Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M.C... D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2015 par lequel le président du syndicat mixte Bizi Garbia a prononcé sa révocation à compter du 1er octobre 2015.
Par un jugement n° 1502475 du 1er juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2016, M.D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1er juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2015 par lequel le président du syndicat mixte Bizi Garbia a prononcé sa révocation à compter du 1er octobre 2015 ;
3°) de mettre à la charge du syndicat mixte Bizi Garbia la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice d'incompétence ;
- la sanction a été prise aux termes d'une procédure qui a porté atteinte au principe d'égalité des armes et au droit au respect de la vie privée tels qu'ils sont garantis par les articles 6 §1 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la procédure menée par l'autorité administrative a également méconnu l'obligation de loyauté qui s'impose à l'employeur public à l'égard de ses agents dans l'établissement des faits reprochés ;
- la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2016, le syndicat mixte Bizi Garbia conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de M. D... à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 20 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2017 à 12h00.
Par une lettre enregistrée le 10 août 2018, la cour a été informée de la dissolution du syndicat mixte Bizi Garbia à effet du 26 décembre 2016 par arrêté préfectoral du 21 décembre 2016 et du transfert de l'ensemble de ses biens, actifs, droits et obligations à la communauté d'agglomération Sud Pays Basque, laquelle a intégré par fusion la communauté d'agglomération du Pays Basque, par arrêté préfectoral du 13 juillet 2016.
La communauté d'agglomération Pays Basque vient donc aux droits de la communauté d'agglomération Sud pays Basque ainsi que du syndicat mixte Bizi Garbia.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le décret n°2007-658 du 2 mai 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,
- les conclusions de Mme Deborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la communauté d'agglomération Pays Basque.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a été employé par le syndicat mixte Bizi Garbia en qualité d'agent saisonnier et auxiliaire de remplacement entre 2007 et 2012. Recruté le 1er décembre 2012 en qualité d'adjoint technique 2ème classe stagiaire, il a été affecté au service public de collecte des ordures ménagères. Il a été titularisé le 1er décembre 2013. Le 9 septembre 2015, le conseil de discipline a émis un avis favorable à son exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans, sans sursis. Par un arrêté du président du syndicat mixte Bizi Garbia en date du 24 septembre 2015, M. D... a été révoqué de ses fonctions à compter du 1er octobre 2015. M. D... demande à la cour d'annuler le jugement du 1er juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la sanction prononcée le 24 septembre 2015 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " (...) Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. Ce pouvoir est exercé dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. (...) ". Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires (...) ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Enfin, il résulte de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Le président est l'organe exécutif de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) Il est seul chargé de l'administration (...). Il est le chef des services de l'établissement public de coopération intercommunale. ".
3. Il résulte d'une lecture combinée de ces dispositions, que le président du syndicat mixte Bizi Garbia, qui dispose du pouvoir de nomination au sein de l'établissement, est également détenteur du pouvoir disciplinaire et était, à ce titre, compétent pour infliger à M. D... la sanction en litige.
4. En deuxième lieu, en l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.
5. M. D... soutient que les " initiatives " prises par le syndicat mixte Bizi Garbia à son égard, notamment avant la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire, méconnaissent les stipulations de l'article 6 § 1 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et traduisent un manquement du syndicat à son obligation de loyauté.
6. Tout d'abord, comme l'a jugé le tribunal administratif, les procédés auxquels a recours l'administration pour établir la réalité des faits qui fondent sa décision d'infliger une sanction, n'entrent pas dans le champ de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapport d'investigation remis au syndicat mixte Bizi Garbia par le cabinet Muga Consulting, que la mission confiée à ce dernier consistait simplement à vérifier si M. D... exerçait de manière habituelle une activité de manutention de caisses de poissons sur le port de Saint-Jean-de-Luz / Ciboure et n'a donné lieu qu'à des observations à partir de la voie publique, sur les allées et venues de l'intéressé à la criée du port, le rapport indiquant par ailleurs qu'il n'a pas été procédé à des surveillances du domicile, ni à des filatures de M. D... lors de ses déplacements. Dans ces conditions, dès lors que la mission ainsi confiée à l'agence Muga Consulting, qui était étroitement encadrée et reposait sur des rumeurs précises et persistantes, avait pour seul objet de vérifier si M. D..., qui était alors en activité, exerçait ou non une activité privée occulte, le syndicat mixte Bizi Garbia n'a pas porté au droit au respect de la vie privée de son agent une atteinte insusceptible d'être justifiée par ses propres intérêts légitimes, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, et dès lors par ailleurs que le syndicat ne disposait pas, à la date du 18 février 2015, du rapport d'investigation établi par le cabinet Muga Consulting, lequel, daté du 10 mars 2015, relate les éléments relevés dans le cadre de la mission de surveillance réalisée entre le 29 janvier et le 26 février 2015, la circonstance que cette mission d'enquête n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé lors de son entretien de reprise, qui s'est déroulé le 18 février, ne traduit aucun manquement du syndicat à son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. (...) ".
9. Par ailleurs, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 : " I - Les fonctionnaires et agent non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. (...) ". En vertu de l'article 1er du décret du 2 mai 2007, les fonctionnaires peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, telle que définie aux articles 2 et 3 du même décret, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service, l'article 4 dudit décret prévoyant que " le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonnée à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 28 du décret du 30 juillet 1987 : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation. ".
