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10/07/2018 | FRANCE | N°15BX03477

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 15BX03477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société martiniquaise des eaux (SME) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) au paiement d'une somme de 7 228 898, 48 euros HT, majorée des intérêts au taux contractuel et des intérêts des intérêts.

Par un jugement n° 1300626 et n° 1400682 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la CACEM à verser à la SME la somme de 3 179 961 euros majorée des intérêts au taux l

égal et capitalisés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société martiniquaise des eaux (SME) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM) au paiement d'une somme de 7 228 898, 48 euros HT, majorée des intérêts au taux contractuel et des intérêts des intérêts.

Par un jugement n° 1300626 et n° 1400682 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la CACEM à verser à la SME la somme de 3 179 961 euros majorée des intérêts au taux légal et capitalisés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2015, la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM), représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de ramener à la somme de 112 942 euros, subsidiairement à la somme de 431 439,50 euros, l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à la société martiniquaise des eaux (SME) par jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2015 et de réformer ce jugement en ce sens ;

2°) de mettre à la charge de la SME la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il a écarté la demande de requalification de la résiliation pour motif d'intérêt général en une résiliation pour faute, laquelle remet en cause le droit à indemnisation pour manque à gagner, sans se prononcer sur les suites à réserver aux fautes identifiées, d'autre part, que le tribunal a méconnu son office en se bornant à renvoyer au rapport d'expertise sur la marge bénéficiaire retenue ;

- le montant des dépenses de remise en état des ouvrages présentant un caractère de priorité doit être fixé à la somme de 546 200 euros ;

- le manque à gagner constitué à partir du bénéfice net avant impôt, revendiqué par la SME à hauteur de 1 273 918 euros, qui doit être affecté d'un abattement de 50 % pour tenir compte des investissements qui auraient dû être réalisés par la SME et qui l'ont été par la CACEM, s'élève à la somme de 639 959 euros, somme qui elle-même doit être divisée par deux pour tenir compte des fautes commises par la SME, soit, en définitive, la somme

de 318 479,50 euros ;

- enfin, si la résiliation est requalifiée en résiliation pour faute, seule une indemnité portant sur les biens de retour non amortis, diminuée du montant des dépenses de remise en état des ouvrages, est due, soit la somme de 112 490 euros, à défaut de requalification, l'indemnité due s'élève à la somme de 431 439,50 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2015, la société martiniquaise des eaux (SME), représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, que soit ramenée de 532 000 euros à 164 100 euros la somme retenue par le tribunal au titre de la remise en état des installations qui vient en déduction du montant de son indemnité de résiliation, et en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de la CACEM la somme

de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention en appel de la régie Odyssi serait irrecevable ;

- les moyens soulevés par la CACEM ne sont pas fondés ;

- le montant du coût de la remise en état de fonctionnement normal des ouvrages, compte tenu de leur âge et de leur utilisation ne peut excéder la somme de 164 100 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Salvi,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la CACEM.

Une note en délibéré pour la CACEM a été enregistrée le 20 juin 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat conclu le 31 mars 1999, la commune du Lamentin a confié à la société martiniquaise des eaux (SME) l'exploitation de son service d'assainissement pour une période

de 20 ans à compter du 1er avril 1999. Par arrêté du préfet de la région Martinique

du 31 décembre 2002, prenant effet au 1er janvier 2003, les compétences de la communauté d'agglomération du centre de la Martinique (CACEM), dont la commune du Lamentin est membre, ont été étendues au secteur de l'assainissement. À compter de cette date, la CACEM s'est ainsi substituée à la commune du Lamentin dans ses droits et obligations résultant du contrat en cause. Par délibération n° CC.04-69/2012 du 6 juillet 2012 la CACEM a, d'une part, prononcé la résiliation du contrat à compter du 1er janvier 2013, pour motif d'intérêt général, d'autre part, confié à la régie communautaire Odyssi la gestion du service public d'assainissement du Lamentin. La CACEM demande, à titre principal, que soit ramenée de 3 179 961 euros à 112 942 euros l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à la SME par jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2015 du fait de cette résiliation. La SME demande, par la voie de l'appel incident, que soit ramenée de 532 000 euros

à 164 100 euros la somme retenue par le tribunal au titre de la remise en état des installations et venant en déduction du montant de son indemnité de résiliation.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de la Martinique a expressément répondu aux moyens soulevés par l'appelante. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre, par les points 6 à 10 de son jugement, au moyen tiré de ce que la résiliation du contrat devait, selon la CACEM, être requalifiée en résiliation pour faute. Il en est de même, par les points 17 à 22 du jugement, pour ce qui est de la contestation de l'évaluation du manque à gagner, notamment du taux de marge bénéficiaire appliqué par le tribunal en tenant compte en particulier des opérations d'expertise sans d'ailleurs qu'il se soit estimé lié par le rapport de l'expert, ou encore de l'absence de prise en compte des investissements qu'elle aurait elle-même réalisés au bénéfice de la SME.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la demande de requalification du motif de la résiliation :

