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28/08/2018 | FRANCE | N°16BX04210

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 août 2018, 16BX04210


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme D...et M. B...A...ont demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la délibération du 2 juin 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sérilhac (Corrèze) a procédé au partage des frais de réhabilitation d'un chemin d'accès à leur propriété et d'enjoindre au conseil municipal de Sérilhac de prendre à ses frais toutes les mesures nécessaires à la remise en état de ce chemin et, d'autre part, de condamner la commune à leur verser la somme globale de 104 900 euros en répar

ation de leurs préjudices liés au défaut d'entretien normal du chemin d'accès à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme D...et M. B...A...ont demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la délibération du 2 juin 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sérilhac (Corrèze) a procédé au partage des frais de réhabilitation d'un chemin d'accès à leur propriété et d'enjoindre au conseil municipal de Sérilhac de prendre à ses frais toutes les mesures nécessaires à la remise en état de ce chemin et, d'autre part, de condamner la commune à leur verser la somme globale de 104 900 euros en réparation de leurs préjudices liés au défaut d'entretien normal du chemin d'accès à leur propriété.

Par un jugement nos 1401469 et 1401470 en date du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté toutes leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2016 et des mémoires, enregistrés les 4 juillet 2017 et 31 janvier 2018, M. et MmeA..., représentés par MeF..., demandent à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1401469,1401470 en date du 27 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Sérilhac du 2 juin 2014 ;

3°) d'enjoindre au conseil municipal de prendre, aux frais et charges exclusifs de la commune, toutes les mesures nécessaires à la remise en état de la voie communale assurant l'accès à leur propriété ;

4°) de condamner la commune à leur verser les sommes de 104 900 euros en réparation des préjudices subis ;

5°) de mettre à la charge de la commune une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'engagement du maire tendant à la remise en état du chemin aux frais de la commune contenu dans le courrier du maire du 29 août 2013, confirmé par un second courrier du 24 octobre 2013, a conditionné leur consentement à la vente ; sans ces travaux, la parcelle sur laquelle est située leur maison d'habitation se serait retrouvée enclavée ; ces courriers ne constituent pas une déclaration d'intention mais modifient l'ordonnancement juridique ; la décision de la commune du 2 juin 2014 sollicitant leur participation financière sur ces travaux doit s'analyser comme une décision tendant au retrait de celle du 29 août 2013 ; or, cette dernière décision a créé des droits à leur bénéfice et ne peut selon la jurisprudence ne faire l'objet d'un retrait que dans le délai de quatre mois à compter de son édiction ;

- dans sa séance du 25 janvier 2014, le conseil municipal a accepté les travaux de voirie prévus par le maire pour l'exercice budgétaire 2014, au rang desquels figurent les travaux de voirie sur le chemin jouxtant leur propriété ; si le tribunal a justement estimé que la délibération du 2 juin 2014 avait implicitement retiré celle du 25 janvier 2014, c'est à tort qu'il a considéré que cette dernière n'était pas créatrice de droits à leur égard, alors qu'elle permet notamment l'accès à leur propriété ; confirmant les courriers du maire, cette délibération a le caractère d'une décision individuelle ayant pour destinataire les épouxA..., nonobstant son objet ; or, cette décision de retrait est intervenue plus de quatre mois après édiction de la délibération du 25 janvier 2014 ;

- dans l'hypothèse où la délibération du 25 janvier 2014 serait considérée comme un acte réglementaire, son retrait ne pouvait intervenir qu'à raison de son illégalité et dans ce même délai, en application de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration, conditions qui ne sont pas remplies en l'espèce ;

- les allégations de la commune selon lesquelles les documents qu'ils ont produits devant le tribunal sont des faux, sont non fondées ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la commune a méconnu l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, lequel dispose que les dépenses d'entretien des voies communales font partie des dépenses obligatoires mises à la charge des communes en sollicitant une participation aux frais d'entretien de la voie portant notamment desserte de leur maison d'habitation ;

- la fin de non recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux doit être écartée, le litige s'analysant comme un dommage de travaux publics ; les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que le chemin serait un chemin rural ; en tout état de cause, quand bien même le chemin de Lescure aurait cette qualité, un tel chemin se voit reconnaître la qualification d'ouvrage public ;

- dès lors qu'une commune effectue des travaux sur un chemin rural pour assurer ou améliorer sa viabilité, elle doit être regardée comme assumant son entretien et sa responsabilité est susceptible d'être engagée pour défaut d'entretien normal ; or, le chemin a été créé par l'homme afin de permettre la circulation publique entre deux routes, puis a fait l'objet d'un entretien régulier par les services de la commune avant d'être laissé en friche ; la commune a ensuite pris l'engagement de réaliser des travaux sur ce chemin, en vue de son ouverture, son empierrement et d'y apposer un revêtement enrobé à chaud, travaux confirmés par la délibération du 25 janvier 2014 ;

