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12/06/2018 | FRANCE | N°18BX00558

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 12 juin 2018, 18BX00558


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Guyane d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " et, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par une ordonnance n° 1700076 du 23 octobre 2017 le président du tribunal administratif de Guyane a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions

de la requête de M. B...aux fins d'annulation et d'injonction.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Guyane d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Guyane a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " et, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par une ordonnance n° 1700076 du 23 octobre 2017 le président du tribunal administratif de Guyane a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B...aux fins d'annulation et d'injonction.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Guyane du 23 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle le préfet de Guyane a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délais, et de lui remettre une autorisation provisoire de séjour sous huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de la renonciation de Me C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité, en ce qu'il n'existait pas de non lieu à constater ;

- ainsi, le préfet ne l'a pas convoqué pour lui remettre un titre de séjour mais pour procéder au réexamen de sa situation administrative ;

- aucun titre de séjour ne lui a été remis à cette occasion, mais seulement un récépissé de sa demande de titre ;

- or, en l'espèce, aucune mesure d'éloignement n'était en cause mais uniquement un refus implicite de délivrance d'un titre de séjour ;

- ce refus n'est pas motivé, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ont été aussi méconnues les stipulations de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 14 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité haïtienne, né le 11 juin 1980, est entré en France le 18 novembre 2010, sous couvert d'un visa de court séjour. Il a sollicité, le 1er mars 2016, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Cependant, le préfet de la Guyane a conservé le silence sur cette demande, reçue le 5 mars 2016, de sorte qu'une décision implicite de rejet s'est formée le 5 mai 2016. M. B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler cette décision, mais, par ordonnance du 23 octobre 2017 le président de ce tribunal a estimé qu'il n'y a avait plus lieu de statuer sur cette demande. M. B...relève appel de cette ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Le premier juge a constaté l'existence d'un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet citée au point précédent et les conclusions aux fins d'injonction en estimant que le préfet de la Guyane avait retiré cette décision.

3. Il résulte, cependant, de l'instruction que ledit préfet, s'il avait délivré à l'intéressé, afin de procéder à l'examen de sa situation, un récépissé de demande de titre, qui régularisait son séjour le temps de l'instruction de cette demande mais ne l'autorisait pas à travailler, n'avait ni délivré le titre de séjour sollicité ni procédé au retrait de la décision implicite litigieuse. Par voie de conséquence, M. B...est fondé à soutenir que cette ordonnance est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

4. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de refus de séjour prise par le préfet de la Guyane par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B...tant devant le tribunal administratif de Guyane que devant la cour administrative d'appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet :

5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...)-restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. /Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B...a demandé au préfet, le 8 décembre 2016, la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Or, le refus implicite qui a été opposé par le préfet à la demande de titre de séjour de l'intéressé constitue une mesure de police qui doit être motivée en application des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, le préfet n'a pas effectué cette communication et n'a pris aucune décision motivée se substituant à ce refus implicite. Dans ces conditions, la décision attaquée doit être regardée comme ayant méconnu les dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration. L'appelant est par conséquent fondé à en demander l'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet procède à l'examen de la demande de titre de séjour présentée par M. B...et statue par une décision motivée. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement au conseil de M. B...de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1700076 du 23 octobre 2017 du président du tribunal administratif de Guyane est annulée.

Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet de Guyane a refusé d'admettre au séjour M. B... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Guyane de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera la somme de 1 200 euros au conseil de M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2018

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00558
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : PIALOU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-12;18bx00558 ?
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