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11/10/2018 | FRANCE | N°16BX01843

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2018, 16BX01843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du Groupement d'établissements (GRETA) Béarn et Soule a refusé de la réintégrer dans le service en qualité d'enseignante, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours hiérarchique et a rejeté sa demande de régularisation de sa rémunération, d'autre part, d'enjoindre à l'État de la réintégrer dans les effectifs du GR

ETA Béarn et Soule, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et, par consé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du Groupement d'établissements (GRETA) Béarn et Soule a refusé de la réintégrer dans le service en qualité d'enseignante, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours hiérarchique et a rejeté sa demande de régularisation de sa rémunération, d'autre part, d'enjoindre à l'État de la réintégrer dans les effectifs du GRETA Béarn et Soule, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et, par conséquent, de régulariser sa rémunération.

Par un jugement n° 1400549 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Pau a annulé les décisions implicites par lesquelles le directeur du GRETA Béarn et Soule et le ministre de l'éducation nationale ont refusé de procéder à la réintégration de Mme C...dans l'établissement, enjoint au directeur du GRETA Béarn et Soule de réintégrer Mme C...dans ses effectifs, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 juin 2016, 22 mai 2017 et 16 juillet 2018, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2016 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à la régularisation de sa rémunération ;

2°) d'annuler les décisions du directeur du GRETA Béarn et Soule et du ministre de l'éducation nationale rejetant implicitement sa demande de régularisation de rémunération ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de régulariser sa rémunération et de reconstituer ses droits sociaux à compter du 1er septembre 2002 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la reconnaissance de l'existence d'un contrat implique l'application, depuis son recrutement en septembre 2002, du décret n° 93-412, qui détermine un régime de rémunération assis sur un classement catégoriel et un échelon indiciaire, alors qu'elle a été rémunérée par application d'un taux horaire ; compte tenu de son niveau de diplôme, de ses qualifications et de son expérience, elle aurait dû être classée en première catégorie et se voir attribuer au minimum l'indice 720 ; il convient ensuite de se baser sur l'obligation annuelle de service à temps complet, déduction faite des absences dues au congés maladie, de maternité, de formation et des jours fériés ;

- ses conclusions ne tendent pas au paiement de rémunérations présumées non versées, mais constituent un recours pour excès de pouvoir portant sur l'illégalité du mode de recrutement qui lui a été appliqué ; or, il appartient au recteur d'académie de fixer le classement de l'agent dans une catégorie et son niveau de rémunération au sein de cette catégorie ; sera ensuite envisagé un recours de plein contentieux contre le GRETA en cas d'éventuels manquements dans les rémunérations effectivement versées ;

- son courrier du 15 mai 2013 adressé au chef d'établissement support du GRETA doit être interprété comme comportant une demande de régularisation de rémunération ; en tout état de cause, une telle demande a bien été présentée au ministre de l'éducation nationale.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'établissement support du GRETA est seul responsable des éventuelles conséquences financières de l'exécution des contrats conclus avec les personnels recrutés pour son compte et qu'il rémunère ;

- les conclusions de la requérante dirigées contre l'Etat sont donc mal dirigées.

Par une ordonnance du 9 mai 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 juin 2017 à 12h00.

