Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'opérateur public régional de formation de Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 12 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la première section de la Guyane du 14 avril 2015 refusant l'autorisation de licencier Mme A...E...et, d'autre part, confirmé ce refus.
Par un jugement n° 1500905 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision du 12 octobre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016, Mme A...E..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 9 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'opérateur public régional de formation de Guyane devant le tribunal administratif de le Guyane ;
3°) de mettre à la charge de l'opérateur public régional de formation de Guyane la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du ministre dès lors qu'à la date du 30 décembre 2014, date de l'envoi de la lettre de sa convocation à l'entretien préalable, M. B...et Mme D...n'avaient, au sein de l'OPRF, ni la qualité de membre du comité d'entreprise de I'AFPA Guyane, ni la qualité de membre du comité d'entreprise de l'OPRF et encore moins celle d'administrateur représentant le personnel de l'OPRF ;
- en méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-2, L. 1232-4 et R. 1232-1 du code du travail, qui prévoient que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner les modalités d'assistance du salarié applicables en fonction de la situation de l'entreprise, cette même lettre du 30 décembre 2014 s'est bornée à mentionner qu'elle avait la faculté de se faire assister uniquement par une personne de son choix appartenant obligatoirement au personnel de l'entreprise ;
- dès lors, c'est à juste titre que le ministre a prononcé l'annulation de la décision du 14 avril 2015 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser son licenciement au motif tiré de l'irrégularité de la procédure suivie ;
- à cet égard, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la procédure de licenciement a été engagée alors que l'entreprise ne disposait pas d'institutions représentatives du personnel, la lettre de convocation à l'entretien préalable doit mentionner la faculté de se faire assister par une personne extérieure à l'entreprise, choisie sur une liste départementale dressée par le préfet et indiquer obligatoirement l'adresse des services où la liste des conseillers peut être consultée, informations que la lettre du 30 décembre 2014 ne comportait pas ;
- contrairement à ce qu'a fait valoir l'OPRF, elle pouvait se prévaloir de la circulaire N° 07-2012 du 30 juillet 2012, et notamment la fiche 5 relative aux procédures légales ou conventionnelles internes à l'entreprise en son sous paragraphe 1.1.2, dès lors que ladite circulaire a fait l'objet d'une publication sur le site du premier ministre, le 14 août 2012, dans la rubrique " instruction aux services déconcentrés " et " instruction du gouvernement ", conformément au décret n° 2008-1981 du 18 décembre 2008 ;
- la jurisprudence Danthony ne saurait lui être opposée dès lors que celle-ci était nécessairement connue à la date à laquelle cette circulaire du 30 juillet 2012 a été publiée ;
- en outre, en ne l'informant pas de son droit à choisir son conseil, ce qui constitue une atteinte aux prérogatives du salarié et au droit à un procès équitable, ainsi qu'aux droits de la défense et à l'accès du citoyen à la justice, son employeur l'a privée d'une garantie ;
- en tout état de cause, la cour ne pourra que constater que la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'illégalité interne, ce dernier ayant commis tant une erreur manifeste d'appréciation, qu'une erreur de droit ;
- en effet, alors que la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit énoncer de manière claire et non équivoque le motif sur lequel elle se fonde, afin de mettre l'administration à même d'effectuer son contrôle, l'OPRF s'est borné en l'espèce à évoquer son " refus fautif " d'accepter la proposition de poste qui lui a été faite en vue d'assurer son intégration effective au sein de l'organisme en indiquant qu'il revêtait " une gravité suffisante ", sans jamais qualifier la faute en précisant s'il s'agissait d'une faute sérieuse, grave ou lourde ;
- par ailleurs, l'employeur ne peut se prévaloir, sans avoir réintégré le salarié dans son emploi, d'un comportement fautif pour procéder à un licenciement disciplinaire ;
- or à la date des faits litigieux, elle n'avait toujours pas été réintégrée par l'OPRF, lequel persistait à lui interdire l'accès à son poste de travail, nonobstant les notifications de refus de l'inspection du travail du 6 mars 2014, du ministère du travail du 31 juillet 2014 et l'ordonnance du 18 avril 2014 du conseil des prud'hommes ;
