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09/10/2018 | FRANCE | N°16BX00538

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 16BX00538


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonaretto Métal Industries a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le préfet de la Guyane a délivré à la société Secom une autorisation d'exploiter une mine aurifère sur le territoire de la commune de Grand Santi au lieu-dit de la crique Loni.

Par un jugement n° 1500270 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5

février 2016 et un mémoire complémentaire du 26 septembre 2016, la société Bonaretto Métal Industr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonaretto Métal Industries a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2015 par lequel le préfet de la Guyane a délivré à la société Secom une autorisation d'exploiter une mine aurifère sur le territoire de la commune de Grand Santi au lieu-dit de la crique Loni.

Par un jugement n° 1500270 du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2016 et un mémoire complémentaire du 26 septembre 2016, la société Bonaretto Métal Industries, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 5 novembre 2015 ;

2°) d'ordonner au préfet de produire aux débats la date de notification par les Forces Armées de Guyane de l'intervention dans le cadre de la procédure accélérée d'installation de la société Secom, la date de prise de position de la société Secom dans le cadre de l'instruction accélérée de sa demande, le rapport de prospection prévu par l'article 7 de l'engagement (" conditions de prospection ") ;

3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2015 ;

4°) de mettre à la charge du préfet de la Guyane la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal a méconnu les exigences du principe du contradictoire en ne faisant pas droit à ses conclusions, présentées dans son mémoire du 23 juillet 2015, tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de verser au débat les pièces déterminantes pour la solution du litige ;

Elle soutient, en ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée, que :

- l'autorisation en litige a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure d'attribution de son autorisation de recherche antérieurement demandée ; elle disposait en effet d'une autorisation de recherche minière (ARM) du 7 mai 2014 tandis que la société Secom a signé une convention, valant ARM, le 11 juillet 2014 seulement ; c'est à tort que le tribunal a écarté ce moyen au motif que la demande de la société Secom avait été instruite dans le cadre de la procédure accélérée dès lors que cette dernière n'a pas respecté les conditions requises pour bénéficier d'une telle procédure ; il appartenait au préfet de respecter le droit d'antériorité de la société Bonaretto Métal Industries (BMI) ;

- l'autorisation en litige a été délivrée selon une procédure accélérée dont les règles n'ont pas été respectées ; en effet, le dossier déposé par la société Secom était incomplet et celle-ci a outrepassé les délais pour déposer les pièces manquantes ;

- l'article 3 du décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 énonce les critères d'attribution des autorisations d'exploiter une mine et parmi ces critères figure la date du dépôt de la demande ; il s'avère qu'elle a déposé une telle demande le 20 août 2014 soit antérieurement à celle de la société Secom seulement présentée le 28 août 2014 qui, de plus, chevauchait une partie de la superficie obtenue par la société BMI en ce qui concerne l'ARM ; la société BMI pouvait se prévaloir de la qualité d'inventeur du gisement et bénéficiait ainsi du principe de l'antériorité ;

- l'arrêté d'autorisation en litige a été délivré en méconnaissance du délai de deux mois qui doit séparer la date du dépôt de la demande d'autorisation d'exploitation et la date de l'autorisation elle-même ; la procédure accélérée doit ainsi être considérée comme caduque à compter du 28 octobre 2014 ; la société Secom n'a pas non plus respecté le délai d'occupation du site qui ne peut être supérieur à trois mois ;

Elle soutient, en ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée, que :

- la demande de la société Secom a été déposée au mépris du droit d'antériorité détenu par la société BMI ; la société Secom a en effet déposé intentionnellement son dossier en choisissant une surface qui se superposait avec elle de la société BMI ; ces considérations auraient dû conduire le préfet à rejeter la demande d'autorisation de la société Secom ; en effet, en vertu des articles L. 611-1 et L. 611-9 du code minier, il appartenait à la société Secom d'obtenir l'accord de la société BMI avant de déposer sa demande d'autorisation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en ne faisant pas prévaloir le droit d'antériorité de la société BMI en application du d) de l'article 3 du décret du 6 mars 2001 ;

- le Pôle technique minier de la Guyane a communiqué à la société Secom des informations confidentielles en ce qui concerne la société BMI ;

- la délivrance de l'autorisation contestée révèle aussi une méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats à l'octroi d'une autorisation d'exploitation d'une mine ;

