La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2018 | FRANCE | N°18BX00707

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 25 juin 2018, 18BX00707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Léandre Secket a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 8 janvier 2018 portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1800042 du 15 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 19 février 2018 et le 23 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...se disant Léandre Secket a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 8 janvier 2018 portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1800042 du 15 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 19 février 2018 et le 23 avril 2018, M. A...se disant Léandre Secket, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze du 8 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour ;

- il est entré régulièrement en France ;

- il établit sa présence sur le territoire français depuis 1992 ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dans la mesure où il rentre dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation en se fondant uniquement sur ses condamnations pénales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2018, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...se disant Léandre Secket, ressortissant centrafricain, entré en France, selon ses déclarations en 1992, s'est vu notifier, alors qu'il était incarcéré au centre de détention d'Uzerche, un arrêté portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans en date du 8 janvier 2018. Il relève appel du jugement du 15 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet de la Corrèze en date du 8 janvier 2018.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; ". Il ressort des pièces du dossier que M. A...se disant Léandre Secket ne justifie pas être entré en France régulièrement, ni avoir été titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'arrêté contesté lui faisant obligation de quitter le territoire français. L'intéressé entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider d'obliger un étranger à quitter le territoire français.

3. En deuxième lieu, l'arrêté contesté ne se prononce pas sur une demande de titre de séjour qu'aurait présentée M. A...se disant Léandre Secket. Par suite, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, si M. A...se disant Léandre Secket soutient qu'il aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour en 2013 auprès de la préfecture de la Seine-et-Marne, il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations de l'intéressé recueillies après la notification de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, qu'il n'a pas effectué les démarches nécessaires pour finaliser cette demande de titre de séjour.

4. En troisième lieu, il ne ressort ni de la lecture de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Corrèze n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant ou qu'il se serait fondé sur les seules condamnations pénales de l'intéressé pour prendre l'obligation de quitter le territoire français contestée.

5. En quatrième lieu, si M. A...se disant Secket fait valoir qu'il réside sur le territoire national depuis 1992 où demeure l'ensemble de sa famille, il ne justifie toutefois par les pièces qu'il produit ni de la continuité de son séjour en France depuis cette date ni de l'intensité et de la stabilité des liens familiaux qu'il y entretiendrait. Il est par ailleurs constant que l'intéressé a fait l'objet de dix-huit condamnations pénales depuis l'année 2004. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A...se disant Secket au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ; (...) ". Si M. A...se disant Secket soutient que l'obligation de quitter le territoire français du 8 janvier 2018 méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 511-4 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'établit pas qu'il résidait régulièrement en France, au sens de ces dispositions, depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée.

7. En dernier lieu, Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (....). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (....) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

8. Il ressort des termes de l'arrêté contesté du 8 janvier 2018 que M. A...se disant Secket qui conteste uniquement l'interdiction de retour sur le territoire français dans son principe et non dans sa durée, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire. L'intéressé n'ayant justifié d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, c'est, par suite, à bon droit que le préfet a décidé de prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...se disant Secket n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requêté de M. A...se disant Secket est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...se disant Secket et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Corrèze.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2018.

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,

Florence Rey-Gabriac

Le président,

Pierre C...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 18BX00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00707
Date de la décision : 25/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-25;18bx00707 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award