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08/10/2018 | FRANCE | N°16BX02772

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2018, 16BX02772


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société " Régal des îles " a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler le contrat de délégation de service public pour la gestion du service de restauration municipale conclu le 8 janvier 2014 par la commune de Saint-Benoît avec la société gestion des cuisines centrales Réunion (SOGECCIR) et, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 8 758 890 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1400212 du 3

1 mars 2016, rectifié par ordonnance du 13 juin 2016, le tribunal administratif de La...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société " Régal des îles " a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler le contrat de délégation de service public pour la gestion du service de restauration municipale conclu le 8 janvier 2014 par la commune de Saint-Benoît avec la société gestion des cuisines centrales Réunion (SOGECCIR) et, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 8 758 890 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1400212 du 31 mars 2016, rectifié par ordonnance du 13 juin 2016, le tribunal administratif de La Réunion, après avoir requalifié le contrat litigieux en marché public et estimé que celui-ci était affecté de plusieurs vices présentant un caractère de particulière gravité, a prononcé la résiliation du marché à compter du premier jour du sixième mois suivant la notification du jugement, mis à la charge de la commune de Saint-Benoît la somme de 2 000 euros à verser à La société " Régal des îles " sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 9 août 2016, 3 avril 2017 et 19 janvier 2018, la commune de Saint-Benoît, représentée en dernier lieu par la SCP Monod-Colin-Stoclet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mars 2016 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société " Régal des îles " ;

3°) de mettre à la charge de la société " Régal des îles " la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre liminaire, les services de restauration collective organisés par les collectivités publiques constituent une activité de service public pouvant donner lieu à délégation de service public confié à un exploitant la gestion globale de ce service ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la procédure en cause doit être regardée comme portant sur un contrat de délégation de la gestion courante de service de restauration municipale, au sens des dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, et non comme un marché public, point sur lequel la société Régal des îles n'avait d'ailleurs jamais émis la moindre protestation et qui a été confirmé par le juge des référés précontractuel du tribunal administratif dans une ordonnance du 6 janvier 2014 ;

- à cet égard, la définition et la mise au point du contrat de délégation de service public actuel, effectuées avec le concours d'un assistant à maitrise d'ouvrage, ont été réalisées avec le souci constant pour la collectivité territoriale de ne retenir aucun mécanisme de nature à faire perdre toute notion de risque au délégataire, pouvant entraîner une requalification du contrat en marché public, ainsi qu'il ressort des clauses contractuelles concernant tant la part de la rémunération du délégataire liée aux résultats de l'exploitation, les opérations mises en oeuvre par la collectivité pour s'assurer de la prise de risque du délégataire, le pointage des usagers et la facturation des repas ;

- dans ces conditions, et alors même qu'une subvention forfaitaire d'exploitation (SFE) est versée par la commune, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le contrat de délégation de service public comportait une rémunération du cocontractant de la commune fondée sur une absence de réels risques d'exploitation ;

- la société Régal des îles ne peut raisonnablement soutenir que la subvention complémentaire sur les repas comptés est liée au nombre de repas effectivement élaborés donc comptés, pas nécessairement servis, sans tenir compte d'éventuels impayés, dès lors que mis à part l'hypothèse des prestations commandées au profit des AEJE etA..., la subvention complémentaire est calculée en fonction du nombre de repas effectivement servis ;

- le mécanisme de commande prévisionnel vise uniquement à permettre au gestionnaire d'assurer une gestion rationnelle et optimale des stocks et de limiter le gaspillage des repas qui ne seraient pas consommés et ne prémunit pas le délégataire contre le risque de fréquentation qu'il assume ;

- par ailleurs, la société Régal des îles ne démontre pas que les stipulations de l'article 47 du contrat litigieux permettraient d'exclure tout risque d'exploitation, dès lors qu'elles ne confèrent aucun droit automatique à une révision des prix ;