- au demeurant, les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, dans la mesure où dès le 20 janvier 2015, lors de l'entretien préalable, elle a manifesté sa volonté de réintégrer I'OPRF puis, par courrier du 16 février 2015, elle avait accepté la proposition de poste d'assistante de direction - assistante qualité aux conditions de I'OPRF dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel devant statuer sur l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé du 18 avril 2014 et le calcul de sa rémunération ;
- en réalité, l'OPRF ne lui a pas proposé un aménagement de ses attributions, ni même un changement de ses conditions de travail, mais une novation du contrat de travail, sous la forme d'un reclassement de niveau inférieur, avec une rémunération moindre, destinée à faire échec au transfert de plein droit prévu à l'article L. 1224-1 du code du travail ;
- au surplus, la demande d'autorisation de licenciement devait se placer sur le terrain économique et non disciplinaire, d'autant que le fait générateur de la modification de son contrat de travail est d'ordre économique ;
- dès lors que le poste qui lui avait été proposé ne peut être regardé comme équivalent à son poste initial, sur lequel le conseil des prud'hommes, juge du contrat de travail, avait, par ordonnance du 18 avril 2014, ordonné sa réintégration, et emportait de surcroit une baisse de sa rémunération annuelle brute de 5 117,15 euros, la demande d'autorisation de licenciement présentée sur le terrain disciplinaire pour un refus de changement des conditions de travail ne pouvait être que rejetée dès lors qu'il s'agissait d'une modification essentielle du contrat de travail ;
- or le refus de la modification du contrat de travail ne constitue ni une faute, ni en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
- dès lors que le fait invoqué par l'OPRF ne présente pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, l'autorité administrative est tenue de rejeter la demande d'autorisation formulée par l'employeur, tous les autres moyens soulevés à l'encontre de ce refus étant alors inopérants ;
- l'accumulation des demandes d'autorisation de licenciement formées par son employeur constitue un acharnement plus que contestable de l'OPRF, lequel a poursuivi ses agissements vexatoires, humiliants et discriminatoires à son encontre.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2016, l'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Région Guyane, représenté par MeF..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de Mme E...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à juste titre que le tribunal administratif de la Guyane a relevé l'illégalité interne de la décision du ministre du travail du 12 octobre 2015 prononçant l'annulation de la décision de refus de l'inspection du travail du 14 avril 2015 et refusant le licenciement de MmeE..., dès lors que la décision du ministre du travail est motivée à tort par une irrégularité de procédure et se fonde sur des faits matériellement inexacts ;
- s'agissant de la procédure suivie, d'une part, Mme E...n'a nullement été privée d'une garantie dans la mesure où elle a bénéficié de l'assistance d'un conseiller du salarié lors de son entretien préalable et, d'autre part, l'absence de la mention relative au conseiller du salarié dans le courrier de convocation à l'entretien préalable n'a eu aucune influence sur la décision de l'OPRF ;
- à cet égard, si l'appelante soutient que le fait qu'elle ait été assistée d'un conseiller lors de l'entretien préalable serait indifférent dans la mesure où elle n'aurait pas bénéficié d'une " ouverture exhaustive du choix de son conseiller ", elle a eu toute latitude pour choisir un conseiller du salarié, étant rappelé qu'elle est elle-même titulaire de ce mandat et dispose de la liste préfectorale des conseillers du salarié, sur laquelle figurent leurs coordonnées ;
- l'intéressée ne peut valablement se prévaloir de la circulaire n° 07-2012 du 30 juillet 2012 dans le cadre de la présente instance dans la mesure où, d'une part, elle ne possède aucun caractère impératif et règlementaire et ne lie en aucun cas les inspecteurs du travail et que, d'autre part, elle s'avère illégale, le ministre du travail ne disposant d'aucune compétence règlementaire lui permettant d'édicter de nouvelles règles en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, et a fortiori de déléguer sa signature pour l'adoption de telles règles ;
- en tout état de cause, le caractère impératif, au demeurant contesté, de la circulaire, ne serait pas de nature à faire obstacle à la mise en oeuvre de la jurisprudence Danthony issue de l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 décembre 2011 ;