- le dommage est constitué en raison de l'absence d'entretien du chemin jouxtant leur propriété ; l'état du chemin ne leur permet pas d'accéder à leur bien, les plaçant en situation d'enclave ; la commune ne saurait leur opposer le changement de destination du chemin, d'un usage agricole à celui de circulation résidentielle si les travaux étaient réalisés, alors qu'elle a pris l'initiative desdits travaux ;

- en sa qualité d'autorité chargée de la conservation du domaine public communal, la commune est tenue de prendre les mesures nécessaires à la remise en état de libre circulation d'une voie communale et au désenclavement de leur maison d'habitation ;

- l'accès à leur propriété n'est pas conforme aux conditions requises par le document d'urbanisme communal, et notamment le règlement de l'article UF 3 s'agissant de l'accès à la parcelle des véhicules de défense contre l'incendie ;

- le dénivelé est tel entre leur propriété et la route départementale n° 169 E1 qu'un accès direct à cette route nécessiterait des travaux excessivement onéreux de déblaiement dans leur propriété ;

- les préjudices qu'ils subissent ont pour origine ce défaut d'entretien normal et le non-respect des engagements du maire auxquels le consentement à la vente était conditionné ;

- l'obligation de passer par une parcelle voisine leur cause un préjudice de jouissance de leur bien, évalué à 700 euros par mois entre la date de l'acquisition des parcelles et la délibération du 2 juin 2014, soit un total de 4 900 euros ;

- l'enclavement de leur maison, acquise pour un montant de 120 000 euros, entraîne une perte de valeur significative de celle-ci, que l'on peut estimer à 100 000 euros ; en effet, il n'est pas sérieusement contestable qu'une maison d'habitation sans accès direct à la voie publique voit sa valeur extrêmement réduite par rapport à une maison d'habitation avec accès direct à la voie publique, compte tenu des contraintes occasionnées par la servitude de passage sur le fonds voisin.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 31 janvier et 10 octobre 2017, la commune de Sérilhac, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête, sollicite à titre subsidiaire d'enjoindre aux requérants de produire leur acte sous-seing privé et l'acte authentique d'acquisition dans leur intégralité et à la mise à la charge des requérants, outre les entiers dépens de l'instance, de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'accès à la propriété de M. et Mme A...s'effectue par la parcelle n° 399 propriété d'une tierce personne, qui a accepté qu'ils l'empruntent ; le chemin de Lescure, dont il sollicite l'accès, présente une largeur d'à peine trois mètres, est en terre et encaissé ; son usage initial est agricole et ne peut être emprunté que par un tracteur ou une véhicule tout-terrain ; leur demande emporterait non l'entretien du chemin mais son amélioration avec un changement de destination ;

- l'état d'enclave de leur terrain n'est démontré alors qu'il jouxte une route départementale à partir de laquelle, avec l'accord du gestionnaire de la voirie, un accès peut être ouvert ;

- les moyens de légalité externe soulevés devant le tribunal à l'encontre de la délibération du 2 juin 2014 ne sont pas repris en appel et doivent donc être considérés comme abandonnés ;

- il est demandé aux époux A...de produire l'intégralité de l'acte notarié d'acquisition de leur bien et la copie de l'acte sous-seing privé ;

- le courrier du 29 juin 2013 émane du maire, doté de pouvoirs de police en vertu de l'article L. 161-5 du code rural comprenant la conservation des chemins ruraux, excluant ainsi l'entretien de ces chemins ; ce courrier est une déclaration d'intention insusceptible de recours ; le courrier du 24 octobre porte sur un objet différent du premier dans la mesure où le maire s'engage à " remettre en état de circulation (...) afin d'assurer la desserte " de leur habitation ; de tels travaux relèvent de l'amélioration du chemin et non plus de son entretien comme le réclamait les épouxA... ; dans ces conditions, c'est le conseil municipal qui est compétent pour décider et non le maire, lequel ne fait que proposer à l'assemblée d'inscrire la dépense au budget communal ; seul le courrier du 29 août 2013 est annexé à l'acte authentique, c'est donc sur ce seul courrier que les époux ont signé l'acte de vente ;