- alors qu'en 2008, soit au bout de dix ans d'exercice, le délégataire constatait des impayés cumulés dans l'ancien contrat à hauteur de 312 622 euros, le contrat actuel, d'une durée de dix ans, prévoit, en son article 45.3, que le délégataire assume la charge financière des impayés sur toute la durée du contrat et pourra rechercher avec les services sociaux compétents des solutions amiables de règlement des litiges ;

- à cet égard, la provision pour impayés n'avait pas pour objet ou pour effet de prémunir le délégataire contre le risque d'impayés ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la SOGECCIR aurait dû indiquer le montant prévisionnel des recettes tirées de la confection de repas vendus à des tiers dès lors que la redevance prévue à l'article 49 du contrat n'est pas prédéfinie forfaitairement, mais calculée en fonction du chiffre d'affaires qui sera effectivement réalisé chaque année, raison pour laquelle le compte d'exploitation prévisionnel remis par la SOGECCIR n'indique pas, dans la ligne intitulée " redevances de repas pour tiers ", de montant forfaitaire pour chaque année d'exploitation mais comporte un commentaire qui renvoie au contrat et intitulé " reversement d'une part du chiffre d'affaires prévu au projet de contrat " ;

- elle entend rappeler par ailleurs qu'aux termes des articles 34 et 35 du projet de contrat, le risque du renouvellement des matériels est assumé par le délégataire, la cuisine centrale ayant été mise en service il y a dix ans et d'importants matériels de la cuisine devant être renouvelés, sachant que l'article 5.1 du contrat assure la dévolution à l'exploitant du risque de la gestion patrimoniale des installations et autres ouvrages de la cuisine centrale en sus de l'entretien et de la maintenance courante des infrastructures ;

- s'agissant de la procédure de passation suivie, la société Régal des îles a fait le choix de ne pas saisir l'opportunité de vendre des repas aux tiers, choix qui ne saurait dès lors constituer un manquement de la commune à ses obligations au cours de la procédure de passation ;

- la société Régal des îles ayant remis une offre irrégulière, elle ne saurait prétendre à une quelconque indemnisation ;

- outre que la société Régal des îles ne remet pas en cause les motifs retenus par le tribunal administratif et tirés de ce qu'aucun des vices retenus n'est la cause directe de son éviction, l'indemnité de 8 758 890 euros sollicitée par l'intéressée est manifestement excessive ;

- par ailleurs, si la cour devait confirmer les motifs du jugement attaqué, qui qualifient d'excessif la durée de dix ans du contrat litigieux, la société Régal des îles ne saurait solliciter une indemnité au titre du " bénéfice net attendu " sur une durée de dix ans et, en toute hypothèse, elle ne saurait solliciter une indemnité à ce titre pour la période postérieure au 5 décembre 2017, date à laquelle elle a conclu un nouveau marché public pour l'exploitation de la cuisine centrale et la gestion du service de restauration rapide.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 décembre 2016 et 4 janvier 2018, la société " Régal des îles ", représentée par la SCP Saubert et Me B..., conclut à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il a requalifié le contrat litigieux en marché public, au rejet de la requête d'appel, à titre reconventionnel, à la condamnation de la commune de Saint-Benoît à lui verser la somme de 8 758 890 euros et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la commune appelante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- en se bornant à soutenir que le contrat signé avec SOGECCIR serait une délégation de service public en arguant de ce que les conditions du nouveau contrat seraient plus strictes que celle conclue auparavant et durant quinze ans, la commune n'émet aucune critique directe à l'encontre du jugement dont elle fait appel ;

- en outre, l'existence d'un service public communal ne suffit pas à considérer que son exécution par contrat confiée à un tiers implique nécessairement l'existence d'une délégation de service public dès lors que la jurisprudence retient comme élément déterminant de la qualification du contrat le mode de rémunération de son titulaire, le critère du risque constituant ainsi un élément intrinsèque du critère financier ;

- or en l'espèce, il résulte de la seule rédaction de l'article 44.1 du projet de contrat que la rémunération du délégataire n'est pas substantiellement liée aux résultats de l'exploitation puisque, sans même compter le complément du prix unitaire au repas servi couvrant les charges variables, au moins 60 % de la rémunération annuelle du délégataire est assurée par le versement d'une subvention, constitutive d'un prix, par la commune ;

