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28/06/2018 | FRANCE | N°18BX00966

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 18BX00966


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704434 du 30 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2018 et des mémoires en pr

oduction de pièces enregistrés le 7 mai 2018 et le 22 mai 2018, MmeA..., représentée par MeD...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 août 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704434 du 30 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2018 et des mémoires en production de pièces enregistrés le 7 mai 2018 et le 22 mai 2018, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours après notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 013 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de son droit à être entendue ; contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, elle n'a pas été entendue par l'administration lors de l'enregistrement de sa demande d'asile par la Croix Rouge, et si elle a été entendue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, cet entretien n'a porté que sur sa demande d'asile ; l'obligation de quitter le territoire français a été prise sur la base du rejet de la demande d'asile sans qu'elle ait pu invoquer des éléments relatifs à son état de santé ; plus d'un an s'est écoulé entre la décision de la Cour nationale du droit d'asile et l'arrêté attaqué ;

- elle a tenté à deux reprises de se présenter à la préfecture afin de faire valoir des éléments relatifs à sa situation, notamment au regard de son état de santé et sa situation de salariée ; l'administration a refusé d'examiner sa situation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 1er février 2018.

Une ordonnance du 9 mai 2018 a fixé la clôture de l'instruction au 24 mai 2018 à 12 heures.

Un mémoire a été présenté par le préfet de la Haute-Garonne le 5 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...B...A..., ressortissante ivoirienne née le 1er avril 1973 à Assinie (Côte d'Ivoire), est entrée en France selon ses déclarations le 8 août 2015. Elle a sollicité le 2 mars 2016 son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture de la Haute-Garonne. Sa demande a été rejetée le 29 juillet 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), rejet confirmé par une décision du 3 février 2017 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 8 août 2017, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 30 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

3. Lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile aient statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

4. Mme A...soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, qui ne découle pas d'un refus de délivrance d'un titre de séjour, est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle a été prise sans qu'elle ait été mise à même de présenter ses observations écrites et orales de façon spécifique sur cette mesure. Elle ajoute qu'elle a déposé sa demande d'asile auprès de la Croix Rouge et qu'elle n'a été entendue par cette association, ainsi que par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, que sur des questions relatives à sa demande d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier, sans que cela soit sérieusement contesté par le préfet de la Haute-Garonne, que Mme A...s'est rendue au guichet de la préfecture le 4 juillet 2016, soit plus d'un an avant l'arrêté contesté, accompagnée par un représentant de la Cimade, afin d'y déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, et que l'autorité administrative a refusé de lui délivrer un dossier. Ainsi, Mme A...doit être regardée comme ayant été empêchée de présenter des observations de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, en prenant l'arrêté litigieux sans permettre à Mme A...de faire valoir, notamment oralement, des observations complémentaires, le préfet a porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement et de l'arrêté qu'elle conteste.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Eu égard au motif sur lequel elle se fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas nécessairement, comme le demande la requérante, qu'il soit fait injonction au préfet de lui délivrer un titre de séjour, mais seulement qu'il soit procédé à un réexamen de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative:

8. Dans les circonstances de l'espèce, l'Etat versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 000 euros à Mme A...au titre des frais exposés en raison du caractère partiel de l'aide juridictionnelle dont elle a bénéficié.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704434 du 30 octobre 2017 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 août 2017 du préfet de la Haute-Garonne est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme A...au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX00966


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00966
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-28;18bx00966 ?
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