- la délibération du 25 janvier 2014 tendant à l'approbation du principe de réalisation de travaux de voirie au budget de la commune pour l'année 2014 ne présente à ce titre aucun caractère individuel ; elle ne fait pas état de la situation particulière des époux A...ni n'évoque le chemin litigieux ; cette délibération ne révèle aucunement un engagement de la commune à réaliser les travaux répertoriés, en témoigne le retrait ultérieur de certaines voies dans la liste définitive des travaux à réaliser ; les époux A...n'ont enfin jamais été destinataires de cette décision ;

- la délibération du 2 juin 2014 n'emporte aucun retrait, implicite ou explicite, du courrier du 29 août 2013 ; d'une part, le parallélisme des formes et des procédures suppose que le retrait émane de l'autorité qui a pris la décision ; d'autre part, la délibération, qui emporte la " création " d'un accès à la propriété A...par un financement tripartite, a un objet différent du courrier du 29 août 2013 et n'emporte pas de refus d'entretien auquel s'était engagé le maire dans ledit courrier ;

- si les époux A...soutiennent qu'au-delà de ce courrier, des actes administratifs ont été pris, créant un droit à leur profit, les documents qu'ils produisent sont inopposables : le récapitulatif des devis en pièce n° 7 comporte de nombreuses erreurs, notamment de typologie, en faisait par exemple mention d'une " voie communale de Lescure " qui n'existe pas ou d'un taux de participation de l'Etat au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux de 56 % alors que ce taux ne peut légalement dépasser 48 % et les autres délibérations invoquées ne concernent ni le chemin de Lescure ni même les épouxA... ;

- les chemins ruraux ne relèvent pas du régime de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière ni de celui de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales fixant pour la commune le caractère obligatoire des dépenses d'entretien aux seules voies communales ; au contraire, l'entretien d'un chemin rural incombe aux riverains en vertu des articles D. 161-24 et suivants du code rural ; la destination du chemin est agricole ; le défaut d'entretien n'est pas rapporté alors que le chemin est ouvert et permet un usage agricole ; la circonstance qu'elle ait pu faire procéder à un débroussaillage pour assurer la viabilité du chemin à son usage actuel ne saurait induire une obligation de créer une assiette goudronnée et encore moins de réaliser un changement de destination de cette voie ; par ailleurs, les époux A...doivent justifier d'une autorisation d'accès de leur propriété privée au chemin rural en application de l'article D. 161-16 du code rural ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de décision préalable de refus liant le contentieux ; la jurisprudence indique que les travaux ou l'absence éventuelle de travaux réalisés sur un chemin rural n'ayant jamais fait l'objet de travaux préalables destinés à en faire un chemin carrossable " tous véhicules " ne peuvent donner lieu à une responsabilité au titre du défaut d'entretien normal ; les époux A...ne subissent aucun dommage dès lors que le chemin a toujours été un chemin rural à usage agricole ; si l'arrêt de la cour de Bordeaux cité par les appelants estime qu'un chemin rural peut constituer un ouvrage public, la cour a toutefois exclu toute indemnisation dès lors que l'état du chemin était connu de la victime du dommage ; si les consorts A...lui demandent en réalité de modifier la destination du chemin rural afin de l'aménager en véritable voie de desserte au profit de leur seule et unique maison d'habitation, cette situation ne saurait constituer un dommage de travail public lui portant préjudice ;

- les appelants confondent voie communale et chemin rural ; le chemin de Lescure n'apparaît dans le tableau de classement de la voirie communale ; ce chemin a toujours été un chemin de terre à usage réduit agricole ; elle n'a jamais entretenu de manière régulière ce chemin rural, alors qu'elle n'en avait pas l'obligation ;

- l'article D. 161-11 du code rural ne s'applique pas à un éventuel défaut d'entretien par une collectivité mais uniquement en cas d'entrave résultant du fait d'un tiers ;

- les époux A...ne justifient pas des préjudices allégués ;

- s'agissant du préjudice de jouissance, il n'est pas établi, alors que les époux A...ont acquis leur maison en sachant qu'elle n'était accessible que par la parcelle 399 appartenant à un voisin et par laquelle ils accèdent ; l'état actuel du chemin est conforme à l'état au moment de l'acquisition, les conditions d'accès n'ayant donc pas été dégradées ; l'état d'enclave dont ils se prévalent ne résulte pas d'un fait de la commune ; elle n'a pas à pâtir d'un éventuel défaut de conseil du notaire.

- s'agissant du préjudice financier, la situation antérieure à l'achat et celle existante est la même ; aucune évaluation immobilière n'est produite, établie de manière impartiale, prouvant une prétendue perte de valeur vénale de 100 000 euros ; bien que les époux A...aient la possibilité de solliciter auprès du conseil général une ouverture sur la RD 169E1, comme l'indique le directeur du centre technique du département de la Corrèze, ils n'ont pourtant à ce jour effectué aucune démarche en ce sens, alors même que cela permettrait de régler leur problème.