- la décision ministérielle est entachée d'inexactitude matérielle dès lors que l'OPRF disposait, que ce soit lors de la convocation ou lors de l'entretien préalable, de deux représentants syndicaux au conseil d'administration, lesquels ont participé, en qualité de représentants du personnel, aux conseils d'administration de l'OPRF, dès le 7 janvier 2014, soit sept jours après que le transfert des salariés de la première des trois structures, l'AFPA Guyane, ait été effectif au 1er janvier 2014 ;
- bien que le ministre du travail ne se soit pas prononcé pas sur les motifs de la demande d'autorisation présentée par l'OPRF et se soit limité à l'examen de la régularité de la procédure de licenciement, l'OPRF entend rappeler qu'il a sollicité une autorisation de licenciement de l'intéressée en raison de son refus fautif d'accepter un changement de ses conditions de travail décidé par l'OPRF dans le cadre de son pouvoir de direction, en fournissant toutes les explications nécessaires et en qualifiant la faute, de sorte que ladite demande d'autorisation n'est entachée d'aucune insuffisance de motivation ;
- si l'intéressée considère que la proposition de poste qui lui a été faite par l'OPRF se fondait sur une cause économique, et que, face au refus de la salariée, l'employeur ne pouvait motiver sa demande par une faute de celle-ci, ce raisonnement n'est applicable qu'à la modification du contrat de travail du salarié et non, comme c'est le cas en l'espèce, en cas de simple changement des conditions de travail du salarié décidé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction ;
- dès lors, la demande d'autorisation de licenciement adressée par I'OPRF à l'inspection du travail devait nécessairement se placer sur le terrain disciplinaire, sans que puisse avoir une incidence les circonstances que le poste d'assistante de direction - assistante qualité ait été proposé à l'intéressée à la suite de son transfert au sein de I'OPRF et de l'absence de reprise du poste qu'elle occupait au sein de l'AFPA Guyane ou, encore, que deux instances aient été alors pendantes devant la Cour d'appel et le tribunal de grande instance, qui posaient des questions juridiques différentes ;
- en outre, l'employeur ne pouvait valablement présenter une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de l'intéressée, dans la mesure où, au mois de février 2015, il ne rencontrait pas de difficultés économiques justifiant un tel licenciement ;
- le refus du simple changement des conditions de travail peut revêtir le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, le Conseil d'Etat jugeant, en particulier, que le refus du salarié d'accepter un nouvel emploi comportant un niveau de responsabilités et de qualification, une charge de travail et une rémunération équivalents à ceux attachés à son précédent emploi constitue un comportement fautif ;
- en l'espèce, dès lors que le poste occupé par l'intéressée au sein de I'AFPA Guyane n'avait pas fait l'objet d'une reprise par l'OPRF dans le cadre du plan de cession homologué par le tribunal, l'organisme ne pouvait réintégrer la salariée au poste d'assistante de direction Niveau II, raison pour laquelle à la suite d'un entretien organisé le 1er septembre 2014, l'OPRF lui a proposé les postes équivalents d'Assistante de Direction - Assistante qualité au sein du service qualité, ainsi que gestionnaire du dispositif "Tremplin", ou "Passerelle vers l'emploi", avec un délai de réflexion d'un mois ;
- alors que le poste d'Assistante de direction - Assistante qualité induisait le même niveau de responsabilités et un maintien de la rémunération anciennement perçue et n'entraînait donc pas de modification du contrat de travail à ce titre, l'intéressée a fait grief à l'OPRF de ne pas intégrer dans sa proposition ses avantages individuels acquis, et notamment la prime d'expérience, la PRU et le treizième mois, en se basant sur des bases de calcul erronées dès lors que le coefficient qui lui avait été attribué au sein de I'AFPA Guyane ne pouvait être transposé à l'OPRF, les deux structures étant soumises à des textes conventionnels différents ;
- si, par courrier du 16 février 2015, Mme E...a indiqué qu'elle acceptait d'être réintégrée sur le poste d'Assistante de Direction - Assistante qualité, sous la condition expresse de ne signer aucun avenant " dans l'attente des décisions judiciaires ", ce courrier ne révélait pas une volonté claire et non équivoque de l'intéressée d'être réintégrée sur ce poste, d'autant que lors de l'audience de la Cour d'appel de Cayenne du 23 février 2015, elle a maintenu son refus du poste proposé aux conditions fixées par l'OPRF ;
- en réalité, l'intéressée a tenté d'obtenir un maximum d'avantages à l'occasion de sa réintégration, en forçant l'OPRF à aller bien au-delà de ses obligations ;
