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10/07/2018 | FRANCE | N°16BX01440

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 16BX01440


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'État à lui payer des heures de service qui auraient dû correspondre à des heures de décharge de service et d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de procéder au calcul de sa rémunération.

Par un jugement n° 1500562 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 30 novembre 2016, Mme A..., repr

ésentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2016 ;

2°) de cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'État à lui payer des heures de service qui auraient dû correspondre à des heures de décharge de service et d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de procéder au calcul de sa rémunération.

Par un jugement n° 1500562 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 30 novembre 2016, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2016 ;

2°) de condamner l'État à lui payer les heures de service telles que résultant du courrier du 27 août 2014 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de procéder au calcul de sa rémunération et des charges afférentes dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont pris en considération un mémoire du rectorat déposé après la clôture d'instruction fixée

au 30 septembre 2017 et se sont fondés sur les articles R. 914-83 et R. 914-85 du code de l'éducation qui n'étaient pas visés au dossier ; qu'en estimant qu'elle avait effectué un temps de service supérieur à son obligation règlementaire sans autorisation de l'autorité académique, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire puisqu'il n'a pas mis les parties en mesure de présenter leurs observations sur ce point en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- les heures de décharge réalisées par Mme A...en application de l'article 8 du décret du 25 mai 1950 sont statutaires et différentes des heures supplémentaires effectuées à la demande d'un chef d'établissement, lesquelles ne pourraient de surcroît porter que sur une tâche étrangère à l'activité d'enseignement telle que définie par le décret du 20 août 2014 ; les heures qu'elle a réalisées, validées par le rectorat dans un document intitulé " ventilation des services " doivent lui être payées par l'État dès lors qu'elles ont été effectuées au-delà de son obligation règlementaire de service qui est passée de 18 à 17 heures du fait de l'attribution d'une heure de décharge par l'administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2016, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête. Il s'en remet aux observations présentées par le recteur de l'académie de Bordeaux en première instance.

Par ordonnance du 5 septembre 2017 la clôture d'instruction a été fixée

au 6 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...A..., maître de l'enseignement privé, enseignant les sciences physiques au lycée privé Largenté à Bayonne, relève appel du jugement du 9 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui payer les heures de décharge de service dont elle aurait dû bénéficier pour les années 2009/2010, 2010/2011, 2011/2012, 2012/2013 et 2013/2014 et à ce qu'il soit enjoint au recteur de l'académie de Bordeaux de procéder au calcul de sa rémunération et des charges correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne.". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code: " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. (...)" et aux termes de l'article R. 613-4 : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ".

3. Lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire des mémoires produits par les parties postérieurement à la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le recteur de l'académie de Bordeaux a produit, le 7 octobre 2015, un mémoire en défense qui a été communiqué le 9 octobre 2015 par le tribunal au conseil de MmeA.... Cette dernière y a répondu par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Pau le 10 février 2016 lui-même versé au contradictoire. Si par une ordonnance du 19 août 2015, la clôture d'instruction avait été fixée au 30 septembre 2015, les communications de ces mémoires devaient être regardées comme une réouverture de l'instruction, laquelle a à nouveau été close par l'envoi de l'avis d'audience trois jours francs avant le 17 février 2016. Il s'ensuit que MmeA..., qui a été mise en mesure de répliquer au mémoire en défense, n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Pau aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

5. Par ailleurs, il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé, au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. En statuant ainsi, le juge ne relève pas d'office un moyen qu'il serait tenu de communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, et ne statue pas au delà des conclusions dont il est saisi.