- la zone dans laquelle sa demande chevauchait celle de la société Secom n'était nullement concernée par la pratique de l'orpaillage illégal ; il n'est ainsi pas démontré que les forces armées étaient intervenues sur le site pour mettre fin à ces pratiques ; le recours à la procédure accélérée au profit de la société Secom révèle un détournement de procédure.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 juillet 2016 et le 13 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le caractère contradictoire de la procédure interdit au juge d'opposer à une partie des éléments résultant de mémoires ou de documents produits par une autre partie sans que ces éléments ne lui aient été au préalable communiqués afin de pouvoir y apporter des observations ; toutefois, le juge administratif a une simple faculté de solliciter des parties la communication de pièces qu'il juge utile à l'instruction ; il n'a pas à statuer expressément sur une demande de mesure d'instruction ;

Il soutient, en ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée, que :

- la société requérante n'expose nullement en quoi la procédure accélérée aurait été irrégulière ; le moyen n'est donc pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ; en tout état de cause, la procédure d'instruction accélérée menée pour la demande de la société Secom a été respectée ;

- les autorisations d'effectuer des recherches minières sont de simples autorisations de recherches minières (ARM) accordées par le propriétaire du terrain en question ; dans la mesure où la détention d'une telle autorisation ne constitue pas un préalable obligatoire à l'autorisation d'exploitation (AEX), ni sa détention, ni l'antériorité dans sa détention ne peuvent constituer des critères opérants pour la délivrance d'une autorisation d'exploitation ;

- l'antériorité de la demande d'AEX de la société BMI ne peut être considérée comme déterminante dans la mesure où la société Secom s'était engagée dans une procédure initiée bien avant que la société BMI ne manifeste son intérêt pour le secteur concerné ;

- en application de l'article 3 du décret du 6 mars 2011, outre les capacités techniques et financières, le critère de la date de dépôt de la demande ne constitue qu'un des cinq critères pris en compte pour délivrer une AEX ; par conséquent, la société requérante ne peut se fonder sur le fait qu'elle satisfait à l'un de ces critères pour considérer qu'elle devait être autorisée à exploiter sur la zone en question ; l'AEX de la société Secom répondait à un objectif de maintien de l'ordre public et fait primer cet objectif sur les critères réglementaires ;

- le fait que la société Secom n'ait pas, pour neuf jours, respecté le délai de trente jours entre son installation sur place et le dépôt de sa demande d'autorisation ne constitue pas un vice justifiant à lui seul l'annulation de l'arrêté en litige ; il en va de même en ce qui concerne le fait que l'autorisation ait été délivrée plus de deux mois après le dépôt de la demande ;

Il soutient, en ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée, que :

- une opération de police et de gendarmerie a bien eu lieu pour expulser les orpailleurs illégaux sur le site concerné par la demande de la société Secom ; le recours à la procédure d'instruction accélérée se justifiait donc ;

- la société requérante n'était titulaire que d'une autorisation de recherche minière sur son périmètre et en aucun cas d'un permis exclusif de recherches, d'un permis d'exploitation ou d'une concession ; elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la société Secom devait solliciter son autorisation, en application de l'article L. 611-9 du code minier, avant de déposer sa demande ;

- les deux pétitionnaires ne se trouvaient pas dans la même situation dans la mesure où ceux-ci ont inscrit leur demande dans le cadre de deux procédures différentes, à savoir la procédure dite normale pour la société BMI et la procédure dite accélérée pour la société Secom ; le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le préfet règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui 1'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; dès lors, le préfet pouvait valablement traiter différemment ces deux sociétés se trouvant dans des situations différentes et le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ;

- la société BMI ne peut prétendre être l'inventeur du gisement de la zone concernée par la superposition, celle-ci étant située en dehors du périmètre couvert par l'ARM ; la société BMI a, en effet, choisi de déplacer sa demande d'AEX par rapport au périmètre initial de son autorisation de recherche minière ; ce déplacement a fait entrer 1'AEX sollicitée dans la zone " Lutte contre l'orpaillage illégal " (LCOI) où se positionne la demande de la société Secom ; la société requérante n'a donc pas pu réaliser de recherche sur ce secteur en zone LCOI dès lors que celui-ci est situé en dehors du périmètre de son ARM ; elle ne peut donc pas prétendre être l'inventeur du gisement sur la partie concernée par la superposition avec l'autorisation d'exploitation de la société Secom ;

- en aucune manière, la société Secom n'a pu avoir accès à des informations confidentielles sur la société BMI grâce à l'action du pôle technique minier de Guyane.

