Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté urbaine du Grand Toulouse, devenue Toulouse Métropole, à lui verser la somme de 19 068,98 euros en réparation des préjudices subis du fait de la chute dont elle a été victime à Toulouse le 20 avril 2010.
Par un jugement n° 1401548 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné Toulouse Métropole à verser la somme de 14 180 euros à MmeA..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2014, et les sommes de 11 723,32 euros et de 1 047 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre du remboursement de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge de Toulouse Métropole les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 décembre 2016 et 8 septembre 2017 2017, Toulouse Métropole, représentée par la société d'avocats Bouyssou et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Toulouse ;
3°) de mettre à la charge solidaire de Mme A...et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la présence de l'excavation en cause ne constituait pas un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public mais correspondait au risque ordinaire contre lequel l'usager de la voie publique doit se prémunir ;
- il n'est pas contesté que l'excavation était parfaitement visible, l'accident ayant eu lieu en plein jour ; compte tenu des dimensions de l'excavation et de sa localisation en bordure de trottoir, Mme A...a commis une faute d'imprudence, alors qu'elle aurait dû accroitre sa vigilance du fait de l'utilisation anormale de l'ouvrage public ; la requérante circulait à contre sens sur la voie ;
- le lien de causalité entre l'excavation et la chute de Mme A...n'est pas établi ; l'attestation d'un témoin de l'accident datée du 1er août 2011, au demeurant peu probante, indique que Mme A...circulait à vélo sur le trottoir, de sorte que sa chute n'a pas pu être provoquée par l'excavation présente en bordure de trottoir ;
- il conviendrait à tout le moins de prononcer un partage de responsabilité ;
- l'indemnité allouée au titre des 258 heures d'aide par une tierce personne ne saurait excéder 2 580 euros, soit 10 euros de l'heure ;
- les indemnités allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent ne sauraient excéder, respectivement, 1 137,50 euros et 2 742,79 euros ;
- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie étaient irrecevables ; en effet, la caisse ne s'est pas associée aux conclusions de Mme A...mais elle a sollicité l'indemnisation de ses propres préjudices ; son mémoire en intervention n'était ainsi pas recevable.
Par un mémoire enregistré le 16 mars 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, représentée par la société d'avocats Thevenot et associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de porter au montant de 1 055 euros la somme que Toulouse Métropole a été condamnée à lui verser au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Elle soutient que :
- la responsabilité de Toulouse Métropole est engagée ;
- elle n'a pas présenté une intervention au sens de l'article R. 632-1 du code de justice administrative, mais un recours subrogatoire au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
- elle a droit à l'actualisation de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 juillet 2017 et 2 octobre 2017, Mme A..., représentée par Me Seignalet Mauhourat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Toulouse Métropole une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa chute a été provoquée par l'excavation de 17 cm du trottoir ; le rôle causal de l'état de la voirie a été notamment reconnu par les services techniques de la communauté urbaine du Grand Toulouse ;
- la profondeur de l'excavation révèle un défaut d'entretien normal de la voie publique ;
- il n'est pas établi qu'elle aurait circulé à vélo sur le trottoir, ou encore à contre sens sur la voie ; elle n'a commis aucune faute d'imprudence ;
- l'évaluation des préjudices faite par le tribunal doit être confirmée.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mars 2017.
Par une ordonnance du 11 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 octobre 2017 à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant Toulouse Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. Alors qu'elle circulait à vélo chemin de Pélude à Toulouse, Mme A...a, le 20 avril 2010 vers 17h30, fait une chute en descendant de son vélo. Agée de 70 ans à la date des faits, elle a présenté une fracture bi-malléolaire ayant nécessité une intervention chirurgicale. Toulouse Métropole, propriétaire et gestionnaire de la voirie, relève appel du jugement du 25 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à Mme A...une indemnité totale de 14 180 euros en réparation de ses préjudices, à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne les débours d'un montant de 11 723, 32 euros exposés au profit de son assurée, augmentée de l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 047 euros, et a mis sa charge les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sollicite l'actualisation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur la recevabilité de la demande de la CPAM de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif :
2. Toulouse Métropole soutient que, faute pour la CPAM de la Haute-Garonne de s'être associée aux conclusions de MmeA..., son " intervention " présentée devant le tribunal administratif était irrecevable. Toutefois, la demande de ladite caisse a été présentée sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et tendait au remboursement des débours exposés au profit de son assurée et à l'octroi de l'indemnité forfaitaire de gestion. Une telle demande ne constituait ainsi pas une intervention au sens de l'article L. 632-1 du code de justice administrative, de sorte que la fin de non-recevoir opposée par Toulouse Métropole ne peut qu'être écartée.