Un courrier du 27 avril 2018 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

L'instruction a été close au 28 mai 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la voirie routière ;

- la loi du 20 août 1881 relative au code rural ;

- l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 5 juillet 2018 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A...ont acquis, par un acte notarié du 28 octobre 2013, un ensemble de parcelles sur la commune de Sérilhac (Corrèze), sur lequel est édifiée une maison d'habitation comprenant les parcelles cadastrées section E n° 134, n° 331, n° 139 et n° 396. Compte tenu de leur escarpement au droit de la D 169 E1, ces parcelles ne disposent pas d'accès direct à la voie publique. Les parcelles E n° 139 et n° 396 sont cependant longées sur leurs côtés est par un chemin dénommé " chemin de Lescure " les séparant de la parcelle section E n° 162 et débouchant sur la voie publique. L'acte notarié comporte à cet égard une mention selon laquelle " aux termes d'un courrier émanant de la mairie de Sérilhac en date du 29 août 2013 demeuré joint et annexé aux présentes après mention, il est ici précisé par la Mairie, ci-après littéralement énoncé " que l'entretien du chemin rural situé entre les parcelles 139 et 162, je vous confirme que le nécessaire sera fait et que la dépense est prévue pour le budget 2014 ". Par courrier du 24 octobre 2013, M.E..., maire de Sérilhac, a confirmé à M. et Mme A...que " la commune (...) s'engage à remettre en état de circulation du chemin public jouxtant votre propriété afin d'assurer une desserte à votre maison d'habitation ". Le conseil municipal de Sérilhac a approuvé, lors de sa séance du 25 janvier 2014, la réalisation d'un programme de travaux de voirie au titre de l'année 2014, comprenant notamment le chemin de Lescure pour un montant de 7 695 euros hors taxes. Cependant, le conseil municipal nouvellement élu en mars 2014, sans remettre en cause le principe de la réalisation d'un accès direct à partir de ce chemin, a par délibération du 2 juin 2014 approuvé la répartition des coûts des travaux entre la commune, les anciens propriétaires et M. et MmeA..., ces derniers devant prendre en charge les frais de " travaux voirie ", de géomètre et d'acte administratif. M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 27 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Sérilhac du 2 juin 2014 en tant qu'elle met à leur charge des frais en lien avec l'exécution des travaux sur le chemin de Lescure et à la condamnation de la commune à leur verser une indemnité globale de 104 900 euros en réparation des préjudices subis du fait, selon eux, d'un défaut d'entretien normal du chemin à l'origine de l'enclavement de leur propriété et à ce qu'il soit enjoint à la commune de prendre, à ses frais exclusifs, toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la circulation sur ce chemin.

Sur les conclusions en annulation de la délibération du 2 juin 2014 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la commune est proposé par le maire et voté par le conseil municipal. ".

3. D'autre part, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise.

4. S'il résulte des courriers des 29 août et 24 octobre 2013 que le maire de la commune de Sérilhac a souhaité qu'il soit procédé à l'aménagement du chemin de Lescure afin de desservir la propriété de M. et MmeA..., cette prise de position ne saurait être regardée, compte tenu des aléas pesant sur ces travaux conditionnés à l'accord du conseil municipal tant sur son principe que sur son financement, comme des décisions créatrices de droits à l'égard des requérants.

5. Le conseil municipal de Sérilhac a, par délibération du 25 janvier 2014, d'une part, accepté l'opération de travaux de voirie, imputée sur l'exercice budgétaire 2014 pour un montant de 39 791 euros HT, dont ceux concernant le chemin de Lescure pour un montant de 7 965 euros comprenant notamment, selon le devis produit au dossier, l'ouverture du chemin, son empierrement et son revêtement par un enrobé à chaud et, d'autre part, autorisé le maire à effectuer une demande de subvention pour l'ensemble de l'opération au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, cette délibération a une portée générale et impersonnelle, même si dans ces effets elle améliorerait l'accès à la voie publique des épouxA.... Or, nul n'a de droit acquis au maintien d'une disposition réglementaire. Ainsi, le conseil municipal de Sérilhac, en décidant par délibération du 2 juin 2014 que la commune ne supporterait pas l'entier coût des travaux du chemin de Lescure, a pu légalement abroger la délibération du 25 janvier 2014, laquelle n'a créé aucun droit au profit de M. et MmeA....

