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07/06/2018 | FRANCE | N°16BX00085

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 07 juin 2018, 16BX00085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les époux D...ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Saint-Gence à leur verser la somme de 52 577,87 euros en réparation de leurs préjudices consécutifs aux décisions des 11 juillet et 5 octobre 2006 ayant refusé le raccordement de leur habitation au réseau électrique, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable.

Par un jugement n° 1400845 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Saint-

Gence à verser aux époux D...une indemnité de 8 000 euros à titre de dommages et inté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les époux D...ont demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Saint-Gence à leur verser la somme de 52 577,87 euros en réparation de leurs préjudices consécutifs aux décisions des 11 juillet et 5 octobre 2006 ayant refusé le raccordement de leur habitation au réseau électrique, assortie des intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable.

Par un jugement n° 1400845 du 12 novembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Saint-Gence à verser aux époux D...une indemnité de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2016, et un mémoire présenté le 2 juin 2017, la commune de Saint-Gence, représentée par la SCP Pielberg-C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 novembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par les époux D...devant le tribunal administratif de Limoges ;

3°) de mettre à la charge des époux D...une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la créance des époux D...était prescrite : en considérant que la preuve de la notification de la décision illégale ne pouvait résulter que d'un acte formel de notification et non du recours gracieux formé par les intéressés contre la décision du 11 juillet 2006, le tribunal a commis une erreur de droit ; le recours gracieux présenté le 14 septembre 2006 par les époux D...démontre qu'ils avaient valablement reçu notification de la décision du 11 juillet 2006 au plus tard le 14 septembre suivant ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la commune de Saint-Gence devait être tenue pour entièrement responsable des dommages subis par les époux D...du fait de l'illégalité de la décision refusant de faire droit à leur demande de raccordement :

- les époux D...aurait dû rechercher la responsabilité du Syndicat Energie Haute-Vienne qui était la seule autorité compétente disposant du pouvoir de raccorder leur immeuble, quel que soit l'avis émis par la commune ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, en vertu de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, un changement de destination impliquant des travaux, même d'aménagement intérieur, nécessitait une autorisation préalable ; en l'espèce, la transformation du garage des époux D...en maison d'habitation n'a pu être réalisée que par des travaux d'aménagement intérieur ayant pour effet de changer la destination de cette construction ; ils ont d'ailleurs reconnu, dans leur recours gracieux présenté le 14 septembre 2006, qu'il s'agissait désormais d'un bungalow de week-end devant répondre à des normes minimum d'habitabilité ;

- la seule autorisation d'urbanisme délivrée concernant l'immeuble qu'ils avaient acquis est le permis de construire un garage de 12,50 m² obtenu le 24 décembre 1985 ;

- les requérants, alors même qu'ils ne seraient pas à l'origine du changement de destination litigieux, se trouvent dans une situation illégitime dès lors que leur habitation a été aménagée sans l'autorisation requise par le code de l'urbanisme et que leur terrain est compris dans une zone agricole où les constructions à usage d'habitation sont, à moins d'être nécessaires à une exploitation agricole, interdites par le plan local d'urbanisme ; l'illégitimité de leur situation exonère la commune de Saint-Gence de toute responsabilité ; ils ne peuvent pas venir prétendre au versement d'une indemnisation pour des préjudices qui résultent directement et uniquement de la situation qu'ils ont eux-mêmes créée ;

- en tout état de cause, les époux D...ne sont pas fondés à demander le versement d'une indemnité au titre de l'augmentation du coût du raccordement entre 2006 et 2013 alors qu'ils ne démontrent pas qu'ils auraient essayé de mettre en oeuvre ce raccordement ; Trente-deux mois après l'accord de la collectivité, ce raccordement n'était d'ailleurs toujours pas réalisé à défaut pour eux d'en avoir les moyens financiers ;

- le préjudice de jouissance de ce qui devrait être un garage et non pas une maison d'habitation n'apparaît pas en rapport direct avec la décision de la commune de Saint-Gence de refuser le raccordement à l'électricité dès lors qu'il n'est pas démontré que cette décision les aurait empêchés d'utiliser leur garage ;

- étant dans une situation illégitime, ils ne sont pas fondés à demander réparation de leur préjudice moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2016, les épouxD..., représentés par MeB..., demandent à la cour de confirmer le jugement du tribunal administratif de Limoges, de condamner la commune de Saint-Gence à leur verser une indemnité de 52 577 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable, ainsi que la somme de 21 000 euros correspondant au prix de la vente de leur bungalow, et de mettre à la charge de la commune une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Ils font valoir que :

- comme l'ont estimé les premiers juges, c'est à compter de la notification régulière de la décision que doit courir la prescription quadriennale ;