- alors que l'article 45.3 du contrat litigieux prévoit lui-même que le prix du repas intègre une provision pour impayés, le prétendu risque est réduit considérablement puisque le prévisionnel du nombre de repas est réactualisé soit la veille de la livraison des repas pour plus de 90 % des usagers (les scolaires), soit le jour même de la livraison du repas à 9 h, pour les autres exceptés les EAJE ;

- quant à l'article 49 du contrat, il donne la possibilité au prestataire de repas d'utiliser la cuisine centrale de Saint Benoit pour confectionner des repas vendus à des tiers, donc en dehors des usagers cités ci-dessus, contre une redevance versée à la commune calculée sur le chiffre d'affaires de celte activité ;

- dans le même sens, le contrat contient un article 47 portant sur le réexamen des conditions financières du contrat, notamment si le nombre annuel de repas fabriqués connaît une augmentation ou une diminution d'au moins 20 %, si l'évolution des indices entraîne une évolution des prix et/ou de la SFE supérieure à 20 % et si le montant des impôts et taxes à charge du délégataire augmente de plus de 30 % par rapport à l'exercice antérieur ;

- dès lors, il n'y a pas de réel transfert de risque d'exploitation, de sorte qu'il est impossible de reconnaître ici que la rémunération de la SOGECCIR est substantiellement assurée par les résultats d'exploitation ;

- en tentant, comme le fait la commune en l'espèce, de décliner les risques suivant tous les aléas pouvant exister dans le cadre d'une prestation, la notion de marché public elle-même risquera de disparaître puisqu'il serait alors possible d'évoquer tout risque également pour le titulaire d'un marché public en prenant compte ses dépenses d'approvisionnements, ses éventuels soucis concernant son personnel et ses outillages ou, encore, le risque d'une détérioration de l'ouvrage sous sa garde ;

- à cet égard, dans un arrêt n° 407213 du 24 mai 2017, Société Régal des Iles, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi contre l'ordonnance du 9 janvier 2017 par laquelle le juge des référés a rejeté son recours contre la convention de gestion provisoire conclue le 28 novembre 2016 par la commune de Saint Benoit avec la société Dupont Restauration Réunion, a considéré que la part de risque transférée au délégataire n'implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et que le cocontractant ne peut être regardé comme supportant un risque lié à l'exploitation du service, de sorte que la convention litigieuse ne revêt pas le caractère d'un contrat de concession, et donc d'une délégation de service public, mais celui d'un marché public ;

- si, par extraordinaire, il devait être considéré que ce contrat est une délégation de service public, plusieurs irrégularités ont affecté sa passation ;

- en effet, une rupture d'égalité de traitement des candidats doit être relevée dès lors que la commune a sollicité des candidats qu'ils indiquent le détail des prestations de repas aux tiers, alors que seule la SOGECCTR pouvait remplir cette obligation en sa qualité de titulaire du précédent contrat disposant de la cuisine centrale de Saint Benoît ;

- en outre, il ressort de l'étude du compte prévisionnel d'exploitation fourni par la société SOGECCIR qu'il contient plusieurs omissions et incohérences ayant eu pour effet de minorer artificiellement le montant final de son offre, celle-ci n'ayant pas indiqué le total réel de ses charges de personnel ni rempli les lignes du compte relatives à la redevance de repas pour tiers et aux recettes issues des EAJE (Etablissements d'accueil du jeune enfant) et ALSH (Accueils de loisir sans hébergement), lui permettant d'obtenir la première place devant la société Régal des Iles ;

- l'absence de renseignement de ces rubriques démontre que l'offre de la société SOGECCIR était soit irrégulière, en ce qu'elle ne satisfait pas aux exigences posées par la commune pour la gestion du service public de restauration municipale, soit incomplète, ce qui aurait dû conduire à son rejet ;

- la société SOGECCIR ne pouvait indiquer dans son compte d'exploitation prévisionnel définitivement établi et contractualisé une marge de 166 765 euros alors qu'application faite de la formule de calcul imposée par la collectivité, ce résultat aurait dû être de zéro ;

