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08/10/2018 | FRANCE | N°16BX01776

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2018, 16BX01776


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 1er avril 2015 en tant qu'il la place en congé de longue durée avec plein traitement jusqu'au 10 mars 2015, et non en congé de maladie à plein traitement sur le fondement du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et, d'autre part, d'annuler l'arrêté de ce même préfet du 2 septembre 2015 en tant qu'il la place en congé de longue durée à demi-trait

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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet de La Réunion du 1er avril 2015 en tant qu'il la place en congé de longue durée avec plein traitement jusqu'au 10 mars 2015, et non en congé de maladie à plein traitement sur le fondement du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et, d'autre part, d'annuler l'arrêté de ce même préfet du 2 septembre 2015 en tant qu'il la place en congé de longue durée à demi-traitement à compter du 11 mars 2015, et non en congé de maladie à plein traitement sur le fondement du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.

Par un jugement n°s 1500557, 1500988 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les arrêtés du préfet de La Réunion des 1er avril et 2 septembre 2015 en tant qu'ils placent Mme A...en congé de longue durée et a enjoint au préfet de La Réunion de régulariser la situation de Mme A...selon les modalités précisées au point 5 des motifs de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai 2016 et 18 novembre 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme A...présentée devant le tribunal administratif de La Réunion.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que le préfet était tenu, pour régulariser la situation de Mme A...en application de l'autorité de la chose jugée, de lui faire application des dispositions jugées plus favorables du 2è alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 ou du 2è alinéa du 3° de ce même article 34 ; en effet, la circonstance qu'un agent qui a bénéficié d'un congé de maladie à plein traitement voie sa pathologie reconnue comme imputable au service ne fait pas obstacle à ce que l'administration le place en congé de longue maladie avec plein traitement pendant trois ans ou de longue durée avec plein traitement pendant cinq ans, le cas échéant à l'initiative de l'administration ;

- les premiers juges ont également commis une erreur de qualification juridique des faits en considérant que l'administration lui avait appliqué à tort un demi-traitement à compter du 11 mars 2015 ; en effet, Mme A...ayant bénéficié de congés de longue maladie puis de congés longue durée pendant une durée totale de cinq années, elle pouvait être placée en congé longue durée à demi-traitement à compter de cette date.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2016, Mme B...A..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 170 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 13 euros au titre de l'article R. 761-1 du même code.

Elle fait valoir que :

- les moyens invoqués par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés ; en particulier, les arrêtés du préfet de La Réunion ont méconnu l'autorité de la chose jugée, ont violé l'article 2 de la loi du 11 janvier 1984 et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

Par une ordonnance en date du 29 novembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-1197 du 6 novembre 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...A...a été recrutée en qualité de gardien de la paix de la police nationale en 1994. Jusqu'en 2000, elle était affectée à la sécurité publique du métro parisien. Cependant, son état de santé psychique s'est fortement dégradé à la suite de son intervention sur les lieux de l'attentat du RER B à la station Saint-Michel le 25 juillet 1995. A compter de 2002, Mme A...s'est vue attribuer des congés de maladie, de longue maladie ou de longue durée. A la suite de l'expertise ordonnée par un jugement avant-dire droit du tribunal administratif de La Réunion du 31 juillet 2013, ce même tribunal a, par un jugement du 19 décembre 2013, annulé l'arrêté du préfet de La Réunion du 27 décembre 2010 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité de sa pathologie au service et lui a enjoint de régulariser la situation administrative de MmeA.... Par un arrêt du 26 novembre 2014, le Conseil d'Etat a déclaré non admis le pourvoi formé par le ministre de l'intérieur contre ce jugement. Par un jugement du 17 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les arrêtés du préfet de La Réunion des 1er avril et 2 septembre 2015 en tant qu'ils placent Mme A...en congé de longue durée et lui a enjoint de régulariser sa situation en lui accordant, à compter du 27 mai 2002, des congés de maladie à plein traitement sur le fondement du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Le préfet de la Réunion fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans (...) ".

3. Par les arrêtés attaqués en date des 1er avril et 2 septembre 2015, le préfet de La Réunion a admis que le régime des accidents de service était applicable à Mme A..., gardien de la paix, au titre de la maladie pour laquelle des arrêts de travail lui ont été délivrés depuis le 27 mai 2002 et qui est imputable au traumatisme subi en service le 25 juillet 1995. Il a cependant estimé que l'intéressée devait être placée en congé de longue durée, avec maintien du plein traitement seulement jusqu'au 10 mars 2015, le demi-traitement étant appliqué au-delà de cette date. Ce faisant, il a fait application du régime défini au deuxième alinéa du 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Or, par un jugement n° 1100178 en date du 19 décembre 2013, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du préfet de La Réunion du 27 décembre 2010 portant refus de reconnaissance d'imputabilité au service, après avoir reconnu d'une part l'existence d'un lien direct entre le traumatisme subi par Mme A... le 25 juillet 1995 alors qu'elle avait été amenée à intervenir sur les lieux de l'attentat du RER B et la grave dégradation de son état psychique constatée depuis lors, et d'autre part, le fait que l'intéressée pouvait se prévaloir, au titre de ses absences pour maladie depuis 2002, des régimes de congés imputables au service définis au deuxième alinéa du 2° de l'article 34 ou au deuxième alinéa du 3° de l'article 34. Par une décision n° 376272 en date du 26 novembre 2014, le Conseil d'Etat a refusé d'admettre le pourvoi formé par le ministre contre ce jugement, lequel est ainsi devenu définitif et pourvu de l'autorité absolue de la chose jugée, autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire de son dispositif. Certes, il n'y a pas identité d'objet avec l'instance qui a conduit au jugement du 19 décembre 2013, au titre de laquelle était contestée une décision de refus d'imputabilité au service de la pathologie dont souffre MmeA..., puisque, dans le cadre du présent litige, il s'agit de la contestation de décisions définissant le régime de congé au titre de la maladie qui lui sera appliqué. Cependant, et alors que les arrêtés des 1er avril et 2 septembre 2015 ont été pris en exécution de l'article 2 du jugement du 19 décembre 2013, enjoignant au préfet de La Réunion de régulariser la situation de Mme A...sur la base d'une maladie reconnue imputable au service, l'autorité absolue de la chose jugée qui, comme cela vient d'être dit, s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire de ce jugement, interdisait au préfet, ainsi qu'il l'a fait par ses arrêtés des 1er avril et 2 septembre 2015, de procéder à la régularisation de la situation de l'intéressée en lui accordant un congé de longue durée sur le fondement du deuxième alinéa du 4° de l'article 34.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé les arrêtés du préfet de La Réunion des 1er avril et 2 septembre 2015, en tant qu'ils placent Mme A...en congé de longue durée et a enjoint au préfet de régulariser la situation de Mme A...selon les modalités précisées au point 5 des motifs dudit jugement.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros que demande Mme A...sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A.... Copie en sera adressée pour information au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

4

N° 16BX01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01776
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL OMARJEE - MAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-08;16bx01776 ?
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