- le courrier par lequel un maire informe le gestionnaire du réseau de son refus de faire droit à une demande de raccordement émanant d'un particulier ne constitue pas une mesure préparatoire insusceptible d'être contestée par le juge administratif ;

- il ressort de l'acte de vente du 9 février 2001 qu'ils ont fait l'acquisition d'un terrain d'agrément sur lequel est édifiée une construction légère de type " bungalow de week-end " ; l'attestation notariale établie par un notaire de Nieul mentionne également que ces derniers ont acquis un " bungalow en dur de week-end " ; ainsi, les travaux qu'ils ont réalisés et qui, selon la commune, portent sur la pièce " initialement qualifiée de toilettes ", n'ont pas eu pour conséquence de changer la destination de cet immeuble ;

- ils ont subi un préjudice lié à l'augmentation des frais de raccordement de leur habitation qui sont passés de 14 190 euros en 2006 à 23 555,66 euros en 2013 ; ils sont dès lors fondés à demander le versement d'une indemnité de 9 360,66 euros à ce titre ;

- le refus illégal de raccordement leur a causé des préjudices financiers liés à l'acquisition et au fonctionnement d'un groupe électrogène d'un montant de 5 000 euros ; le coût de l'utilisation de leur groupe électrogène, durant six mois de l'année, pendant 76 mois, se chiffre à la somme de 16 200 euros, outre le montant de son entretien qui s'élève à 2 017,21 euros ;

- ainsi que le montrent les courriels produits et datés du mois de septembre 2016, cette collectivité les a empêchés de vendre leur " bungalow de week-end " depuis le jugement du 12 novembre 2015, leur causant ainsi un préjudice qu'ils évaluent à 21 000 euros correspondant au prix de vente de ce bien ;

- ils ont subi des troubles de jouissance de leur bien immobilier où ils ont été contraints de vivre sans électricité depuis 2006 ; ce préjudice se chiffre à la somme de 10 000 euros ;

- ils ont également subi un préjudice moral en lien avec leurs conditions d'existence dans ce bungalow, qui peut être évalué à 10 000 euros ; Mme D...s'est en effet vu prescrire des anxiolytiques en raison du stress permanent auquel elle s'est trouvée exposée, compte tenu du manque de luminosité dans son logis et de l'absence de chauffage adapté.

Par une ordonnance du 24 mai 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 juin 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, modifiée, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret du 29 juillet 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la commune de Saint-Gence.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D...sont propriétaires depuis 2001 d'une parcelle cadastrée AH n° 132 sur laquelle est édifiée une construction dont ils ont sollicité le raccordement au réseau d'électricité. Le 11 juillet 2006, le maire de la commune de Saint-Gence s'est opposé à cette demande. A la suite de leur recours gracieux, le maire a réitéré le rejet de leur demande par décision du 5 octobre 2006. Les époux D...ont alors demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 5 octobre 2006. Le tribunal a fait droit à leur demande par un jugement rendu le 16 octobre 2008. Par un jugement du 18 février 2010 confirmé par un arrêt de la cour du 23 novembre 2010, le tribunal administratif de Limoges a enjoint au maire de Saint-Gence de leur délivrer l'autorisation de procéder au raccordement au réseau d'électricité. Ils ont finalement obtenu cette autorisation de raccordement le 17 janvier 2011. Les époux D...ont ensuite sollicité, par un courrier en date du 26 avril 2013, l'indemnisation, à hauteur de 52 577,87 euros, des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison des refus de raccordement de leur habitation au réseau électrique. La commune de Saint-Gence relève appel du jugement du 12 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser aux époux D...une indemnité de 8 000 euros en réparation de leurs préjudices.

Sur la prescription quadriennale :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.(...) ". Selon l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / (...) ".

3. Lorsqu' est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision individuelle illégale et non de l'application de dispositions règlementaires, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel cette décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été valablement notifiée.

4. La commune de Saint-Gence n'établit pas les dates auxquelles ont été notifiées aux époux D...les décisions des 11 juillet et 5 octobre 2006 qui constituent le fait générateur des préjudices évoqués par ces derniers. Or, la circonstance qu'un recours administratif et un recours contentieux aient été formés contre ces deux décisions, si elle est de nature à interrompre le délai de prescription qui aurait été déclenché dans les conditions énoncées à l'article 2 précité, demeure sans incidence sur le déclenchement du délai de quatre ans prévu au premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968. Par suite, l'exception de prescription opposée par la commune de Saint-Gence ne peut qu'être écartée.

Sur la responsabilité :

5. En premier lieu, la commune de Saint-Gence soutient que la demande des époux D...serait mal dirigée et que ces derniers auraient dû rechercher la responsabilité exclusive du Syndicat Energie Haute-Vienne dès lors que celui-ci disposait du pouvoir de raccorder leur immeuble indépendamment de l'avis émis par le maire de Saint-Gence.

