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28/08/2018 | FRANCE | N°16BX03190

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 août 2018, 16BX03190


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2016, et des mémoires enregistrés les 18 novembre 2016 et 5 avril 2018, la société par actions simplifiée (SAS) 4B, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2016 par lequel le maire de Villefranche-de-Lauragais a délivré à la société anonyme " L'immobilière européenne des Mousquetaires " un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché d'une surface de vente

de 2 650 mètres carrés, d'un point permanent de retrait de 60 mètres carrés d'emprise au...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2016, et des mémoires enregistrés les 18 novembre 2016 et 5 avril 2018, la société par actions simplifiée (SAS) 4B, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2016 par lequel le maire de Villefranche-de-Lauragais a délivré à la société anonyme " L'immobilière européenne des Mousquetaires " un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché d'une surface de vente de 2 650 mètres carrés, d'un point permanent de retrait de 60 mètres carrés d'emprise au sol et de trois pistes de ravitaillement.

2°) de mettre à la charge de la société immobilière européenne des Mousquetaires la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS 4B soutient que :

- le supermarché à l'enseigne Super U qu'elle exploite à Villefranche-de-Lauragais, se situe à quelques centaines de mètres seulement du terrain d'assiette du projet ; l'autorisation commerciale en litige aura un impact significatif sur son activité ; elle a donc intérêt pour demander l'annulation du permis valant autorisation d'exploitation commerciale ;

- ses écritures révèlent qu'elle entend contester le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation de construire ;

- la demande d'annulation du permis de construction a été régulièrement notifiée en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et a été introduite dans le délai de deux mois suivant la délivrance du permis de construire ;

- les visas de l'arrêté en litige ne montrent pas que le conseiller municipal, délégué à l'urbanisme, disposerait d'une délégation régulière du maire pour signer ce permis ; ce moyen est opérant à l'encontre d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

- le projet n'a pas pris en considération le critère de consommation économe de l'espace inscrit à l'article L. 752-6 du code de commerce ; si le terrain d'assiette se situe dans une zone d'activités, il est à l'état naturel et le projet va occuper la totalité de sa surface, imperméabilisée à hauteur de 80% ; les " espaces végétalisés " dans lesquels le porteur du projet inclut les 21 emplacements de stationnement en evergreen, seront inférieurs à 20% de la surface du terrain ; la surface dédiée aux aires de stationnement représente une consommation foncière de plus de 52 mètres carrés par emplacement, alors que les préconisations de la circulaire n° 77-170 du 28 novembre 1977 retiennent une surface de 25 mètres carrés, aire de manoeuvre incluse ;

- la commission nationale ne pouvait sans erreur qualifier un supermarché disposant d'une surface de vente de 2 650 mètres carrés auquel est accolé un " drive " et une station-service de " magasin de proximité ", contrairement d'ailleurs à celui qu'elle exploite, lequel propose notamment en matière alimentaire une offre autrement plus significative et variée que celle du futur magasin ; le projet n'est par ailleurs pas desservi par les transports collectifs et n'est pas davantage accessible par ses liaisons douces ; en outre, évaluer l'évasion commerciale à hauteur de 33 % dans le domaine alimentaire et considérer que le projet permettra de la juguler est parfaitement inexact dans la mesure où plusieurs grandes et moyennes surfaces alimentaires présentes dans la zone de chalandise n'ont pas été mentionnées dans le dossier de demande d'autorisation et que d'importants pôles commerciaux sont implantés dans l'agglomération toulousaine, en périphérie de la même zone ; si le projet n'aura aucun effet sur l'évasion commerciale existante, il aura en revanche un effet impactant sur l'appareil commercial et l'animation de la vie urbaine de la commune dans la mesure où il va inciter les habitants à s'y rendre et à délaisser corrélativement les petits commerces de proximité auprès desquels ils ont pour habitude de s'approvisionner ;

- l'étude de trafic est insuffisante ; l'affirmation selon laquelle " une grande majorité " du flux prévisionnel supplémentaire de près de 1 000 véhicules par jour induit par le projet " se trouve déjà dans les flux observés à proximité du site à savoir, les 8 010 véhicules / jour sur la D 622 ", n'est corroborée par aucune étude de trafic ; les RD 813 et 622 ne desservent toutefois pas directement le terrain d'assiette par la RD 622 A ; elles constituent en réalité des voies de transit dont les usagers ne peuvent pas être considérés comme des clients potentiels du futur supermarché ; si la commission indique dans son avis que " la desserte du site est facilitée par la présence de la D 622A confortée par un giratoire bien dimensionné ", le dossier ne comporte cependant aucune indication sur le trafic que reçoit cette RD 622 A ; la commission n'a ainsi pas été destinataire des éléments lui permettant d'apprécier l'impact du projet sur la circulation sur cette dernière voie ; il est incontestable que l'apport de près de 1 000 véhicules par jour sur le chemin de la Camave et sur la RD 622 A aura des répercussions négatives sur ces deux voies en termes de fluidité de la circulation et de sécurité des usagers et des clients du futur point de vente ;