- par suite, en attribuant le contrat litigieux à la société SOGECCIR, la commune a manqué à ses obligations de transparence et de traitement égal des candidats ;

- aucun élément du contrat ne justifie une durée de 10 ans au regard des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;

- compte tenu de l'ensemble de ces irrégularités, elle a perdu une chance très sérieuse d'obtenir le contrat litigieux, de sorte qu'elle a droit à la réparation de son manque à gagner, qui doit être fixé à 8 754 890 euros sur dix ans, durée prévisionnelle du contrat ;

- la circonstance qu'elle a été désignée attributaire du marché lancé sous la forme d'un appel d'offres ouvert pour l'exploitation de la cuisine centrale et la gestion du service de restauration municipale de la commune de Saint-Benoît, selon avis d'attribution n° 17-169015 publié le 7 décembre 2017, prouve qu'elle avait des chances sérieuses de remporter le marché litigieux, lequel a été improprement qualifié de délégation de service public par la commune de Saint-Benoît ;

- quant aux frais engagés pour la présentation de son offre, ils s'élèvent à la somme de 4 000 euros.

Par ordonnance du 19 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- les décisions n° 358994 du 4 avril 2014 et n° 383149 du 5 février 2016 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la société Régal des Iles.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention signée en 1998, la commune de Saint-Benoît a confié à la société gestion cuisines centrales Réunion (SOGECCIR) la construction de la cuisine centrale de la commune et l'exploitation du service de restauration municipale pour une durée de quinze années, devant expirer le 31 décembre 2013. Quelques mois avant cette échéance, la commune de Saint-Benoît a, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 29 juillet 2013 dans le journal de l'Ile de La Réunion et le 30 juillet 2013 au BOAMP, lancé une procédure ouverte de passation d'une convention de délégation de service public pour la gestion de son service de restauration municipale, sur le fondement des dispositions des articles L. 1411-1 et R. 1441-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Ainsi que le précisait le règlement de la consultation, le contrat, destiné à prendre effet au 1er janvier 2014 pour une durée de dix ans, avait pour objet de " déléguer l'exploitation de la cuisine centrale assurant ainsi la production en liaison mixte et la livraison de repas " à destination principale des écoles, des accueils collectifs des mineurs (A...) et des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), le nombre total de repas estimés pour l'année 2013-2014 étant d'environ 830 000 repas. Par une lettre du 2 décembre 2013, la société " Régal des îles ", entreprise candidate, a été informée par le maire de la commune de Saint-Benoît de ce que son offre, classée en deuxième position, n'avait pas été retenue, au profit de celle de la SOGECCIR, titulaire de la précédente convention. Après avoir saisi le juge des référés précontractuel du tribunal administratif de La Réunion d'un recours tendant à l'annulation de la procédure de passation de ce contrat, qui a été rejeté par ordonnance n° 1301376 du 6 janvier 2014 devenue définitive, la société " Régal des îles " a présenté devant ce même tribunal un recours en contestation de la validité de ce contrat, conclu le 8 janvier 2014 par la commune de Saint-Benoît avec la SOGECCIR, assorti d'une réclamation indemnitaire en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction, d'un montant de 8 758 890 euros. Par un jugement du 31 mars 2016 rectifié par ordonnance du 13 juin 2016, le tribunal administratif de La Réunion, après avoir requalifié le contrat litigieux en marché public et estimé que celui-ci était affecté de plusieurs vices présentant un caractère de particulière gravité, a prononcé la résiliation du contrat à compter du premier jour du sixième mois suivant la notification du jugement et rejeté le surplus de sa demande. La commune de Saint Benoit doit être regardée comme demandant la réformation de ce jugement en tant qu'il a déclaré la procédure irrégulière et prononcé la résiliation du contrat litigieux avec un effet différé. La société " Régal des Iles " demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions indemnitaires.