6. Aux termes du I de l'article 23-1 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, applicable à la date des décisions litigieuses, désormais codifié à l'article L. 342-1 du code de l'énergie : " Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants (...) ". En vertu de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités ". Enfin, selon l'article 49 du décret du 29 juillet 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, applicable à la date des décisions litigieuses : " Les projets d'ouvrages du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, des réseaux de distribution aux services publics, des réseaux de distribution publique d'énergie électrique et des lignes privées établies par permission de voirie doivent, préalablement à toute exécution, faire l'objet d'une approbation dans les conditions fixées par l'article 50 ci-après. / Toutefois, les travaux qui se bornent à l'établissement ou à la modification d'une canalisation de tension inférieure à 63 kV et dont la longueur ne dépasse pas 1 km peuvent être exécutés sans approbation préalable du projet à charge pour le distributeur ou le maître d'ouvrage des travaux de prévenir vingt et un jours à l'avance l'ingénieur en chef chargé du contrôle et les services intéressés, et sous la condition qu'aucune opposition de leur part ne soit formulée dans ce délai. / S'il y a opposition, le projet de l'ouvrage doit être instruit dans les formes prévues à l'article 50 ci-après (...) ".

7. Il résulte des dispositions précitées que la décision prise par le maire d'une commune de s'opposer au raccordement définitif d'un bâtiment en application de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme peut être notifiée tant au pétitionnaire lui-même qu'au gestionnaire du réseau à l'occasion de l'avis que celui-ci sollicite auprès de la commune, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 49 du décret du 29 juillet 1927 pour l'établissement ou la modification d'un ouvrage de distribution d'une tension inférieure à 63 kV et dont la longueur ne dépasse pas 1 kilomètre, au titre de l'information préalable des "services intéressés" mentionnés par cet article. Par suite, le courrier par lequel un maire émet un avis défavorable à une demande de raccordement émanant d'un particulier ne constitue pas un simple avis d'opposition aux travaux d'extension projetés qui ne lierait pas le gestionnaire du réseau mais doit être regardé comme un acte décisoire faisant obstacle à ce que le gestionnaire puisse procéder au raccordement de la construction.

8. Il ressort des pièces du dossier que, le 11 juillet 2006, le maire de Saint-Gence a émis un avis défavorable à la demande de raccordement de l'habitation des époux D...au réseau électrique en raison de l'irrégularité de leur construction au regard des règles d'urbanisme applicables. Il a ensuite confirmé cette décision par un courrier du 5 octobre 2006. Par suite, et contrairement à ce que soutient la commune, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la position prise par le maire ne pouvait s'analyser comme un simple avis d'opposition aux travaux d'extension projetés par les époux D...mais constituait un acte décisoire susceptible d'engager la responsabilité de la commune. En outre, par la décision du 21 septembre 2011, le syndicat Energie Haute-Vienne s'est borné à rejeter la demande des époux D...tendant à obtenir un tarif de raccordement plus avantageux mais ne s'est en rien opposé au raccordement de la construction des intéressés. Dans ces conditions, le moyen tiré par la commune de ce que la demande indemnitaire des époux D...n'aurait pas été dirigée contre la personne publique responsable de leurs préjudices ne peut qu'être écarté.

9. En second lieu, par un jugement du 16 octobre 2008, le tribunal administratif a estimé que le maire de Saint-Gence, en se fondant notamment, pour refuser de faire droit à leur demande de raccordement, sur le fait que les époux D...avaient modifié la destination de leur construction sans autorisation, a fait une inexacte application de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers aient exécuté d'autres travaux ayant eu pour effet de changer la destination de leur immeuble postérieurement à l'achèvement des travaux ayant fait l'objet de déclarations de travaux en 2001, ni même que le changement de destination allégué, à le supposer avéré, aurait procédé de l'exécution de travaux. Ce jugement étant devenu définitif, faute pour la commune de Saint-Gence d'en avoir relevé appel, le bien fondé de l'illégalité retenue par le tribunal administratif ne peut plus être discuté par la commune devant la cour. Par suite, cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune pour les préjudices subis par les épouxD..., dans la mesure où ils sont en lien direct avec la décision annulée.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. En premier lieu, les époux D...sollicitent une indemnité correspondant à la différence entre le prix que leur auraient couté les travaux de raccordement au réseau électrique en 2006, s'ils avaient alors obtenu leur autorisation de raccordement, et le montant de ces mêmes dépenses le 17 janvier 2011, date à laquelle le maire de Saint-Gence a autorisé la réalisation desdits travaux. Or, les époux D...n'ayant toujours pas procédé au raccordement de leur habitation au réseau électrique, le préjudice dont ils demandent réparation présente un caractère éventuel et non certain. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande qu'ils avaient présentée à ce titre.