- l'apport de près de 1 000 véhicules par jour sur le chemin de la Camave et sur la RD 622 A aura des répercussions négatives sur ces deux voies en termes de fluidité de la circulation et de sécurité des usagers et des clients du futur point de vente ;

- le projet n'est pas desservi par des modes de transports alternatifs doux ; la distance séparant les arrêts de bus les plus proches du terrain d'assiette du projet, conjuguée avec le nombre réduit de passages quotidiens, rend inexploitable ce moyen de transport pour les consommateurs non motorisés ; le projet n'est par ailleurs pas desservi par des pistes cyclables ou des liaisons piétonnes, aucun passage piéton sécurisé n'existant notamment sur la RD 622 A ;

- la qualité environnementale du projet est insuffisante ; la végétalisation du projet en termes de surface d'espaces verts est insuffisante et le bâtiment, de forme cubique banale, n'a qu'une faible valeur architecturale et esthétique ; aucun matériau provenant de filières locales n'est utilisé pour sa réalisation ; enfin, le projet ne comporte aucun dispositif permettant la production d'énergies renouvelables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2016, la commune de Villefranche-de-Lauragais, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et la mise à la charge de la SAS 4B d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de la société requérante, exploitante d'un magasin à l'enseigne Super U, est irrecevable au regard du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme dès lors qu'elle sollicite l'annulation du permis de construire dans son ensemble, alors qu'elle n'est habilitée à demander l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;

- pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis est irrecevable ; au demeurant, elle produit l'arrêté de délégation par lequel le maire a habilité M. Mercier notamment pour signer les autorisations d'urbanisme ; cet arrêté a été affiché, publié au registre des arrêtés de la Mairie, notifié à l'intéressé et transmis au préfet ;

- dès lors que la société 4B remet en cause la validité de l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial, elle s'en remet, sur ces questions, à la sagesse de la cour, le respect des dispositions du code de commerce ne relevant pas de sa compétence.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 novembre 2016 et les 12 avril et 3 mai 2018, la société immobilière européenne des Mousquetaires, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et la mise à la charge de la SAS 4B d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire est irrecevable ; seuls les moyens relatifs à la procédure relative aux commissions d'aménagement commercial régie par les articles L. 751-1 et R. 751-1 et suivants du code de commerce peuvent être soulevés à l'encontre du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ; au demeurant, l'arrêté en litige a été régulièrement signé ;

- le projet a un impact positif sur l'animation de la vie urbaine de la commune ; la zone de chalandise du projet a connu une augmentation démographique importante (+ 46,67 %) entre 1999 et 2013, une croissance de 26,87 % de la démographie étant enregistrée dans la seule commune de Villefranche sur la même période ; le projet se situe dans le secteur d'activité de La Borde Blanche regroupant des activités commerciales, dont le magasin exploité par la société 4B, artisanales, des services et des équipements publics ; le projet doit contribuer à la densification de la zone d'activité, en continuité de l'urbanisation existante, sur un terrain en friche sans aucune utilité ou vocation agricole ; il est compatible avec les objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays du Lauragais et le document d'orientations générales, lesquels indiquent notamment que la limitation de l'évasion commerciale vers les grands pôles de l'agglomération toulousaine reste l'enjeu majeur du territoire ; le projet assurera une diversification de l'offre alimentaire pour les consommateurs ;

- le projet n'aura qu'un impact modéré sur les flux de circulation ; aucun aménagement routier n'est nécessaire pour la desserte du projet ; le projet, dont les flux de circulation sont estimés à 995 véhicules/jour, n'engendrera pas de flux supplémentaires, les clients fréquentant déjà la zone commerciale ; les flux de livraison interviendront essentiellement en matinée et seront dissociés des véhicules légers ; les habitants de la commune peuvent se rendre au site à pied grâce à la présence de trottoirs et de passages sécurisés ou à vélo en empruntant la piste cyclable du canal du Midi, dont le parcours passe à proximité du site ; deux arrêts de bus sont implantés à proximité du projet à une distance de 400 et 500 mètres ; la circonstance que les horaires ne seraient pas à ce jour adaptés ne peut constituer à elle seule un motif de refus du projet ;