Par ordonnance du 13 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 mars 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code minier ;

- le décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 modifié relatif aux autorisations d'exploitation des mines dans les départements d'outre-mer

- le décret n° 2004-3 74 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets, à 'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville , rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. En février 2013, l'Etat, la région Guyane et la fédération des opérateurs miniers de Guyane ont signé une déclaration d'intention destinée à lutter contre l'orpaillage clandestin en facilitant l'installation sur les sites aurifères d'entreprises minières régulièrement autorisées. A cette fin, un appel à manifestation d'intérêt a été lancé le 22 avril 2013 afin de sélectionner les opérateurs miniers à même de s'installer le plus rapidement possible sur des sites préalablement libérés de leurs occupants illégaux par les forces militaires en exécution de l'opération dite " Harpie ". C'est dans ce cadre que la candidature de la société Secom, présentée le 4 octobre 2013 sur plusieurs zones géographiques situées dans le secteur du Grand Abounami, a été retenue. Le 11 juillet 2014, la société Secom a signé avec le préfet de la région Guyane et le directeur régional de l'Office national des forêts une convention valant autorisation de recherche minière sur la zone du Grand Abounami. La société Secom a ensuite déposé une demande d'autorisation d'exploiter une mine aurifère sur le territoire de la commune de Grand-Santi, sur la crique de Loni Kondé. Par un arrêté du 30 janvier 2015, le préfet de la région Guyane a satisfait à cette demande. La société Bonaretto Metal Industries (BMI), qui a déposé une demande d'autorisation sur un périmètre recouvrant en partie celui concerné par l'arrêté du 30 janvier 2015, a contesté cette dernière autorisation devant le tribunal administratif de la Guyane et relève appel du jugement rendu le 5 novembre 2015 ayant rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans son mémoire de première instance du 23 juillet 2015, la société BMI avait sollicité du tribunal qu'il ordonne au préfet de produire un certain nombre de pièces qu'elle estimait nécessaires à la solution du litige. Il appartient toutefois au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'apprécier s'il est utile, pour le jugement de l'affaire dont il est saisi, d'ordonner la production de certaines pièces dont la communication est demandée par les parties. Ainsi, le tribunal n'était pas tenu de répondre aux conclusions de la société requérante tendant à ce qu'il soit ordonné la communication par le préfet de pièces dont il lui revenait d'apprécier souverainement l'utilité pour l'instruction de l'affaire. Dès lors, la société BMI n'est pas fondée à soutenir que le tribunal, en ne répondant pas aux conclusions dont il était saisi, aurait méconnu le principe du contradictoire et entaché ainsi son jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 janvier 2015 :

3. Comme il a été dit précédemment, l'Etat, le conseil régional et la fédération des opérateurs miniers de la Guyane ont institué une procédure ad hoc destinée à sélectionner des opérateurs à même de s'installer avec célérité sur des sites libérés de leurs occupants irréguliers par les forces militaires. Cette procédure a été initiée par un appel à manifestation d'intérêt daté du 22 avril 2013 et pilotée par le Pôle technique minier de la Guyane en charge de l'examen des candidatures avec l'assistance d'une commission d'étude. Parmi les critères de sélection, énumérés à l'article 5 de l'appel à manifestation d'intérêt, figure la capacité des candidats à se déployer sur le terrain dans un délai très court. L'annexe 2 à l'appel à manifestation d'intérêt précise que la procédure se poursuit par le lancement d'appels à projet visant à organiser l'installation à bref délai, sur des zones sécurisées, des opérateurs sélectionnés. Selon l'annexe 2, les candidats éligibles pourront signer avec l'administration une convention valant autorisation de recherche minière et disposeront d'un délai maximal de trente jours à compter de la fin de la période réservée à leur installation pour finaliser leur demande d'autorisation d'exploiter en apportant notamment la preuve de l'existence d'un gisement. Il est également demandé aux opérateurs retenus de faire réaliser un état initial du site à joindre au dossier de demande d'autorisation.

4. Cette procédure ad hoc a donc pour finalité de sélectionner des opérateurs destinés à s'installer sur des sites aurifères sécurisés. Elle prévoit explicitement que ces opérateurs, une fois sur place, devront déposer une demande d'autorisation d'exploitation minière. Ainsi, la mise en oeuvre préalable de cette procédure ad doc, eu égard à la finalité particulière qu'elle poursuit, n'a eu ni pour objet ni pour effet d'exclure les demandes d'autorisation d'exploitation aurifère, présentées par l'opérateur une fois installé sur les lieux, du champ d'application des règles de droit commun définies notamment par le décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 relatif aux autorisations d'exploitation des mines dans les départements d'outre-mer. S'il est vrai que l'administration a entendu accélérer l'instruction de ces demandes en prévoyant qu'elles devront être déposées dans les trente jours suivant l'installation sur place de l'opérateur et qu'une décision interviendrait dans les deux mois suivant le dépôt desdites demandes, cette circonstance n'a eu ni pour objet ni pour effet d'exclure l'application à l'instruction de ces dernières des règles de procédure et de fond issues du décret du 6 mars 2001.