11. En deuxième lieu, les époux D...sollicitent le versement d'une indemnité correspondant au montant des dépenses d'acquisition, de fonctionnement et d'entretien du groupe électrogène qu'ils ont utilisé durant plusieurs années, compte tenu du refus illégal de raccordement dont ils ont fait l'objet. Cependant, ils n'établissent pas davantage en appel qu'en première instance, que les frais correspondant à l'achat du groupe électrogène et à l'entretien de celui-ci seraient supérieurs aux dépenses qu'ils auraient dû exposer pour procéder au raccordement de leur habitation au réseau électrique et aux frais qu'ils auraient dû engager pour bénéficier des prestations de distribution d'électricité entre 2006 et 2011.

12. En troisième lieu, les époux D...soutiennent que l'absence de raccordement de leur construction au réseau électrique a eu des effets néfastes sur la santé de Mme D...et sollicitent à ce titre le versement d'une indemnité en réparation de leur préjudice moral. Toutefois, les seuls certificats médicaux produits par les intéressés remontent à 2013, période au cours de laquelle les époux D...disposaient déjà de l'autorisation de raccorder leur habitation au réseau d'électricité. De plus, il ne ressort pas de ces certificats médicaux que la dégradation de l'état de santé de la requérante serait imputable à ses conditions de vie, à son domicile, entre 2006 et 2011. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire présentée par les époux D...au titre de ce préjudice, à défaut pour ces derniers d'avoir démontré le lien de causalité entre les pathologies évoquées et le refus illégal de raccordement.

13. En quatrième lieu, les époux D...demandent, pour la première fois en appel, la condamnation de la commune de Saint-Gence à leur verser une indemnité à hauteur de 21 000 euros correspondant au montant auquel ils auraient vendu leur bien immobilier si le maire de la commune ne n'était pas opposé à cette vente. Cependant, si le premier acquéreur ayant manifesté de l'intérêt pour ce bien a finalement renoncé à son acquisition par lettre du 22 mai 2016, il ne résulte pas de l'instruction que cette renonciation serait imputable à un fait de la commune. Ensuite, si un second acquéreur a soumis une proposition d'achat aux épouxD..., le 5 septembre 2016, pour un montant de 21 000 euros, avant d'y renoncer à son tour le 16 septembre 2016, après avoir pris connaissance des réponses apportées par le maire aux questions juridiques qu'il lui avait transmises, il ne résulte pas de l'instruction que cette renonciation serait imputable au refus initial du maire de délivrer l'autorisation de raccordement de l'habitation en litige au réseau d'électricité, alors au demeurant que ce second acquéreur n'envisageait pas de procéder à un tel raccordement mais prévoyait au contraire d'installer des panneaux solaires. Par suite, et en tout état de cause, les conclusions des époux D...tendant au versement d'une indemnité destinée à compenser l'impossibilité de vendre leur bien ne peuvent qu'être rejetées.

14. En cinquième et dernier lieu, les époux D...demandent le versement d'une indemnité de 10 000 euros en réparation des troubles de jouissance que leur a causés la décision par laquelle le maire de Saint-Gence a refusé le raccordement de leur habitation au réseau électrique.

15. Ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, le tribunal administratif de Limoges a estimé, par un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée, que le maire de Saint-Gence n'avait pu légalement se fonder, pour refuser de faire droit à la demande de raccordement en litige, sur ce qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, les épouxD..., en transformant leur immeuble en habitation, auraient méconnu les règles d'urbanisme applicables sur le territoire communal. Ainsi, la commune n'est pas fondée à invoquer la situation irrégulière dans laquelle se seraient placés les intéressés pour contester les troubles de jouissance qu'ils allèguent avoir subis. Enfin, la commune de Saint-Gence ne produit aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges concernant ce chef de préjudice. Par suite, il y a lieu de confirmer l'indemnité de 8 000 euros que le tribunal administratif a condamné la commune de Saint-Gence à verser aux époux D...en réparation de ce préjudice.

16. Il résulte de ce qui précède d'une part, que la commune de Saint-Gence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée au versement d'une indemnité de 8 000 euros aux époux D...et d'autre part, que les conclusions incidentes présentées par ces derniers doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les époux D...n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune de Saint-Gence en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Gence le versement aux époux D...d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Gence est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Gence versera la somme de 1 200 euros à M. et Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme D...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Gence et à M. et Mme A...D....

Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique le 7 juin 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIERLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

8

N° 16BX00085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00085
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Point de départ du délai.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-07;16bx00085 ?
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