- les espaces verts représenteront 3 900 mètres carrés, soit 19,3 % de l'emprise foncière totale ; contrairement à ce que prétend la société 4B, les 21 places de parking non imperméabilisées réservées au personnel ne sont pas comptées dans la superficie des espaces verts ; un traitement des eaux pluviales et usées sera réalisé, de même qu'un traitement paysager sur les parties imperméabilisées comme le parking ou le long des limites séparatives ; l'isolation du bâtiment sera conforme à la réglementation thermique 2012 ; des équipements économes en énergie sont également prévus ; la livraison des marchandises sera confinée sur la façade Nord du bâtiment afin de limiter les nuisances sonores ; l'orientation des appareils d'éclairage extérieur est pensée de façon à éviter au maximum les dispersions vers le ciel ;

- le projet aura des effets positifs en matière sociale et de protection du consommateur ; des emplois seront créés et des partenariats développés avec des producteurs et prestataires locaux ; un soutien aux associations locales est également prévu ; de plus, la réalisation d'un drive répondra aux besoins actuels des consommateurs.

Par une ordonnance du 27 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 mai 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 5 juillet 2018 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société 4B, et de MeB..., représentant la société immobilière européenne des Mousquetaires.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme " L'immobilière européenne des Mousquetaires " a demandé le 12 novembre 2015 au maire de Villefranche-de-Lauragais un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de réaliser un supermarché d'une surface de vente de 2 650 mètres carrés, un point permanent de retrait de 60 mètres carrés d'emprise au sol avec trois pistes de ravitaillement, une station de service et une station de lavage sur un terrain situé chemin de la Camave, parcelles cadastrées B583, B584, B585, B586 et B617. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de la Haute-Garonne a émis le 3 février 2016 un avis défavorable au projet. Saisie sur recours du pétitionnaire enregistré sous le n° 2971 D, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), le 9 juin 2016, a admis ce recours et a émis un avis favorable à ce projet. La société en nom collectif (SNC) 4B, qui exploite à Villefranche-de-Lauragais, dans la zone d'activités du projet, un hypermarché sous l'enseigne " Super U ", demande à la cour d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2016 par lequel le maire de Villefranche-de-Lauragais a délivré à la SA L'immobilière européenne des Mousquetaires le permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ".

3. Si la société 4B, qui fait partie des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, ne peut présenter que des moyens relatifs à la régularité du permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation commerciale, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, qui met en cause la légalité du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation de construire comme autorisation d'exploitation commerciale, est recevable, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs.

4. Aux termes de l'article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les arrêtés du maire ainsi que les actes de publication et de notification sont inscrits par ordre de date. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, les arrêtés municipaux à caractère réglementaire sont publiés dans un recueil des actes administratifs dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'État dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces acte (...) ". Il résulte de ces dispositions que la formalité de publicité qui conditionne l'entrée en vigueur des actes réglementaires du maire peut être soit la publication, soit l'affichage.

5. Par un arrêté du 17 avril 2014 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, le maire de Villefranche-de-Lauragais a confié à M. Mercier, conseiller municipal, " délégation de signature de tous les documents relatifs aux fonctions décrites à l'article 1er " parmi lesquelles figurent la " délivrance des (...) autorisations d'urbanisme (...) ". La commune de Villefranche-de-Lauragais a produit un certificat de son maire du 18 avril 2018 attestant que cet arrêté avait été affiché à la porte de la mairie à compter du 22 avril 2014. Il ressort au surplus des pièces du dossier que cet arrêté est paru au recueil des actes administratifs sous le numéro 2014/AU n° 32. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. Mercier à signer le permis de construire en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier :

6. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " (...) Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules (...) ".

7. La société 4B soutient que le dossier de demande déposé par la pétitionnaire ne contenait pas d'indications suffisantes permettant à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier les impacts du projet sur les flux de circulation. S'il est constant qu'aucun comptage routier n'a été réalisé à hauteur du site, chemin de la Camave et la RD 622 A, ceux ayant servi de référence au pétitionnaire correspondent à la population transitant sur la RD 622, la RD 813 et la D 25 permettant d'accéder au magasin et sont suffisants pour calculer la fréquentation du site. Ces comptages réalisés en 2012 et 2013 ont été corroborés par la direction départementale des territoires, service instructeur du dossier devant la commission départementale. L'analyse prévisionnelle des flux de déplacement générés par le projet repose sur le trafic observé aux abords du magasin, en précisant les capacités d'absorption résiduelles du trafic automobile des voies d'accès. Le dossier comporte en outre une présentation de l'organisation de la circulation sur le site et des indications sur l'accès au site selon les différents modes de transport, et il n'est pas établi ni même allégué que les informations fournies seraient erronées. Par suite, la Commission nationale d'aménagement commercial a disposé d'éléments suffisants lui permettant d'apprécier les flux de circulation générés par le projet. La demande d'autorisation comportait ainsi les indications relatives à l'impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison permettant d'évaluer les flux de circulation et son impact sur les voies existantes. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande d'autorisation doit être écarté.