6. Les dispositions de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le II de l'article 9 de l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration prévoit qu'elles sont applicables au retrait des actes administratifs unilatéraux qui sont intervenus à compter du 1er juin 2016, ne peuvent, en tout état de cause, être utilement invoquées à l'encontre de la délibération du 2 juin 2014 prise avant cette date.

7. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, repris par l'article L. 141-8 du code de la voirie routière : "Les dépenses obligatoires comprennent notamment : (...) 20° Les dépenses d'entretien des voies communales (..) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux.

8. Selon l'article 9 de l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales : " Deviennent voies communales les voies qui, conformément à la législation en vigueur à la date de la présente ordonnance, appartiennent aux catégories ci-après : / 1° Les voies urbaines ; 2° Les chemines vicinaux à l'état d'entretien ; le préfet établira, à cet effet, dans un délai de six mois, la liste par commune des chemins vicinaux à l'état d'entretien ; 3° ceux des chemins ruraux reconnus dont le conseil municipal aura, dans un délai de six mois, décidé de l'incorporation (...) ". Aux termes de l'article 12 de la même ordonnance : " Les chemins vicinaux et les chemins ruraux reconnus autres que ceux visés à l'article 9 sont incorporés de plein droit à la voirie rurale de la commune. ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 20 août 1881 relative au code rural, applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959 : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage public, qui n'ont pas été classés comme chemins vicinaux ". Selon l'article 4 de cette loi : " Le conseil municipal peut, sur la proposition du maire, déterminer ceux des chemins ruraux qui devront être l'objet des arrêtés de reconnaissance (...) ". Enfin, en vertu de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal (...) ".

9. Il ne résulte pas de l'instruction que le chemin de Lescure, propriété de la commune de Sérilhac et dont il est constant qu'il est ouvert au public, aurait fait l'objet d'un classement dans la voirie communale. Il n'est ni soutenu ni même allégué que ce chemin aurait constitué un chemin vicinal à l'état d'entretien, non plus qu'un chemin rural reconnu à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Dans ces conditions, le chemin de Lescure est un chemin rural, et non une voie communale soumise à l'obligation d'entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière opposé à la délibération du 2 juin 2014 doit être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. La responsabilité d'une commune en raison des dommages trouvant leur origine dans un chemin rural n'est pas, en principe, susceptible d'être engagée sur le fondement du défaut d'entretien normal. Il en va différemment dans le cas où la commune a exécuté, postérieurement à l'incorporation du chemin dans la voirie rurale, des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et a ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien.

11. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune ait effectué des travaux d'entretien du chemin de Lescure et qu'elle ait ainsi accepté d'en assumer l'entretien. Par suite, les époux A...ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de cette personne publique serait engagée en raison du défaut d'entretien normal de ce chemin rural. En tout état de cause, l'obligation d'entretien normal des chemins ruraux incombant éventuellement aux communes ne s'étend pas aux travaux d'amélioration et d'élargissement du chemin tels qu'ils sont demandés par les épouxA....

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ".

13. S'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police afin de réglementer et, au besoin, d'interdire la circulation sur les chemins ruraux et s'il lui incombe de prendre les mesures propres à assurer leur conservation, ces dispositions n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge des communes une obligation d'entretien de ces voies. Par suite, les requérants ne sauraient se prévaloir de cette obligation à l'encontre du refus opposé à leur demande d'amélioration du chemin de Lescure.

14. En dernier lieu, les consorts A...ne sauraient utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article UF 3 du plan local d'urbanisme de la commune, lequel prescrit que les accès d'un terrain constructible à une voie privée ou publique soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisin doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité et de la défense contre l'incendie, alors que cet article a vocation à régir les projets de construction et non les constructions existantes. Au demeurant, il n'est pas démontré que l'accès à la voie publique dont il bénéficie par la parcelle n° 199 avec l'accord de son propriétaire ne satisferait pas aux prescriptions de cet article. De même, l'état d'enclavement de leur propriété, lequel au demeurant n'est pas démontré, n'est pas de nature à révéler un défaut d'entretien normal de la commune.

15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires, que les consorts A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge d'aucune des parties les sommes demandées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Sérilhac présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...et M. B...A...et à la commune de Sérilhac.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 août 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNE Le président,

Jean-Claude PAUZIÈS Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Corrèze, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 16BX04210 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04210
Date de la décision : 28/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs - Actes non créateurs de droits.

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune - Chemins ruraux.

Voirie - Régime juridique de la voirie - Entretien de la voirie - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET HENRY - CHARTIER-PREVOST - PLAS - GUILLOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-08-28;16bx04210 ?
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