Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1705159 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté en litige, a enjoint au préfet de la Dordogne de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mars 2018, le préfet de la Dordogne demande à la cour d'annuler ce jugement du 7 février 2018 du tribunal administratif de Bordeaux.
Il soutient que les premiers juges ont, à tort, considéré qu'il avait édicté son arrêté au terme d'une procédure irrégulière en ce que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis en date du 12 mai 2017, s'est abstenu d'indiquer si l'intéressé, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, or dans l'avis il est précisé que l'absence de prise en charge ne devrait pas entraîner pour l'étranger des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la réponse se rapportant à l'offre de soins était donc superflue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2018, M.B..., représenté par Me Reix, conclut au rejet de la requête et à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, ainsi à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- l'avis de l'OFII est irrégulier en ce qu'il ne prend pas position sur l'accessibilité des soins dans le pays d'origine ;
- le préfet ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la transmission par le médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du rapport médical au collège d'experts conformément aux dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le défaut de production d'un tel rapport entache la procédure d'irrégularité ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'en remettant entièrement à l'avis médical, au demeurant incomplet de l'OFII ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis médical de l'OFII ;
- le préfet a méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le traitement médical nécessaire au traitement de sa pathologie n'est pas disponible en Algérie ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et du délai de départ de trente jours :
- ces décisions sont privées de base légale dans la mesure où elles sont fondées sur une décision portant refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- ces décisions méconnaissent l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il est impossible de s'assurer qu'il aura effectivement accès aux soins en cas de retour dans son pays d'origine ;
En ce qui concerne le pays de renvoi :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
M. B...été maintenu de plein droit dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision de du 31 mai 2018 du bureau d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gil Cornevaux a été entendu au cours de l'audience publique :
Une note en délibéré présentée pour M. B...a été enregistrée le 3 juillet 2018.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien né le 1er octobre 1984 à Alger, est entré irrégulièrement en France le 25 février 2015. Sa demande d'asile ayant été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin 2016, M. B...a présenté, le 23 mars 2017, une demande de certificat de résidence algérien pour raisons de santé. Par un arrêté du 4 juillet 2017, le préfet de la Dordogne a rejeté sa demande et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Mme B...a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Bordeaux qui, par un jugement du 7 février 2018, a prononcé son annulation. Le préfet de la Dordogne relève appel de ce jugement.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. B...ayant été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la présente instance par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 31 mai 2018, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algérien et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (... ) ". En vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. ".
4. Pour annuler l'arrêté préfectoral en litige du 4 juillet 2017, les premiers juges ont considéré que celui-ci avait été pris à la suite d'une procédure irrégulière faute d'indication, par le collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis du 12 mai 2017, dans les conditions prévues à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, de la possibilité pour M.B..., de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par cet avis du 12 mai 2017, sur lequel le préfet de la Dordogne s'est fondé dans l'arrêté en litige, le collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M.B..., nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments de son dossier, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Ainsi, dès lors que le collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que la condition tenant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité du défaut d'une prise en charge médicale n'était pas en l'espèce remplie, l'absence de mention dans l'avis du 12 mai 2017 du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration relative à l'accès effectif au traitement approprié dans le pays d'origine n'a pas entaché d'irrégularité la procédure sur laquelle repose l'arrêté en litige du 4 juillet 2017 du préfet de la Dordogne. Le préfet de la Dordogne est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé sur l'existence d'un vice de procédure pour annuler son arrêté.
5. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M.B....
Sur la décision portant refus de séjour :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés :
6. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Au nombre des éléments de procédure que doit mentionner l'avis rendu par le collège de médecins figure, notamment, le nom du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a établi le rapport médical de façon à permettre à l'autorité administrative de s'assurer, préalablement à sa décision, que ce médecin ne siège pas au sein du collège qui rend l'avis, et, par suite, de la composition régulière de ce collège.
7. En l'espèce, il est constant que l'avis du collège de médecins du 12 mai 2017 ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis, ni même d'ailleurs l'existence d'un tel rapport. Par suite, le préfet de la Dordogne n'a pu s'assurer de la régularité de la composition du collège de médecins. M. B...ayant été, de ce fait, privé d'une garantie, est fondé à soutenir que l'arrêté du 4 juillet 2017 est entaché d'un vice de procédure et à demander, pour ce motif, l'annulation du refus de séjour qu'il comporte.
8. L'annulation du refus de séjour implique nécessairement l'annulation des décisions subséquentes, prises sur son fondement, à savoir les décisions portant éloignement, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, contenues dans l'arrêté contesté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté pris à son encontre par le préfet de la Gironde le 4 juillet 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le motif d'annulation retenu par le présent arrêt implique seulement que le préfet réexamine la situation de M. B...dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, verser à Me Reix, conseil M. B...sur ces fondements, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentées par M.B....
Article 2 : Le jugement n° 1705159 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 7 février 2018 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet de la Dordogne du 4 juillet 2017 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Dordogne de réexaminer la situation de M. B...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Me Reix, avocat de M.B..., la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2018.
Le rapporteur,
Gil CornevauxLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 18BX00937