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28/08/2018 | FRANCE | N°18BX01473

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 août 2018, 18BX01473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 19 janvier 2018, par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800295 du 23 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, e

nregistrée le 11 avril 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 19 janvier 2018, par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800295 du 23 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 23 janvier 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 19 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

1°) Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas respecté la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, notamment en ce que le préfet n'a pas respecté son droit d'être entendu en ne sollicitant pas de sa part des éléments pertinents ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu notamment de la durée de sa présence en France et les attaches familiales dont il dispose dans ce pays ; il est parfaitement intégré sur le territoire nationale où il suit des études ;

- pour les mêmes motifs, la décision d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°) Sur la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- le préfet n'a pas respecté la procédure contradictoire ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en raison du défaut d'examen de sa situation et dès lors que le préfet s'est cru tenu de refuser d'accorder un délai de départ ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

3°) Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 4 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2018 à 12 heures.

Un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, a été présenté par le préfet de la Haute-Garonne.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...D...B..., ressortissant algérien né le 29 avril 1999, est entré selon ses déclarations sur le territoire français en 2014 à une date indéterminée. A la suite de son interpellation par les services de police le 18 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne a pris le 19 janvier suivant un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. La décision portant obligation de quitter le territoire français vise les textes sur lesquels elle se fonde et mentionne, notamment, que M. B...est entré irrégulièrement en France, précise la situation administrative de l'intéressé, relève qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que, célibataire et sans enfant, et compte tenu du caractère récent de son séjour en France, rien ne s'oppose à ce qu'il retourne vivre dans son pays d'origine. Ainsi, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a suffisamment motivé sa décision, en droit comme en fait, au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.

3. Il ne ressort ni des mentions de la décision en litige ni des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen sérieux et attentif de la situation personnelle de M.B....

4. Il résulte de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, et prévoient notamment la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire préalable à leur édiction, ne peuvent être utilement invoquées par M. B... à l'encontre de la décision en litige.

5. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, selon le droit de l'Union, dont l'un des objectifs est l'éloignement de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier, lorsqu'une mesure d'éloignement a été décidée dans le cadre d'une procédure administrative en méconnaissance du droit d'être entendu, le juge chargé de l'appréciation de la légalité de cette décision ne saurait annuler cette mesure que s'il considère, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit de chaque espèce, que cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M.B... aurait été effectivement privé, en l'espèce, de la possibilité de faire connaître son point de vue sur la mesure d'éloignement envisagée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B...soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France et qu'il est parfaitement intégré. Toutefois, l'intéressé, célibataire et sans enfant, résidait sur le territoire national depuis moins de quatre ans à la date de la décision en litige. Si M. B...se prévaut de la présence en France de sa soeur et de sa mère, il n'est pas contesté que cette dernière séjourne irrégulièrement sur le territoire français et que sa soeur est mineure. Il n'est pas dépourvu en outre d'attaches familiales en Algérie, où réside son père. S'il ressort des pièces du dossier que M. B...est inscrit au lycée des métiers Urbain Vitry de Toulouse en terminale CAP de menuiserie Aluminium-Verre au titre de l'année scolaire 2017-2018, sa scolarité, en l'absence de tout autre élément qu'une inscription et des attestations de stage, ne suffit pas à caractériser le niveau d'intégration qu'il revendique. Dans ces conditions, en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision fixant un délai de départ volontaire serait elle-même illégale.

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) ". En l'espèce, l'arrêté contesté vise les dispositions du b) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que si l'intéressé est entré régulièrement en France, il n'a pas sollicité de demande de titre de séjour et qu'il ne justifie pas de garanties de représentation suffisantes en l'absence de document d'identité ou de voyage en cours de validité et de lieu de résidence effective. Par suite, l'arrêté, qui énonce ainsi les considérations de droit et de fait fondant le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, motive suffisamment cette décision.

10. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux ni des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de la situation personnelle de M. B...ou se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre la décision litigieuse.

11. Pour les raisons exposées au point 4, M. B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, reprises à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

12. Si M. B...soutient que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne conteste pour autant pas se trouver dans la situation du b) et du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle permet de caractériser un risque de fuite. Dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. La décision contestée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état de ce que M. B...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas effectué un examen attentif de la situation du requérant avant d'édicter la décision fixant le pays de renvoi.

15. Si le requérant soutient que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sans autre précision, il ne met pas la cour à même de se prononcer sur le bien-fondé de ce moyen.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2018 du préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens et à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 août 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Jean-Claude PAUZIÈSLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 18BX01473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01473
Date de la décision : 28/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL SYLVAIN LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-08-28;18bx01473 ?
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