Sur l'appel principal :

2. Indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. Saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat. D'une part, la décision susvisée n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que le recours qu'elle a défini ne trouve à s'appliquer et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu'à l'encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision. Il en résulte que le recours formé par la société " Régal des îles " contre le contrat en litige, signé antérieurement à cette décision, doit être apprécié au regard des règles applicables avant ladite décision, qui permettaient à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure un contrat administratif d'invoquer tout moyen à l'appui de son recours contre le contrat. D'autre part, antérieurement à ladite décision, la qualité de concurrent évincé était reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu'il n'aurait pas présenté sa candidature, qu'il n'aurait pas été admis à présenter une offre ou qu'il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable.

En ce qui concerne la requalification du contrat litigieux effectuée par le tribunal :

3. D'une part, aux termes de l'article 1er du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret n° 2006-975 du 1er août 2006, en vigueur à la date de la signature du contrat litigieux : " (...) Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. (...) / Les marchés publics de services sont les marchés conclus avec des prestataires de services qui ont pour objet la réalisation de prestations de services. (...) / Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : (...) / 2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. (...) ". Selon l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que pour qualifier un contrat de délégation de service public et en déduire les règles qui s'appliquent à sa passation, il appartient au juge, non seulement de déterminer l'objet du contrat envisagé, mais aussi d'apprécier si les modalités de rémunération du cocontractant sont substantiellement liées aux résultats de l'exploitation de l'activité.

4. D'autre part, aux termes de l'article 2 du contrat litigieux : " Par le présent contrat, la collectivité délègue au Délégataire qui l'accepte la gestion du service public de restauration municipale. / La gestion du service est assurée par le Délégataire à ses risques et périls (...). / Le Délégataire est seul responsable de la gestion financière du service de restauration notamment vis-à-vis des fournisseurs et de son personnel. / Il perçoit auprès des usagers un prix fixé par la Collectivité (...). ". Aux termes de l'article 14 de ce contrat : " Le service est assuré : - pour la restauration scolaire : tous les jours scolaires (140 jours par an environ) le midi ; / - pour les accueils de loisir : en période scolaire le mercredi midi et pendant les vacances scolaires (90 jours par an environ) le midi et pour le goûter ; / pour les 3 EAJ existants : du lundi au vendredi sauf fermetures exceptionnelles des EAJE (226 jours par an environ) pour le repas du midi et le goûter ; / pour l'EAJE à ouvrir : du lundi au vendredi sauf fermetures exceptionnelles de l'EAJE (86 jours par an environ) pour le repas du midi et le goûter ". En vertu de l'article 16.2 dudit contrat : " Au plus tard à partir de la rentrée scolaire 2014, le Délégataire met en place un système d'information fiable, simple et performant pour effectuer le pointage exact du nombre de repas commandés et de l'identité des convives consommant un repas. (...) / La Collectivité informe le Délégataire du nombre exact de repas à livrer, selon le mode opératoire suivant : - pour les scolaires : entre le 25 et 30 du mois, la collectivité envoie un prévisionnel de repas à produire chaque jour scolaire pour le mois suivant. Ce prévisionnel est confirmé la veille du jour de consommation ; / - pour les EAJE : envoi d'un prévisionnel de repas le vendredi pour la semaine qui suit ; / pour les accueils de loisirs en période scolaire : envoi d'un prévisionnel du mercredi a minima 24 heures avant (soit le mardi). Ce prévisionnel est confirmé avant 9h00 le jour de consommation ; / pour les accueils de loisirs pendant les périodes de vacances : envoi d'un prévisionnel hebdomadaire le jeudi de la semaine précédente. Ce prévisionnel est confirmé avant 9h00 le jour de consommation ; (...) Le risque économique du délégataire porte donc sur la différence entre les repas comptabilisés et/ou commandés et les repas servis, ainsi que sur les impayés. ". Aux termes de l'article 44.1 de ce contrat : " Le délégataire responsable du service l'exploite à ses risques et périls. Sa rémunération est établie sur la base du prix fixé dans les conditions ci-dessous. Ce prix est composé : - d'une subvention forfaitaire d'exploitation annuelle (SFE) couvrant les charges fixes. / - d'un complément de prix unitaire au repas servi couvrant les charges variables. Le Délégataire perçoit les recettes sur les usagers. Le risque économique du délégataire porte donc sur la différence entre les repas comptabilisés et/ou commandés et les repas servis ainsi que sur les impayés. ". Aux termes de l'article 44.2 de ce même contrat : " (...) Charges fixes (subvention forfaitaire d'exploitation annuelle = SFE) : Ces postes correspondent aux charges fixes pour l'ensemble du service, sur la base d'une fréquentation annuelle de 830 000 euros / an. (...) / La SFE représente au moins 60 % du montant total de la rémunération annuelle du délégataire. / Charges variables (complément de prix unitaire au repas servi selon comptage du service du midi) : Ces postes correspondent aux charges variables pour l'ensemble du service, proportionnelles au nombre de repas (...) / Le compte d'exploitation prévisionnel fourni par le Délégataire détaille les charges fixes et les charges variables et est annexé au présent contrat (annexe 11) (...) ". L'article 45.3 dudit contrat stipule : " Le délégataire fait son affaire des impayés étant entendu qu'il pourra rechercher avec les services sociaux compétents des solutions amiables de règlement des litiges. / Le Délégataire assume la charge financière des impayés sur toute la durée du contrat. Le prix du repas intègre en conséquences une provision pour impayés. (...) ".

