Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions du 24 mars 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1701123 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er avril 2018, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 13 avril 2018, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 décembre 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et une autorisation de travail dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'intervalle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 1 920 euros et 2 400 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en première instance et en appel.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure à défaut d'avoir saisi la commission du titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-12 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les années passées à Mayotte qui est en France au sens de l'article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être comptabilisées ; à défaut, le refus de considérer Mayotte comme un territoire français serait constitutif d'une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel prime sur les dispositions nationales ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur de fait et méconnaît l'article L. 313-11 (6°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'enfant, de nationalité française, est installé et scolarisé à Limoges et le changement de résidence du père a eu pour effet de les rapprocher ; il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant, à la mesure de ses moyens ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ne pas prendre en compte les années de vie à Mayotte emporte la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 1er de la constitution et est constitutif d'une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulés du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- ces décisions méconnaissent son droit à mener une vie familiale normale et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2018.
Par ordonnance du 3 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 juin 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant comorien né en décembre 1987, s'est vu délivrer par le préfet de Mayotte un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français valable du 12 mai 2015 au 11 mai 2016. Il est entré en France métropolitaine en octobre 2015 où réside son fils, El Yasse, de nationalité française, et a sollicité le 10 novembre 2015 auprès du préfet de la Haute-Vienne un titre de séjour sur le même fondement. Par arrêté du 24 mars 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de délivrer à M. B...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
3. M. B...soutient qu'il s'occupe régulièrement de son fils El Yasse, né le 23 janvier 2013 de son union avec une ressortissante française résidant à Limoges. Néanmoins, les pièces du dossier limitées à la date de la décision attaquée à quatre virements bancaires et à une attestation du directeur de l'école primaire où est inscrit son fils indiquant, notamment, qu'il est autorisé à venir le chercher ne permettent pas d'établir que l'intéressé contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis au moins deux ans à la date de la décision attaquée. La circonstance qu'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français lui a été délivré en 2015 ne le dispense pas de démontrer qu'il satisfait aux conditions posées par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité lors du dépôt d'une nouvelle demande. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions de cet article.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. M. B...n'apporte aucun document de nature à établir les liens qu'il entretiendrait avec son fils El Yasse né et résidant à Limoges avec sa mère. Il résulte de ses déclarations qu'il n'est entré, en dernier lieu, à Mayotte qu'en 2012 à l'âge de 25 ans, et en France métropolitaine en octobre 2015 à l'âge de 28 ans après avoir vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. Il est célibataire et ne justifie pas de relations particulières en France. Il est également le père de trois enfants issus de trois précédentes relations, dont deux résident à Mayotte et un aux Comores. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'apprécier si l'interprétation des dispositions de l'article L. 111-3 par les premiers juges seraient constitutives d'une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou méconnaîtrait l'article 1er de la Constitution, en refusant de délivrer un titre de séjour à M.B..., le préfet de la Haute-Vienne n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de fait et n'a pas porté au droit de M. B...à une vie privée et familiale normale une atteinte excessive. Il n'a donc méconnu les stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l' enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Comme il a été dit au point 5 ci-dessus, M. B... n'établit pas entretenir une relation suivie avec son fils El Yasse, qui réside avec sa mère. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ".
9. Le préfet n'est tenu, en application des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'établit pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.
10. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
11. Alors qu'il ressort des déclarations de M. B...qu'il n'est entré, en dernier lieu, à Mayotte qu'en 2012, la condition de dix ans posée par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est en tout état de cause pas satisfaite. Par suite, il ne saurait soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal faute d'avoir été précédé de la consultation de la commission du titre de séjour.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'aucun des moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour n'est fondé. Dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.
13. En second lieu, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les motifs précédemment énoncés lors de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 mars 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 août 2018.
Le rapporteur,
Cécile CABANNELe président,
Jean-Claude PAUZIÈSLe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX01312