Les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 93-412 du 19 mars 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...a été engagée à compter de septembre 2002, sous couvert d'un contrat verbal, par le Groupement d'établissements (GRETA) Béarn et Soule, afin d'assurer auprès de cet établissement des enseignements d'anglais et de français langue étrangère, à temps incomplet, au titre de la formation continue des adultes. A compter du mois de janvier 2013, le GRETA Béarn et Soule a mis un terme à ses fonctions. Par courrier du 15 mai 2013, elle a indiqué au chef d'établissement support du GRETA Béarn et Soule qu'elle avait le statut d'agent contractuel et a sollicité une " réponse sur les engagements concrets relatifs à son activité professionnelle et sur la manière dont l'établissement entend traiter ce qui constitue une rupture d'activité et de rémunération depuis le mois de février 2013 ". Par un courrier du 16 novembre 2013 adressé au ministre de l'éducation nationale, intitulé " recours hiérarchique ", elle a précisé que son courrier du 15 mai 2013 tendait à sa réintégration, a sollicité le retrait de la décision implicite de rejet opposée à cette demande et a en outre sollicité " une régularisation au titre de la rémunération selon les dispositions du décret n° 93-412 du 19 mars 1993 relatif aux personnels contractuels du niveau de la catégorie A ". Des refus implicites ont été opposés à ces demandes. Mme C...a saisi le tribunal administratif de Pau d'une requête tendant à l'annulation de ces décisions et à ce qu'il soit enjoint à l'État de la réintégrer dans les effectifs du GRETA Béarn et Soule, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et, par conséquent, de régulariser sa rémunération à compter de la date à laquelle elle devait être regardée comme engagée sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Par un jugement du 7 avril 2016, le tribunal a estimé que les fonctions d'enseignement exercées par la requérante répondaient à un besoin permanent et impliquaient un service à temps incomplet, de sorte qu'en application de l'article 6 du décret du 17 janvier 1986 dans sa version applicable à la date du recrutement de l'intéressée, le contrat conclu par la requérante devait être regardé comme conclu pour une durée indéterminée à compter du mois de septembre 2002. Le tribunal en a déduit que la non-reconduction de ce contrat s'analysait en un licenciement, a annulé cette décision d'éviction au motif tenant à l'absence de toute recherche de reclassement au sein du GRETA Béarn et Soule et a enjoint au chef d'établissement support du GRETA Béarn et Soule de procéder à la réintégration juridique de MmeC..., dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et de procéder à la reconstitution de ses droits sociaux à compter du mois de janvier 2013. Le tribunal a en revanche rejeté les conclusions de Mme C...aux fins d'annulation du refus opposé à sa demande de régularisation de sa rémunération, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction présentées sur ce point. Mme C...relève appel de ce jugement en tant qu'il porte sur ses conclusions aux fins de régularisation de sa rémunération et demande à la cour, d'une part, d'annuler les décisions implicites du directeur du GRETA Béarn et Soule et du ministre de l'éducation nationale portant rejet de sa demande de régularisation de rémunération, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de régulariser sa rémunération et de reconstituer ses droits sociaux à compter du 1er septembre 2002.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le refus implicite du directeur du GRETA Béarn et Soule :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le courrier de Mme C...du 15 mai 2013 adressé au chef d'établissement support du GRETA Béarn et Soule ne comportait pas de demande de régularisation de rémunération en application du décret du 19 mars 1993 relatif aux personnels contractuels du niveau de la catégorie A, et n'a ainsi pas pu faire naître de décision implicite de rejet sur ce point. Il s'ensuit que la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Pau, en tant qu'elle tendait à l'annulation d'un prétendu refus implicite du directeur du GRETA Béarn et Soule de régulariser sa rémunération, était dépourvu d'objet et, par suite, irrecevable. Mme C...n'est dès lors pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ce prétendu refus.

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le refus implicite du ministre de l'éduction nationale :

3. En vertu de l'article L. 423-1 du code de l'éducation, les établissements scolaires publics peuvent s'associer en groupements d'établissements pour la mise en oeuvre de leur mission de formation continue ainsi que de formation et d'insertion professionnelle. Aux termes de l'article 2 du décret du 19 mars 1993 relatif aux personnels contractuels du niveau de la catégorie A exerçant en formation continue des adultes : " Il est créé quatre catégories de rémunération d'agents contractuels : hors catégorie, 1ere catégorie, 2ème catégorie, 3ème catégorie. / Les indices bruts minimum, moyen et maximum servant à la détermination de la rémunération de chaque catégorie sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement de l'éducation, du budget et de la fonction publique. ". Aux termes de l'article 3 de ce même texte : " Les candidats sont classés dans l'une des catégories mentionnées à l'article 2 par l'autorité qui procède à leur engagement en fonction des diplômes et titres qu'ils détiennent ou dans des conditions définies par les recteurs d'académie en fonction de leur qualification professionnelle antérieure. / Les titres ou diplômes retenus pour le classement dans chacune des catégories sont les suivants : (...) peuvent être classés en 2e catégorie les candidats justifiant au moins d'un titre ou diplôme sanctionnant un cycle d'études d'au moins quatre années après le baccalauréat / peuvent être classés en 1ère catégorie les candidats justifiant au moins d'un titre ou diplôme sanctionnant au moins cinq années d'études après le baccalauréat (...) ". L'article 4 dudit texte dispose que : " A l'intérieur de chaque catégorie, l'indice attribué à chaque agent contractuel est fixé par l'autorité qui le recrute en fonction des diplômes et titres qu'il détient, de sa qualification et de son expérience professionnelles antérieures, de la nature et du niveau des fonctions qu'il sera appelé à exercer. En aucun cas, l'agent contractuel ne peut bénéficier lors d'un premier contrat d'un indice de rémunération supérieur à l'indice moyen de sa catégorie (...) ".