3. Il résulte de l'instruction que, par délibération du 6 juillet 2012, la CACEM a décidé de procéder à la résiliation de la délégation attribuée à la SME afin de rendre plus cohérent et rationnel à l'échelle du territoire communautaire, l'exercice de la compétence du service public de l'assainissement, cette compétence étant jusqu'alors exercée par délégation sur le territoire de la commune du Lamentin alors qu'elle était gérée en régie communautaire sur le territoire des trois autres communes composant la communauté. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, ce motif d'intérêt général justifiait, à la date à laquelle elle a été prise, la décision de résiliation unilatérale. La SME était ainsi en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de cette résiliation dès lors qu'aucune stipulation contractuelle n'y faisait obstacle.

4. Si la CACEM se prévaut de manquements commis par la SME dans l'exécution du contrat de sorte que la résiliation aurait dû, selon elle, être requalifiée en une résiliation pour faute, il ne résulte, en tout état de cause, pas de l'instruction que de tels manquements de

la SME à ses obligations contractuelles auraient été d'une gravité telle qu'ils auraient justifié une décision de résiliation unilatérale à ses torts exclusifs, faisant obstacle à une indemnisation du manque à gagner.

5. Toutefois, la CACEM pouvait, si elle s'y croyait fondée, saisir le juge d'une demande tendant à obtenir, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, la réparation du préjudice qu'elle aurait subi à raison des fautes éventuellement commises par la SME dans l'exécution du contrat, et ce alors même qu'elle avait décidé de procéder à une résiliation de ce contrat pour motifs d'intérêt général. Il ne résulte cependant pas de l'instruction que les fautes alléguées, à les supposer établies, aient causé à la CACEM un préjudice distinct de celui du coût de remise en état normal d'entretien des ouvrages pris en compte par ailleurs par les premiers juges.

En ce qui concerne les dépenses de remise en état des ouvrages :

6. Les premiers juges ont évalué le coût de remise en état normal d'entretien des ouvrages, au regard notamment du rapport d'audit du cabinet Géode missionné par la CACEM, à la somme de 532 000 euros correspondant aux travaux urgents à réaliser sous deux ans sur les sept stations d'épuration et les onze postes de refoulement retenus par ce rapport détaillé, distincts des travaux prioritaires à réaliser sous cinq ans et dont il n'était pas démontré par la SME qu'ils ne relevaient pas de ses obligations contractuelles d'entretien des ouvrages affectés à l'exploitation. Ni la CACEM, ni la SME n'apportent à l'instance d'appel d'éléments susceptibles de remettre en cause, à la hausse comme à la baisse, ce montant ainsi déterminé.

En ce qui concerne le montant du manque à gagner :

7. L'indemnité à laquelle a droit la SME en raison du manque à gagner résultant pour elle de la résiliation anticipée du contrat est déterminée en prenant en compte le bénéfice net avant impôt que lui aurait procuré la poursuite de l'exécution dudit contrat jusqu'à son terme. Ainsi que l'avait fait initialement valoir la SME devant les premiers juges, son résultat net moyen avant impôt sur les trois dernières années d'exploitation du service s'élève à un montant de 203 827 euros, d'ailleurs admis par la CACEM. Son manque à gagner doit dès lors être évalué pour la période de six ans et trois mois d'exploitation qui restaient à courir à la somme de 1 273 918 euros et non à celle de 3 053 269 euros retenue par les premiers juges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de la valeur non amortie des biens de retour d'un montant évalué par les premiers juges et non contesté par les parties

de 658 692 euros, l'indemnité due par la CACEM à la SME doit être ramenée à la somme

de 1 932 610 euros diminuée de la somme de 532 000 euros due par la SME au titre des dépenses de remise en état des ouvrages, soit à la somme finale de 1 400 610 euros. Il s'ensuit que la CACEM est fondée à obtenir en ce sens la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de la Martinique.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la CACEM, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la SME au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

10. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de la SME une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la CACEM et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La CACEM est condamnée à verser à la SME une somme ramenée

à 1 400 610 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1300626, 1400682 du tribunal administratif de la Martinique du 7 juillet 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : La SME versera à la CACEM la somme de 1 500 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du centre de la Martinique et à la société martiniquaise des eaux.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Salvi, président-assesseur,

Mme Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018

Le rapporteur,

Didier Salvi

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy VirinLa République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03477
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MBOUHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-10;15bx03477 ?
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