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27/09/2018 | FRANCE | N°16BX00644

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 16BX00644


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 avril 2013 par lequel le maire de Marcillac a délivré à M. E...A..., au nom de l'Etat, un permis de construire pour l'agrandissement d'un chai de vinification recouvert de modules photovoltaïques sur un terrain situé lieudit " Les Hérits ".

Par un jugement n° 1401706 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te et un mémoire, enregistrés le 15 février 2016 et le 13 décembre 2016, M.A..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...C...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 avril 2013 par lequel le maire de Marcillac a délivré à M. E...A..., au nom de l'Etat, un permis de construire pour l'agrandissement d'un chai de vinification recouvert de modules photovoltaïques sur un terrain situé lieudit " Les Hérits ".

Par un jugement n° 1401706 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 février 2016 et le 13 décembre 2016, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande des époux C...comme irrecevable ou mal fondée ;

3°) de mettre à la charge des époux C...la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les époux C...n'avaient pas intérêt à agir, dès lors que l'extension projetée, qui ne jouxte pas leur maison contrairement au bâtiment existant, n'apportera pas de modifications des conditions de jouissance de leur bien ; il ne s'agit que de terminer la construction existante, ce qui n'apporte aucune perte d'ensoleillement aux voisins, et les épouxC..., propriétaires depuis 2003, ne peuvent invoquer une dépréciation de leur bien alors que l'activité viticole est antérieure ; le but de la requête était financier, et les époux C...ne pourront pas obtenir la démolition de la construction édifiée, le terrain ne se situant dans aucune des zones visées par le nouvel article L. 480-13 du code de l'urbanisme issu de la loi du n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- la requête était tardive dès lors qu'il justifie avoir affiché le permis d'avril à décembre 2013 ; les époux C...avaient attesté avoir connaissance du permis en lui indiquant réserver leurs droits ; le tribunal a ajouté à la loi une condition non prévue par elle en exigeant qu'il justifie d'avoir affiché de manière continue le permis de construire à compter de sa délivrance et non à compter du premier jour de son affichage ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu une méconnaissance de l'article UA 1 du plan d'occupation des sols, alors que le chai, destiné à la fabrication du vin, n'est pas à usage agricole ; cette activité artisanale est admise par l'article UA2 dès lors qu'elle ne crée pas de nuisances olfactives ou auditives, et le projet a précisément pour objet de prévenir de telles nuisances en enfermant des cuves ; le statut de l'exploitant est sans incidence sur la nature de l'activité au sens du code de l'urbanisme ;

- les travaux sur existants n'aggravent pas la non-conformité de l'existant aux règles nouvelles. Il avait obtenu un permis de construire pour les mêmes travaux en 2008, qui n'avait pu être mis complètement en oeuvre faute de ressources suffisantes, seules les dalles de fondations ayant été réalisées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2016, les époux C...concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A...d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifiaient, du simple fait de leur qualité de voisins, d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation du permis en cause ; au demeurant, la qualité de leur maison est défigurée par la construction de M. A...tant en ce qui concerne la proximité, la hauteur, que les matériaux utilisés et les couleurs ; leur immeuble subit une dépréciation et le jardin n'a pas le même charme ;

- la lettre recommandée qu'ils ont adressée à M. A...le 7 janvier 2014 ne pouvait valoir connaissance acquise, laquelle n'est constatée qu'à l'occasion de recours gracieux ou contentieux ; aucun constat d'huissier n'a établi l'affichage continu pendant deux mois du permis, ni les mentions de cet affichage et leur lisibilité depuis la voie publique ;

- la fabrication du vin est liée à l'exploitation de vignes dont elle constitue le prolongement, et est réputée agricole par application de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime ; M. A...a la qualité d'exploitant agricole dans le cadre d'un GAEC ; seuls les vins effervescents relèvent d'une activité artisanale d'après le décret 2008-565 du 17 juin 2008 ;

- la jurisprudence " Sekler " ne trouve pas application en l'espèce, la construction étant neuve et ne portant pas sur une transformation du bâtiment existant.