4. Si, comme le soutient en appel le ministre de l'éducation nationale, les personnels non-titulaires qui participent au fonctionnement des groupements d'établissements constitués conformément aux prescriptions de l'article L. 423-1 du code de l'éducation doivent être rémunérés sur les ressources propres du groupement d'établissements, procurées par la mise en oeuvre des activités de formation continue, il résulte cependant des dispositions précitées qu'il appartient au recteur de déterminer, lors de l'engagement d'un professeur contractuel, le classement de l'agent dans une catégorie en tenant compte de ses diplômes et de son expérience professionnelle antérieure et, au sein de cette catégorie, de son niveau de rémunération.

5. Il résulte de l'instruction que Mme C...a été rémunérée, de septembre 2002 à janvier 2013, comme un agent vacataire, soit par application d'un taux horaire au nombre d'heures d'enseignement effectuées au sein du GRETA Béarn et Soule. La requalification de son engagement en contrat, qui n'est pas discutée en appel, implique, comme elle le soutient, la régularisation de son contrat de travail à compter de septembre 2002, qui comprend la fixation par le recteur de son niveau de rémunération en application des dispositions précitées des articles 2, 3 et 4 du décret du 19 mars 1993, ainsi que, le cas échéant, le versement par le GRETA Béarn et Soule de la différence entre les rémunérations qu'elle aurait dû percevoir en qualité d'agent non titulaire et celles effectivement perçues en qualité de vacataire et la régularisation correspondante de ses droits sociaux. Par suite, le refus implicitement opposé par le ministre de l'éducation nationale à sa demande du 16 novembre 2013 tendant à la régularisation de son contrat et en particulier à la " régularisation de sa rémunération ", c'est-à-dire à la fixation de son niveau de rémunération comme agent non titulaire, est illégal.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du refus implicite du ministre de l'éducation nationale de procéder à la régularisation des conditions de rémunération du contrat de travail qui la liait au GRETA Béarn et Soule depuis septembre 2002, et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. D'une part, les conclusions à fin d'injonction de MmeC..., qui tendent à ce que le ministre de l'éducation nationale fixe le niveau de rémunération du contrat de travail à durée indéterminée qui la lie au GRETA Béarn et Soule depuis son engagement en septembre 2002, ne constituent pas des conclusions indemnitaires. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à ces conclusions, tirée de ce qu'il appartient au seul groupement d'établissements de verser à la requérante la somme correspondant à la différence entre les rémunérations qu'elle aurait dû percevoir en qualité d'agent non titulaire et celles effectivement perçues en qualité de vacataire, ne peut qu'être écartée.

8. D'autre part, en exécution de l'annulation prononcée au point 4 du présent arrêt, il appartient au ministre de l'éducation nationale, en application des dispositions précitées des articles 2, 3 et 4 du décret du 19 mars 1993, de fixer le niveau de rémunération du contrat de travail à durée indéterminée qui lie Mme C...au GRETA Béarn et Soule depuis son engagement en septembre 2002, en procédant au classement de l'intéressée dans l'une des catégories prévues l'article 2 du décret susmentionné et en fixant l'indice attribué au sein de cette catégorie. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette régularisation du contrat de travail de Mme C...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le refus implicite du ministre de l'éducation nationale de procéder à la régularisation des conditions de rémunération du contrat de travail liant Mme C...au GRETA Béarn et Soule depuis septembre 2002 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de fixer, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt, le niveau de rémunération du contrat de travail à durée indéterminée qui liait Mme C...au GRETA Béarn et Soule depuis son engagement en septembre 2002.

Article 3 : Le jugement n° 1400549 du tribunal administratif de Pau du 7 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01843
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-02 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Auxiliaires, agents contractuels et temporaires.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-11;16bx01843 ?
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