5. Pour soutenir que la convention litigieuse constitue une délégation de service public en sens des dispositions de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, ce dont elle indique s'être d'ailleurs assurée lors de la définition de ses clauses en recourant à un assistant à maitrise d'ouvrage, la commune de Saint-Benoît se prévaut, comme elle d'a déjà fait devant les premiers juges, de ce que les services de restauration collective organisés par les collectivités publiques constituent une activité de service public pouvant donner lieu à délégation de service public et de ce que le délégataire assure, en l'espèce, la gestion de ce service à ses risques et périls en percevant auprès des usagers un prix fixé par la collectivité. Toutefois, il résulte des termes mêmes des stipulations précitées des articles 44.1, 44.2 et 45.3 du contrat litigieux que le prix des prestations réalisées par le délégataire intègre, d'une part, une subvention forfaitaire d'exploitation annuelle (SFE) couvrant les charges fixes et devant représenter au moins 60 % du montant total de sa rémunération annuelle ainsi que, d'autre part, une provision destinée à couvrir les éventuels impayés susceptibles de se produire en cours d'exécution du contrat, le délégataire percevant en outre un complément de prix unitaire au repas servi couvrant les charges variables, notamment liées à l'approvisionnement en denrées alimentaires. Ainsi, le risque économique du délégataire ne porte que sur la différence entre les repas comptabilisés et/ou commandés et les repas servis ainsi que sur les impayés. A cet égard, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il résulte du compte d'exploitation prévisionnel joint à son offre par la SOGECCIR, gestionnaire sortant de la cuisine municipale de Saint-Benoît, que pour chacune des dix années d'exécution du contrat, celle-ci évalue ses recettes, d'un montant total de 4 940 986 euros, égal au montant prévisionnel des dépenses, comme provenant de 3 161 728 euros de la subvention forfaitaire d'exploitation annuelle (SFE), de 1 055 258 euros de la subvention unitaire au repas servi et pour seulement 724 000 euros des recettes des écoles, de sorte que les recettes retirées par la SOGECCIR en provenance des usagers ne représentent que 15 % du montant total des recettes, 64 % provenant de la SFE, et 21 % de la subvention complémentaire versée au titre des charges variables. En outre, le risque d'une différence entre le nombre de repas servis et le nombre de repas commandés se trouve notablement réduit par le dispositif de commande prévu par le stipulations précitées de l'article 16.2 de la convention litigieuse, en vertu desquelles le prévisionnel de repas établi par la commune de Saint Benoit doit être confirmé au délégataire la veille du jour de consommation pour les scolaires ou avant 9 h 00 le jour-même de consommation pour les accueils de loisirs, tant en période scolaire qu'en période de vacances. Par ailleurs, compte tenu de l'objet du service, consistant en la fourniture de repas pour les cantines scolaires, pour les crèches et pour les centres aérés, pour un total prévu, par l'article 14 du contrat, de 140 jours par an environ pour la restauration scolaire, 90 jours par an environ pour les accueils de loisir et 226 jours par an environ pour les 3 EAJ existants, le nombre d'usagers n'est pas non plus susceptible de variations substantielles durant l'exécution de la convention. Dans ces conditions, et alors même qu'ainsi que le soutient la commune de Saint-Benoît en appel, le nouveau dispositif de pointage et de facturation instauré à compter de 2014 exigeait un important changement de pratique pour le délégataire et pour les familles et avait engendré une dégradation des impayés au 31 décembre 2014 de 198 081 euros, la part de risque transférée au délégataire n'implique pas une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que le cocontractant ne peut être regardé comme supportant un risque lié à l'exploitation du service, ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt n° 407213 du 24 mai 2017 rendu dans le cadre du recours, formé par la société " Régal des Iles ", contre la convention provisoire pour la gestion du service public de restauration municipale signée le 28 novembre 2016 par la collectivité territoriale avec la société Dupont Restauration Réunion. Par suite, la convention litigieuse ne revêt pas le caractère d'une délégation de service public, mais celui d'un marché public de services.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par, le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a procédé à une telle requalification du contrat litigieux.