5. Par suite, le tribunal ne pouvait, comme il l'a fait, juger que les moyens soulevés par la société BMI tirés de la violation, par l'arrêté du 30 janvier 2015, des dispositions régissant la délivrance d'autorisation d'exploitation de droit commun étaient inopérants au motif que la société Secom, titulaire de ladite autorisation, s'était initialement positionnée dans le cadre du régime particulier défini dans l'appel à manifestation d'intérêt et ses annexes.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret n° 2001-204 du 6 mars 2001 relatif aux autorisations d'exploitation des mines dans les départements d'outre-mer : " Pour l'application des dispositions de l'article 68 du code minier, les critères de délivrance d'une autorisation d'exploitation sont, outre les capacités techniques et financières : a) La qualité technique des programmes de travaux présentés ; b) La compétence dont le demandeur a fait preuve à l'occasion d'éventuelles autorisations antérieures, particulièrement en ce qui concerne la protection des intérêts mentionnés aux articles 79 et 79-1 du code minier et le respect des prescriptions édictées, le cas échéant, en application de l'article 68-2 du code minier ; c) L'éventuelle proximité d'une zone déjà exploitée par le demandeur ; d) La date du dépôt de la demande. e) En Guyane, lorsque la demande d'autorisation d'exploitation porte sur un espace compris dans la zone 2 du schéma départemental d'orientation minière, la démonstration de l'existence d'un gisement qui permette d'évaluer l'importance de la ressource et sa localisation avec une précision suffisante pour à la fois éviter des atteintes à l'environnement inutiles et assurer une implantation et une conduite optimales du chantier ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité compétente d'instruire les demandes d'autorisation dont elle est saisie au regard de l'ensemble des critères ainsi énumérés sans privilégier l'un quelconque d'entre eux. Ainsi, la société BMI ne peut se prévaloir de la seule circonstance que sa demande a été déposée antérieurement à celle de la société Secom pour soutenir que l'autorisation en litige ne pouvait régulièrement être délivrée à cette dernière. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que huit jours seulement séparent la date de la demande de la requérante de celle de la société Secom. Quant au moyen de la société BMI tiré de ce que le préfet n'aurait pas instruit les demandes dont il était saisi au regard des autres critères prévus à l'article 3 précité du décret du 6 mars 2001, il n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

8. En second lieu, la requérante soutient que la société Secom n'a pas déposé sa demande d'autorisation d'exploitation dans le délai de trente jours, mentionné à l'annexe 2 à l'appel à manifestation d'intérêt, suivant son installation sur le site et qu'elle a omis de compléter son dossier dans le délai prévu. Toutefois, il résulte de l'article 3 de l'appel à manifestation d'intérêt que les manquements ainsi allégués ont seulement pour effet de rendre caduque l'autorisation de recherche minière délivrée dans le cadre de la procédure accélérée. Ils sont en revanche sans incidence sur la légalité de l'arrêté d'autorisation du 30 janvier 2015 en litige.

9. En troisième lieu, les délais accélérés d'instruction prévus dans le cadre de la procédure ad hoc ne sont pas prescrits à peine de nullité. Par suite, la requérante ne peut utilement contester la légalité de l'arrêté du 30 janvier 2015 au motif que le préfet s'est abstenu de se prononcer sur la demande d'autorisation dans les deux mois suivant son dépôt. Au surplus, un tel retard n'a pas privé les tiers d'une garantie ou exercé une influence sur le sens de la décision prise.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code minier : " Outre la concession ou l'exploitation par l'Etat mentionnées à l'article L. 131-1, dans les départements d'outre-mer, les mines (...) peuvent également être exploitées en vertu d'une autorisation d'exploitation ou d'un permis d'exploitation. ". Aux termes de l'article L. 611-3 du même code : " L'acte octroyant l'autorisation d'exploitation confère à son détenteur, à l'intérieur des limites qu'il fixe, l'exclusivité du droit de faire tous travaux de recherches et d'exploitation des substances qu'il mentionne. ". Aux termes de l'article L. 611-9 dudit code : " I. - Sous réserve de l'accord du détenteur d'un permis exclusif de recherches, d'un permis d'exploitation ou d'une concession, une autorisation d'exploitation peut être délivrée à un tiers sur une zone située à l'intérieur du périmètre de ce titre pour une durée égale au plus à la durée de validité restante du titre (...) ".