- la difficulté de la situation personnelle de la salariée, mise en avant par l'inspecteur de travail dans sa décision de refus d'autorisation, ne saurait être remise en question par I'OPRF, mais ce dernier conteste le raisonnement tenu par celui-ci, consistant à considérer que ces difficultés auraient atténué la gravité du refus fautif de l'intéressée ;
- l'intéressée ne saurait sérieusement se prévaloir d'un acharnement de l'OPRF à obtenir une autorisation administrative de licenciement la concernant en faisant état de trois demandes d'autorisation de licenciement pour motif économique présentées par l'AFPA Guyane, structure totalement distincte ;
- l'OPRF conteste l'intégralité des accusations de harcèlement moral et de discrimination proférées à son encontre, dès lors qu'il n'a eu de cesse, depuis août 2014, de tenter de réintégrer l'intéressée en son sein et qu'il s'est systématiquement heurté au refus fautif de la salariée, jusqu'au 27 avril 2015, ce qui a conduit l'inspecteur du travail lui-même à reconnaître qu'elle avait commis une faute en s'opposant aux propositions faites.
Par ordonnance du 1er juin 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E...a été recrutée par l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) de la Guyane, d'abord en qualité de sténodactylographe correspondancière, à compter du 1er janvier 1976, pour une durée indéterminée, puis a évolué vers le poste d'assistante de direction à compter du 1er novembre 2001. A la suite de difficultés financières, l'AFPA a, par jugement du 24 décembre 2013 du tribunal de grande instance de Cayenne, fait l'objet d'une reprise, par cession, de 32 de ses salariés sur 35 au profit de l'opérateur public régional de formation (OPRF), établissement public industriel et commercial créé par délibération du conseil régional de la Guyane du 23 mai 2013 et ayant démarré son activité le 1er janvier 2014, le plan de cession prévoyant par ailleurs trois licenciements, dont celui de MmeE.... Par décision du 31 juillet 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 mars précédent refusant l'autorisation de licencier pour motif économique MmeE..., titulaire du mandat de conseiller du salarié sous l'étiquette Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), et a refusé le licenciement de celle-ci compte tenu des conditions de cession et de transfert du personnel à l'OPRF, lequel a alors dû reprendre le contrat de travail de MmeE.... Par un courrier du 2 septembre 2014, la directrice générale de l'opérateur public a formulé deux propositions de poste à l'intéressée, en l'invitant à lui faire part de son choix d'affectation dans un délai d'un mois. Après plusieurs échanges infructueux, l'OPRF a reçu Mme E...à une entretien préalable a licenciement le 20 janvier 2015 puis, par courrier du 19 février suivant, a saisi l'inspection du travail pour solliciter l'autorisation de licencier Mme E...pour le motif disciplinaire tiré du refus fautif de la salariée d'accepter un changement de ses conditions de travail décidé par l'OPRF dans le cadre de son pouvoir de direction. Par une décision du 14 avril 2015, l'inspecteur du travail de la première section de la Guyane a refusé le licenciement de MmeE..., après avoir relevé que si l'intéressée, " en s'abstenant de se présenter à son employeur ou de s'adresser à lui pour reprendre l'exécution du contrat de travail qui la lie à l'OPRF a, dans les faits, refusé la modification des conditions de travail qui lui était proposée ", une telle faute n'était pas suffisamment grave pour justifier son licenciement. Parallèlement à la procédure de réintégration de MmeE..., l'OPRF a formé, le 12 juin 2015, un recours hiérarchique contre ladite décision auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, lequel, par décision du 12 octobre 2015, a annulé la décision de l'inspecteur du travail pour erreur de droit et refusé le licenciement de l'intéressée. Mme E...relève appel du jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guyane, saisi par l'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Guyane, a annulé cette dernière décision du 12 octobre 2015.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ". Aux termes de l'article L. 1232-3 de ce code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. ". L'article L. 1232-4 dudit code dispose : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. ". Aux termes de l'article R. 1232-1 de ce même code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. / Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. / Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié. ". En vertu de l'article D. 1232-5 de ce code : " La liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture. / Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie. ".