En qui concerne l'appréciation portée par la Commission nationale d'aménagement commerciale :

8. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Selon l'article L. 752-6 du code de commerce : "I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales. (...) " Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant du critère relatif à l'aménagement du territoire :

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les parcelles d'assiette du projet, sur une partie desquelles sont entreposés des matériaux, sont situées dans zone préexistante d'activité " la Borde Blanche " de la commune de Villefranche-de-Lauragais, à environ 1,3 kilomètre du centre-ville. Des activités commerciales, artisanales, industrielles et de services y sont implantés, et notamment des magasins à grande surface. Le projet doit permettre de diversifier l'offre commerciale de proximité, alors qu'un seul supermarché, exploité par la société requérante, et deux supérettes sont recensées sur le territoire de la commune. Cette nouvelle surface alimentaire apparaît également de nature à accompagner l'accroissement de la population de la zone de chalandise, qui a connu une augmentation de 43,89 % entre 1999 et 2012. Il ressort également des pièces du dossier que l'évasion commerciale du secteur est évaluée à 41 %. Eu égard à sa surface de vente et à la création d'un point permanent de retrait avec trois pistes de ravitaillement, le projet est de nature à réduire le phénomène d'évasion commerciale et ainsi, à contribuer à l'animation de la vie urbaine et rurale dans le secteur.

10. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes du b) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial d'examiner si le projet répond au critère de gestion raisonnée de l'espace, lequel s'apprécie notamment au regard de l'étendue et de l'optimisation de l'offre de stationnement. Il ressort des pièces du dossier que la superficie totale du bâti est de 4 620 mètres carrés pour une superficie totale du terrain de 20 184 m². Le projet comporte la création de 237 places de stationnement dont 21 en evergreen d'une superficie de 5 925 m². Ainsi, il n'existe pas de disproportion, eu égard à la fréquentation attendue d'environ 995 clients par jour, entre la surface occupée par les bâtiments et celle prévue pour le stationnement des véhicules. La société 4B ne saurait utilement se prévaloir des orientations de la circulaire ministérielle du 28 novembre 1977, laquelle n'a pas de valeur règlementaire. Par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du b) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la direction de l'équipement et des territoires du département de la Haute-Garonne a considéré que la capacité des infrastructures routières existantes était suffisante pour absorber les flux de circulation générés par le projet. La requérante n'apporte aucun élément concret de nature à remettre en cause ces constats et, par suite, l'appréciation de la commission nationale. Il ressort également des pièces du dossier que le site est accessible à pied grâce à la présence de trottoirs sécurisés. Si les abords immédiats du projet ne sont pas desservis par des pistes cyclables, une piste existe cependant au sein de la zone de chalandise et passe à proximité du projet. Enfin, deux arrêts du bus sont situés à 400 et 500 mètres du site du projet. Dans ces conditions, la commission nationale a pu estimer, sans erreur d'appréciation, que le projet en litige ne compromet pas l'objectif d'aménagement du territoire.

S'agissant du critère relatif au développement durable :

12. Le projet autorisé prévoit notamment la mise en place de dispositifs permettant la réduction des consommations d'énergie et le respect de la réglementation thermique 2012, le recyclage des déchets et la récupération des eaux pluviales. En outre, l'insertion paysagère du projet est suffisamment assurée par les caractéristiques architecturales du bâtiment envisagé situé en retrait de l'entrée du site. Un traitement paysager des espaces réservés au stationnement et en limites séparatives est également prévu. Enfin, les espaces verts représenteront environ 19 % de la superficie totale du terrain d'implantation. Dans ces conditions, le projet ne peut être regardé comme méconnaissant les objectifs fixés par le législateur en matière de développement durable.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS 4B n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2016 du maire de Villefranche-de-Lauragais.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA " L'immobilière européenne des Mousquetaires ", qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, la somme que demande la société 4B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS 4B la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la SA " L'immobilière européenne des Mousquetaires " et à la commune de Villefranche-de-Lauragais sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société 4B est rejetée.

Article 2 : La société 4B versera respectivement à la société " L'immobilière européenne des Mousquetaires " et à la commune de Villefranche-de-Lauragais une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée 4B, à la société anonyme " L'immobilière européenne des Mousquetaires ", à la commune de Villefranche-de-Lauragais et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 août 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNE

Le président,

Jean-Claude PAUZIÈSLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03190


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03190
Date de la décision : 28/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Procédure. Commission nationale d`aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET ALEO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-08-28;16bx03190 ?
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