11. Il est constant que la société BMI n'était pas titulaire d'un permis exclusif de recherches, d'un permis d'exploitation ou d'une concession ou encore d'une autorisation d'exploitation au sens des dispositions précitées. Elle disposait simplement d'une autorisation de recherche minière depuis le 7 mai 2014. Par suite, la société BMI ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'autorisation de recherche lui a été délivrée antérieurement à celle qu'a obtenue la société Secom pour soutenir que cette dernière devait obtenir, en application de l'article L. 611-9 du code minier, son accord pour déposer un dossier d'autorisation d'exploitation.

12. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur concerné par l'arrêté d'autorisation en litige était préservé de l'orpaillage illégal comme l'allègue la société requérante. Un tel constat ne saurait, en particulier, être tiré de l'état des lieux établi par la société BMI elle-même à l'appui de sa propre demande d'autorisation. Par suite, ce moyen doit être écarté, en tout état de cause.

13. En sixième lieu, la société BMI soutient que l'arrêté du 30 janvier 2015 en litige a été pris en méconnaissance de son droit d'antériorité dès lors qu'elle a obtenu une autorisation de recherche minière antérieurement à celle délivrée à la société Secom. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration d'instruire et de statuer en priorité sur les demandes d'autorisation d'exploiter présentées par les opérateurs ayant obtenu en premier une autorisation de recherche minière. Le moyen soulevé manque ainsi en droit.

14. En septième lieu, la circonstance que la société BMI ait déposé sa demande d'autorisation d'exploitation huit jours avant la société Secom ne lui confère pas un droit d'antériorité dès lors que, comme dit au point 7, la date de dépôt des demandes constitue un critère parmi d'autres dont il appartient au service instructeur de tenir compte en application des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 6 mars 2001. Au demeurant, la société Secom s'était positionnée dès octobre 2013, soit bien avant que la requérante dépose ses demandes d'autorisation de recherche minière puis d'exploitation, à la suite de l'appel à manifestation d'intérêt. Et si la candidature de la société Secom a été retenue dans ce cadre, c'est au motif qu'elle avait justifié de ses capacités opérationnelles à occuper le site libéré, contrairement à la société BMI qui a choisi de ne pas se positionner après l'appel à manifestation d'intérêt du 22 avril 2013.

15. En huitième lieu, il ressort des pièces du dossier que la zone de superposition des autorisations de recherches minières délivrées à la requérante et à la société Secom ne concerne qu'une infime partie des périmètres respectifs couverts par ces autorisations. Les opérations de prospection de la société Secom ont été réalisées pour partie dans le périmètre de la zone dite LCOI (lutte contre l'orpaillage illégal) contrairement à celles effectuées par la requérante qui se sont situées en dehors de cette zone. Il ressort des pièces du dossier que la société BMI, une fois ses opérations de prospection terminées, a constitué sa demande d'autorisation en déplaçant son champ d'exploitation pour le faire entrer dans la zone dite LCOI et chevaucher une partie du périmètre d'exploitation de la société Secom tel qu'autorisé par l'arrêté du 30 janvier 2015 en litige. Toutefois, eu égard à la localisation du périmètre de son autorisation de recherche, la requérante ne pouvait effectuer ses prospections en dehors de celle-ci, en particulier à l'intérieur de la zone dans laquelle la société Secom s'était positionnée. Par suite, la société BMI n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elle est l'inventeur du gisement que la société Secom a été autorisée à exploiter par l'arrêté contesté du 30 janvier 2015.

16. En neuvième lieu, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'administration aurait communiqué à la société Secom, dans le but de privilégier sa candidature, des informations confidentielles sur les localisations des périmètres de recherche attribués à la société requérante. Par suite, la société BMI n'est pas fondée à soutenir que les conditions dans lesquelles l'arrêté du 30 janvier 2015 en litige a été délivré révèle une atteinte au principe d'égalité de traitement entre les candidats à l'exploitation de mines aurifères.

17. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 30 janvier 2015 en litige aurait résulté d'un détournement de procédure.

18. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication des pièces sollicitées, que la société BMI n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 16BX00538 présentée par la société Bonaretto Metal Industries est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bonaretto Metal Industries, à la société Secom et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00538
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Mines et carrières - Mines.

Mines et carrières - Mines - Exploitation des mines - Régime juridique - Permis d'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELASU PRÉVOT MURIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-09;16bx00538 ?
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