3. Il résulte des dispositions précitées que tout salarié faisant l'objet d'un licenciement a le droit de se faire assister par une personne de son choix lors de l'entretien préalable au licenciement. Dans l'hypothèse où l'entreprise est dépourvue d'institution représentative du personnel, la lettre de convocation à l'entretien préalable doit mentionner la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié de son choix inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département, cette information constituant une garantie au sens de la jurisprudence Danthony. Lorsque le salarié concerné est le seul représentant du personnel dans l'entreprise, sa situation doit être assimilée à celle dans laquelle se trouve tout salarié dont l'entreprise est dépourvue d'institution représentative du personnel. Dans cette hypothèse, l'omission, dans la lettre de convocation adressée par l'employeur, de l'indication de la faculté de se faire assister par un conseiller du salarié entache d'illégalité la décision administrative autorisant le licenciement du salarié concerné.
4. Il est constant que la lettre du 30 décembre 2014 par laquelle la directrice générale de l'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Guyane a convoqué Mme E...le 20 janvier 2015 à un entretien préalable à son licenciement indiquait qu'elle pouvait, si elle le souhaitait, être assistée par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Toutefois, ladite lettre ne mentionnait pas l'ensemble des possibilités offertes par les dispositions précitées de l'article L. 1232-4 du code du travail, et, tout particulièrement, sa possibilité d'être assistée alors par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative, dont l'adresse des services dans lesquels ladite liste était tenue à sa disposition devait être précisée. L'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Guyane ne conteste pas plus en appel qu'en première instance le fait que Mme E...devait, compte tenu de la composition du personnel de l'entreprise, être assistée par un conseiller du personnel extérieur à celle-ci. Dans ces conditions, la mention erronée contenue dans la lettre de convocation du 20 décembre 2014 a restreint les droits de la salariée dans la défense de ses intérêts, en la laissant totalement libre de son choix. La circonstance, dont se prévaut l'OPRF intimé, que Mme E...soit finalement parvenue, par ses propres moyens, à être accompagnée, le 20 janvier 2015, par un conseiller du salarié sous l'étiquette Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC), n'était pas de nature à l'exonérer de son obligation d'informer au préalable la salariée de l'ensemble de ses droits dans le cadre de la procédure de licenciement, afin d'assurer le principe des droits de la défense, lequel constitue une garantie fondamentale (CE, n° 389635, B, 19 juillet 2017, Société GSMC Innovation). Il suit de là que la procédure suivie par l'opérateur public régional de formation (OPRF) de Guyane est entachée d'une irrégularité qui faisait obstacle, ainsi que l'a relevé le ministre du travail dans la décision contestée du 12 octobre 2015, à ce que l'autorisation de licenciement, qu'il avait sollicité le 19 février 2015, fût accordée. Dès lors, et ainsi que le soutient MmeE..., c'est à tort que les premiers juges ont annulé ladite décision au motif tiré de ce que le ministre ne pouvait légalement refuser cette autorisation en considération de l'irrégularité substantielle entachant la procédure ainsi suivie.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'opérateur public régional de formation devant le tribunal administratif de la Guyane.
6. Ainsi qu'il vient d'être dit au point 4, la procédure suivie par l'opérateur public régional de formation est entachée d'une irrégularité qui faisait obstacle à la délivrance de l'autorisation de licenciement sollicitée. Dès lors, l'autorité administrative compétente était tenue, pour ce seul motif, de refuser ladite autorisation. Il s'ensuit que l'ensemble des autres moyens soulevés par l'office intimé doivent être écartés comme inopérants.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé la décision contestée du 12 octobre 2015 et à demander l'annulation de ce jugement.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeE..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'opérateur public régional de formation (OPRF) de Guyane demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge l'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Guyane la somme que l'appelante demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500905 du 9 juin 2016 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Guyane devant le tribunal administratif de la Guyane est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E...et les conclusions de l'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Guyane tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., à l'opérateur public régional de formation (OPRF) de la Guyane et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2018, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2018.
Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre du travail et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
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N° 16BX02659