire, enregistré le 28 mars 2017, M.E..., représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Le Cayrol à lui verser la somme de 36 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la spoliation des biens de section d'une part et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative d'autre part.

Il fait valoir que :

- la délibération du 19 avril 2012 méconnait l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales : lui seul a son domicile et le siège de son exploitation agricole au sein du village de Coussanes ; il possède également des bâtiments et des terres agricoles à La Pezière qui dépend du village de Coussanes ; dès lors, il est le seul à remplir les conditions posées par l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales pour prétendre à la qualité d'attributaire de premier rang des biens de section ; c'est à tort que MM. D...et F...ont été rendus attributaires au même rang que lui ;

- la section est celle des " habitants du village de Coussanes " et non " section de Coussanes " ;

- il est fondé à demander la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 36 000 euros en réparation de son préjudice.

Par ordonnance du 29 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 mai 2017 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour M. E...a été enregistré le 10 septembre 2018 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 14 avril 2011, le conseil municipal de Le Cayrol a approuvé " le périmètre de la section Habitants du village de Coussanes " et par délibération du 19 avril 2012, le conseil municipal a attribué les terres de la section à MM.E..., D...et F...regardés tous trois comme attributaires de rang n° 3, faute d'attributaires de rang n° 1 et n° 2. MM. D...et E...ont contesté ces attributions, estimant qu'ils pouvaient se prévaloir, et eux seuls, de la qualité d'attributaires prioritaires des biens de la section. M. D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ces deux délibérations tandis que M. E...a demandé au tribunal d'annuler la délibération du 19 avril 2012 et de condamner la commune de Le Cayrol à lui verser la somme de 36 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la privation des biens de section. Par un jugement du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du 19 avril 2012, enjoint au maire de Le Cayrol de résilier les conventions de location de biens de la section et rejeté le surplus des demandes des requérants. La commune de Le Cayrol et la section de Coussanes relèvent appel de ce jugement. M.E..., par la voie de l'appel incident, réitère ses conclusions à fin d'indemnisation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen de la requête de M. D...que ce dernier a excipé de l'illégalité de la délibération du 14 avril 2011 à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 19 avril 2012. Le tribunal administratif de Toulouse a joint la requête de M. D... et celle de M. E...pour statuer par un seul jugement. En faisant droit au moyen précité, le tribunal ne s'est donc pas prononcé sur un moyen dont il n'avait pas été saisi et qui n'est pas d'ordre public, et n'a pas, dès lors, entaché son jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de la délibération du 19 avril 2012 :

3. Aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable aux faits du litige : " I. - Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. " Aux termes de l'article L. 2411-10 du même code : " Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d'exploitation sur la section. L'autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d'exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d'exploitation sur le territoire de la commune. "

4. Il ressort des pièces du dossier produites en première instance que, pour déterminer par la délibération attaquée, les attributaires des terres de la section " Habitants du village de Coussanes ", le conseil municipal s'est fondé sur sa délibération du 14 avril 2011. Contrairement à ce qu'énonce son intitulé, cette délibération n'a pas pour objet de fixer le " périmètre de la section ", c'est-à-dire les limites de la section de commune, ce qui au demeurant, n'est pas de la compétence du conseil municipal, mais de définir les règles d'attribution de la qualité d'ayant droit aux biens sectionnaires, en limitant les ayants droit aux " habitants du village de Coussanes " dont le périmètre a été marqué d'un cercle excluant notamment M.E..., habitant au lieu-dit " La Combette " (ou " La Combe ") et M.D..., habitant au lieu-dit " La Pézière ".

5. Toutefois, il résulte clairement du plan cadastral produit à l'instance que ces deux lieux-dits se trouvent dans la périphérie immédiate du hameau ou village de Coussanes. Au surplus, le domicile et le siège d'exploitation de M. E...comme ceux de M. D...se trouvent en lisière de biens appartenant à la section. En ayant exclu les habitants de ces deux lieux-dits de l'ensemble des habitants du village de Coussanes pouvant prétendre à la qualité d'attributaires prioritaires des biens de la section s'ils étaient exploitants et y avaient leur domicile réel et fixe et leur siège d'exploitation, le conseil municipal de Le Cayrol a donc porté une atteinte excessive à l'égalité de traitement entre les habitants intéressés de la commune. Par suite, la délibération du 19 avril 2012, qui, en application de la délibération du 14 avril 2011, a exclu que MM. E...et D...puissent prétendre à la qualité d'attributaires prioritaires au sens et pour l'application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, est elle-même entachée d'illégalité. De plus, cette illégalité ne peut qu'entraîner l'annulation totale de la délibération car elle remet en cause les modalités d'attribution des terres entre tous les exploitants intéressés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Le Cayrol et la section de Coussanes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du conseil municipal de Le Cayrol du 19 avril 2012 et a enjoint au maire de Le Cayrol de résilier les conventions de location de biens sectionnaires passées en exécution de la délibération du 19 avril 2012.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M.E... :

7. La demande indemnitaire présentée par M. E...par voie de l'appel incident et dirigée contre la commune de Le Cayrol soulève un litige distinct du litige d'excès de pouvoir qui fait l'objet de l'appel principal de la commune de Le Cayrol et de la section de Coussanes. Dès lors, faute d'avoir été présentée dans le délai d'appel, et alors au surplus qu'elle est dirigée non contre la section de commune mais contre la commune et n'a pas été précédée d'une demande préalable, elle est irrecevable et ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de M. D...et de M. E..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que la commune de Le Cayrol et la section de Coussanes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la section " Habitants du village de Coussanes " une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions au même titre de M. E... qui sont dirigées, non pas contre la section de commune mais contre la commune, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Le Cayrol et de la section de Coussanes est rejetée.

Article 2 : La section de Coussanes versera à M. D...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D...et de M. E...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la section de Coussanes, à la commune de Le Cayrol, à M. C...D...et à M. A...E....

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Marianne Pouget, président-assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00317
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-02-02-03-01 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune. Intérêts propres à certaines catégories d'habitants. Sections de commune.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET TEILLOT - MAISONNEUVE - GATIGNOL - JEAN - FAGEOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-12;16bx00317 ?
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