10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
11. Il est constant que M. D..., recruté comme adjoint technique stagiaire 2ème classe le 1er décembre 2012, puis titularisé le 1er décembre 2013 au 5ème échelon de son grade, a été placé en arrêt maladie le 3 février 2014, plusieurs fois prolongé, et requalifié en congé de longue maladie par une décision du comité médical du 3 décembre 2014, pour la période allant du 3 février 2014 au 2 février 2015. A sa demande, M. D... a été autorisé, par une décision du comité médical du 4 février 2015, à rependre son travail à mi-temps auprès du syndicat mixte Bizi Garbia dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, pour une durée du trois mois à compter du 18 février 2015. Durant toute la durée du congé de longue maladie et du temps partiel thérapeutique, le syndicat mixte Bizi Garbia a versé à M. D... l'intégralité de son traitement.
12. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'à la demande du syndicat mixte Bizi Garbia, M. A..., huissier de justice, a été autorisé par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Bayonne du 1er avril 2015, d'une part, à interroger le président de l'association de la criée de Saint-Jean-de-Luz, son directeur ou son responsable administratif à propos de M. D..., et à obtenir toute précision sur les activités de celui-ci, d'autre part, à interroger les dirigeants, représentant ou responsable administratif de l'entreprise Euroservipesca à propos de l'intéressé, et à obtenir toute précision sur ses activités. Dans ce cadre, l'huissier s'est rendu sur le site de la criée de Saint-Jean-de-Luz le 22 avril 2015 en début d'après-midi, le 27 avril à 10h30 du matin et le 5 mai à 10h00. Au cours de ces visites sur site, il a pu rencontrer M. D... (les 27 avril et 5 mai), avec lequel il s'est entretenu, ainsi que les responsables de la criée et de la société Euroservipesca, et a pu constater que l'intéressé travaillait depuis deux ans sur le port, en tant que prestataire indépendant. Le président de la SAS Euroservipeche, qui dirige également la société de droit espagnol Euriservipesca, a par ailleurs transmis à l'huissier les factures adressées à sa société par M. D... entre les mois de juin 2014 et mai 2015, pour un montant total de 18 070,42 euros.
13. Au cours de l'entretien de reprise qui s'est déroulé le 18 février 2015, il a été fait part à M. D... des rumeurs persistantes circulant à son sujet, selon lesquelles il aurait exercé une activité professionnelle privée pendant son congé de longue maladie. Il ressort des témoignages concordants établis par les trois personnes présentes à cet entretien, à savoir le directeur général des services, une responsable technique et la responsable des ressources humaines, que M. D... a alors nié avoir exercé la moindre activité professionnelle pendant son congé maladie, notamment sur le port de la criée de Saint-Jean-de-Luz.
14. Il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté par l'intéressé devant le juge, que celui-ci a exercé habituellement des activités rémunérées de chargement et de déchargement de camions, ainsi que de tri et pesée de poissons, à la criée du Port de Saint-Jean-de-Luz, à tout le moins entre le 1er juin 2014 et le 1er juin 2015, sans y avoir été autorisé par le syndicat mixte Bizi Garbia, alors qu'il était en congé de longue maladie puis en temps partiel thérapeutique. Alors même qu'il avait été informé, le 18 février 2015, des rumeurs persistantes circulant à son sujet quant au fait qu'il aurait exercé une activité privée lucrative durant son congé de longue maladie, M. D..., qui avait alors nié vigoureusement ces faits, a continué de travailler à la criée du port, tout en reprenant son travail auprès du syndicat mixte Bizi Garbia, dans le cadre du temps partiel thérapeutique qu'il avait lui-même sollicité. La société Euroservipeche lui a versé, au titre des prestations qu'il a effectuées pour son compte à la criée du port durant cette période de temps partiel thérapeutique, les sommes de 3 010 euros pour les prestations réalisées en février 2015, 1 925 euros pour les prestations réalisées en mars 2015 et 2 825 euros pour les prestations réalisées en avril 2015.
15. L'ensemble de ces agissements, prohibés par les dispositions législatives et règlementaires précitées, constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. M. D..., qui a nié ces faits lors de son entretien de reprise du 18 février 2015, ne pouvait ainsi ignorer qu'il contrevenait ce faisant à ses obligations statutaires. Il ne pouvait pas davantage ignorer, lorsqu'il a présenté sa demande de temps partiel thérapeutique, qu'il méconnaissait les conditions posées par l'article 57-4 bis de la loi du 26 janvier 1984, dès lors notamment qu'il exerçait en parallèle, et de façon relativement intensive compte tenu des rémunérations perçues, des activités de manutention, similaires à celles exigées dans le cadre de son emploi de chauffeur ripeur auprès du syndicat mixte Bizi Garbia. M. D..., qui a ainsi pendant une longue période et de manière intentionnelle, méconnu les dispositions qui lui sont applicables en sa qualité de fonctionnaire territorial, alors qu'il venait d'être titularisé, a commis une faute grave qui relève du manquement à la probité et au devoir de loyauté. Dans ces conditions, le président du syndicat mixte Bizi Garbia, en prononçant à son encontre une mesure de révocation, ne lui a pas infligé une sanction disproportionnée au regard des faits reprochés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2015 par lequel le président du syndicat mixte Bizi Garbia a prononcé sa révocation à compter du 1er octobre 2015.
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le syndicat mixte Bizi Garbia, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à verser à M. D... quelque somme que ce soit au titre des frais non compris dans les dépens. Il convient en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'intéressé une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais engagés par le syndicat mixte Bizi Garbia.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à la communauté d'agglomération Pays Basque vernant aux droits du syndicat mixte Bizi Garbia une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et à la communauté d'agglomération Pays Basque venant aux droits du syndicat mixte Bizi Garbia.
Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.
Le rapporteur,
Sylvie CHERRIER
Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02612