6. Il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué - qui se fondent, du reste, sur une argumentation similaire à celle exposée, contrairement à ce que l'appelante prétend, dans les décisions contestées du 27 août 2014 et du 14 janvier 2015 et dans le mémoire en défense du recteur de l'académie de Bordeaux auquel elle a eu la possibilité de répliquer - que le tribunal administratif de Pau, à qui il appartenait de faire application des textes et de la jurisprudence en vigueur, et qui se borne à répondre au moyen invoqué par MmeA..., aurait soulevé d'office un moyen dont les parties n'auraient pu discuter et, par suite, entaché son jugement d'irrégularité. Il suit de là que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie devant le tribunal aurait méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ou le principe du caractère contradictoire de la procédure, faute d'avoir été invitée à produire ses observations sur les motifs retenus par les premiers juges pour rejeter sa demande.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article L. 914-1 du code de l'éducation : " Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'État par contrat. (...) ". Aux termes de l'article L. 442-5 du même code : " Les établissements d'enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l'État un contrat d'association à l'enseignement public (...) Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat. Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié (...) ". Par ailleurs, en application de l'article R. 914-85 du même code : " Les heures supplémentaires assurées sur autorisation de l'autorité académique pour les enseignements compris dans les programmes de l'enseignement public sont payées au taux en vigueur pour le personnel correspondant de l'enseignement public dans les mêmes conditions que la rémunération principale. (...) Ces heures peuvent être assurées, à la demande du chef d'établissement et sur autorisation de l'autorité académique, par des maîtres appartenant au secteur privé de l'établissement ".

8. En vertu de l'article 1er du décret du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré, les membres du personnel enseignant non agrégés, enseignant des disciplines littéraires ou scientifiques dans les établissements du second degré, sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, dans l'ensemble de l'année scolaire, un service hebdomadaire dont le maximum est fixé à dix-huit heures. Aux termes de l'article 8 du même décret : " (...) Dans les établissements où n'existe ni professeur attaché au laboratoire (ex-préparateur) ni agent de service affecté au laboratoire, le maximum de service des professeurs qui donnent au moins huit heures d'enseignement en sciences physiques ou sciences naturelles est abaissé d'une heure ".

9. Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, il résulte de ces dispositions que l'État est tenu de prendre en charge la rémunération à laquelle ont droit, après service fait, les enseignants des établissements privés sous contrat et qui comprend les mêmes éléments que celle des enseignants de l'enseignement public ainsi que les avantages et indemnités dont ceux-ci bénéficient. Cette obligation trouve à s'appliquer, même en l'absence de service fait, à l'égard des enseignants qui bénéficient de décharges d'activité. Toutefois il n'appartient pas à l'État de prendre en charge la rémunération des heures supplémentaires effectuées, au-delà des obligations de service, à la demande du directeur d'un établissement d'enseignement privé ou acceptées par celui-ci et sans autorisation de l'autorité académique.

10. Mme A...reprend en appel le moyen tiré de ce que les heures de décharge qu'elle a réalisées sont statutaires et ne constituent pas des heures supplémentaires effectuées à la demande d'un chef d'établissement. S'il est constant que l'intéressée a assuré un service hebdomadaire de 18 heures d'enseignement, alors qu'elle bénéficiait en l'absence de préparateur dans l'établissement d'une heure de décharge due au titre du laboratoire de sciences physiques pour les années scolaires de 2009/2010 à 2013/2014, il n'appartient pas à l'État, ainsi qu'il a été dit au point précédent, de prendre en charge la rémunération de l'heure supplémentaire d'enseignement qu'elle a effectuée par semaine au-delà des 17 heures correspondant à ses obligations réglementaires de service, dès lors que cette heure a été assurée à la demande du directeur de l'établissement ou acceptée par celui-ci, et sans autorisation de l'autorité académique et alors qu'elle était en droit de percevoir et a d'ailleurs perçu une rémunération correspondant à 18 heures de service hebdomadaires. Si l'appelante se prévaut d'un document intitulé " ventilation de services " adressé par les établissements à chaque rentrée scolaire dans lequel son emploi du temps et l'intégralité des heures qu'elle a assurées sont récapitulées afin de permettre la mise en paiement des salaires des enseignants, ledit document permet uniquement d'attester que les maîtres concernés effectuent leurs obligations réglementaires de service. Par suite, son envoi au recteur ne peut tenir lieu de demande d'autorisation de l'accomplissement par ces maîtres d'heures supplémentaires ni, a fortiori, le silence gardé par celui-ci comme valant tacitement autorisation de cette heure supplémentaire.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions en injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 juillet 2018.

Le rapporteur,

Aurélie B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX01440


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