Sur la responsabilité de Toulouse Métropole :
3. Pour obtenir la réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage invoqué. Pour s'exonérer de sa responsabilité, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure.
4. Il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier du 13 février 2012 émanant des services techniques de la communauté urbaine du Grand Toulouse, devenue Toulouse Métropole, que la bordure du trottoir du chemin de Pélude, à Toulouse, présentait, au niveau du numéro 30 de la voie, une excavation d'une profondeur de 17 centimètres en raison de l'affaissement d'une sortie d'eau, qui a été réparée le 3 mai 2010, après la chute de Mme A...survenue le 20 avril 2010. Une telle défectuosité excédait les sujétions normales auxquelles doivent s'attendre les usagers de la voie.
5. Il résulte également des attestations circonstanciées d'un témoin de l'accident établies les 15 mars 2011 et 1er août 2011, lesquelles présentent un caractère probant bien qu'ayant été établies plusieurs mois après l'accident, que la présence de cette excavation est à l'origine de la chute de MmeA..., dont le pied gauche s'est trouvé coincé alors qu'elle descendait de son vélo.
6. Enfin, contrairement à ce que fait valoir Toulouse Métropole, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des attestations susmentionnées établies par un témoin de l'accident, que Mme A...aurait circulé à vélo sur le trottoir ou encore à contre-sens sur la voie, ni, en tout état de cause, que la chute dont s'agit serait imputable à une utilisation anormale de la voie publique. En outre, et bien que l'accident ait eu lieu en plein jour, il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'excavation, située en bordure de trottoir, aurait été aisément visible pour un usager circulant à vélo sur la voie. La chute dont Mme A...a été victime ne peut ainsi, dans les circonstances de l'espèce, être imputée à une faute d'imprudence de cette dernière.
7. Compte tenu ce qui a été dit précédemment, Toulouse Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de la chute dont Mme A...a été victime le 20 avril 2010.
Sur la réparation des préjudices de MmeA... :
8. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal ait fait une inexacte appréciation des préjudices dont Mme A...a été victime, au regard de l'âge de l'intéressée à la date de l'accident et compte tenu des caractéristiques de ses préjudices telles qu'elles résultent notamment du rapport de l'expert judiciaire, en lui allouant respectivement les sommes de 1 200 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et de 6 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
9. D'autre part, le tribunal administratif de Toulouse a alloué à Mme A...une somme de 2 580 euros en réparation du préjudice financier lié à la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne, une somme de 3 500 euros en réparation des souffrances endurées et une somme de 300 euros au titre du préjudice esthétique. Ces montants n'étant pas contestés en appel, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.
Sur les conclusions de la CPAM de la Haute-Garonne tendant à l'actualisation de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la santé publique :
10. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 047 euros et à 104 euros à compter du 1er janvier 2016 ".
11. Le jugement attaqué du 25 octobre 2016 a accordé à la CPAM de la Haute-Garonne, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, la somme de 1 047 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 21 décembre 2016 alors en vigueur. Si le plafond a été réévalué par la suite, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors que le présent arrêt ne majore pas le montant de la somme due au titre des prestations versées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A...et de la CPAM de la Haute-Garonne, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes, le paiement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Toulouse Métropole et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Toulouse Métropole la somme demandée de 1 200 euros à verser à Me Seignalet Mauhourat, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Toulouse Métropole et les conclusions de la CPAM de la Haute-Garonne sont rejetées.
Article 2 : Toulouse Métropole versera à Me Seignalet Mauhourat, avocat de MmeA..., la somme de 1 200 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Toulouse Métropole, à Mme B...A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et à Me Seignalet Mauhourat.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 juin 2018.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX04257