Par ordonnance du 26 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 juin 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 19 avril 2013, le maire de Marcillac, agissant au nom de l'État, a délivré à M. A...un permis de construire pour l'agrandissement d'un chai de vinification recouvert de modules photovoltaïques d'une surface de plancher créée de 169 m², sur un terrain situé lieudit "Les Hérits" cadastré YC n° 127. A la demande de M. et MmeC..., propriétaires d'une parcelle voisine cadastrée YC n° 126, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ce permis de construire.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Contrairement à ce que soutient M.A..., les circonstances que le permis accordé n'ait pour objet que d'achever une construction existante en enfermant des cuves déposées sur une dalle de béton pour prolonger un chai existant, avec des matériaux similaires sous réserve du remplacement de la toiture du bâtiment existant par les mêmes panneaux photovoltaïques que ceux couvrant la nouvelle construction, sont sans incidence sur l'intérêt à agir de ses voisins immédiats, qui auront vue sur la construction depuis leur jardin d'agrément à tout le moins. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté la fin de non recevoir opposée sur ce point.

3. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". L'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme.

4. M. A...fait à nouveau valoir devant la cour que la requête enregistrée au tribunal administratif le 25 avril 2014 était tardive. Toutefois, il n'établit pas davantage devant la cour que devant le tribunal administratif les conditions d'affichage sur le terrain de son permis de construire du 19 avril 2013, et ne saurait reprocher au tribunal d'avoir exigé un affichage depuis la date du permis, alors que les premiers juges se sont bornés à constater que ses propres affirmations, selon lesquelles le permis aurait été affiché sur le terrain d'avril à décembre 2013, et les pièces peu probantes fournies, ne suffisaient pas à justifier un affichage continu pendant deux mois tel que prévu par l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, la lettre adressée le 7 janvier 2014 par Mme C...à M.A..., si elle mentionne un affichage sur le terrain le 13 décembre 2013 et conteste la hauteur de la construction et le revêtement inesthétique du mur en limite de propriété, n'a pas, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, le caractère d'un recours gracieux et ne peut donc être regardée comme valant connaissance acquise du permis de construire en litige. Par suite, le délai de recours n'a pas couru et la fin de non recevoir doit être rejetée.

Sur la légalité du permis de construire :

5. Pour annuler le permis de construire en litige, le tribunal a retenu un seul moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 1 " Occupations et utilisations du sol interdites " du règlement du plan local d'urbanisme de Marcillac approuvé le 27 février 2013, aux termes duquel : " Sont interdits : / 1.1 Les constructions à usage industriel ou d'entrepôts. / 1.2 Les constructions à usage agricole et forestière. / (...) ". L'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, auquel l'autorité chargée de l'instruction et le juge peuvent utilement se référer pour caractériser une activité agricole, en définit ainsi la nature : " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. ".

6. M. A...se prévaut de l'article UA 2 " Occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières " du règlement du plan local d'urbanisme, qui dispose: " Sont autorisés sous conditions particulières : / 2.1 Les constructions à usage de commerce et d'artisanat sous réserves qu'elles ne créent pas de nuisances (auditives et olfactives en particulier) incompatibles avec l'habitat.(...) ". Toutefois, c'est à bon droit que le tribunal a affirmé, sans même se référer aux dispositions précitées du code rural, le caractère agricole de la fabrication du vin, laquelle est au demeurant en l'espèce une activité exercée par un exploitant agricole qui est le prolongement de l'acte de production et a pour support l'exploitation, en l'occurrence le GAEC A...et fils qui produit du vin en AOC Côtes de Blaye. La circonstance que le caractère traditionnel de cette production conduise les viticulteurs à se revendiquer comme artisans est sans influence sur le caractère agricole de leur activité, et par suite des bâtiments qui y sont affectés, au sens du plan local d'urbanisme. Par suite, le chai litigieux ne pouvait être réalisé en zone UA du plan local d'urbanisme de Marcillac.

7. Lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme régulièrement approuvé, un permis de construire peut être légalement délivré pour la modification de cette construction, sous réserve de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, si les travaux envisagés rendent l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ou s'ils sont étrangers à ces dispositions. Si M. A...soutient que ce principe devrait recevoir application dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas du règlement du plan local d'urbanisme que des dispositions spécifiques permettraient l'extension de constructions agricoles existantes en zone UA, et le projet de construction envisagé ne rend nullement l'immeuble plus conforme aux dispositions méconnues. Les travaux ayant pour objet d'augmenter la surface de bâtiments agricoles en zone UA, ils ne sont à l'évidence pas étrangers aux dispositions méconnues. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé le permis de construire qui lui avait été accordé pour l'agrandissement d'un chai de vinification.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. et Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A..., à M. F...et Mme B...C...et au ministre de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au maire de la commune de Marcillac et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

Le président-assesseur,

Jean-Claude PAUZIESLe président-rapporteur,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 16BX00644


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00644
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation locale.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : PICOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-27;16bx00644 ?
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