En ce qui concerne la résiliation du contrat prononcée par le tribunal :

7. Pour prononcer, par le jugement attaqué, la résiliation du marché public litigieux, les premiers juges ont relevé qu'il avait été attribué à la SOGECCIR sans que le contenu et les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des offres n'aient été définis, pour une durée excessivement longue de dix ans et sans publication d'un avis d'attribution de niveau européen et que de tels vices, considérés dans leur ensemble, et qui ne sont régularisables que pour ce qui concerne le durée du contrat, présentent un caractère de particulière gravité.

8. La commune de Saint-Benoît, qui ne conteste pas dans ses écritures d'appel ce motif retenu par le tribunal, n'établit ni même n'allègue que la mesure ainsi prononcée serait inappropriée à la gravité des vices susmentionnés.

Sur l'appel incident de la société Régal des Iles :

9. D'une part, lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure d'attribution, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. D'autre part, lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation.

10. La société Régal des Iles demande, en sa qualité de concurrente évincée, la condamnation de la commune de Saint-Benoît à lui verser les sommes de 8 754 890 euros en réparation de son manque à gagner sur dix ans et 4 000 euros au titre du remboursement des frais engagés pour la présentation de son offre dans le cadre de la passation du marché litigieux. Toutefois, en se bornant à se prévaloir de ce que " si, par extraordinaire, il devait être considéré que ce contrat est une délégation de service public ", la cour " ne pourrait que constater les irrégularités qui en ont affecté la passation ", dès lors que l'égalité de traitement des candidats a été méconnue, que le compte prévisionnel d'exploitation fourni par la société SOGECCIR contient plusieurs omissions et incohérences ayant eu pour effet de minorer artificiellement le montant final de son offre, et qu'aucun élément du contrat ne justifie une durée de dix ans au regard des dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, la société Régal des Iles ne remet pas utilement en cause le motif retenu par les premiers juges pour rejeter ces deux demandes. En outre, et contrairement à ce que soutient l'intimée, la seule circonstance que la commune de Saint-Benoît lui ait attribué plusieurs années plus tard, par avis publié le 7 décembre 2017, le marché portant sur l'exploitation de la cuisine centrale ne saurait suffire à établir qu'elle disposait de chances sérieuses d'emporter le marché dans le cadre de la présente procédure, mise en oeuvre au cours de l'année 2013. Dès lors, ses conclusions indemnitaires, présentées par la voie de l'appel incident, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint Benoit est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Régal des Iles présentées par la voie de l'appel incident et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Benoît, à la société Régal des Iles et à la société gestion cuisines centrales Réunion (SOGECCIR).

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

N° 16BX02772

N° 16BX02772


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02772
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Diverses sortes de contrats - Marchés.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : RAPADY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-08;16bx02772 ?
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