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29/05/2018 | FRANCE | N°18BX00575

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 29 mai 2018, 18BX00575


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703533 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M.A..., représenté par MeC

..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703533 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, subsidiairement de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ;

- l'arrêté est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de 1'enfant ;

Par ordonnance du 27 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Manuel Bourgeois a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant kosovar né le 15 janvier 1995, a déclaré être entré en France le 2 février 2015 afin d'y demander l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 8 janvier 2016, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 septembre 2016. Le 29 septembre 2016, M. A...a sollicité auprès de la préfecture de la Gironde la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 23 mai 2017, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux comporte, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé d'en comprendre les motifs, les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite il est suffisamment motivé au regard de dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de cet arrêté que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de l'appelant ou qu'il se serait estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier que la compagne de M.A..., de nationalité serbe, est titulaire d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et qu'à la date de l'arrêté litigieux, le couple avait eu deux enfants nés les 29 juillet 2014 et 19 octobre 2015. Toutefois, M.A..., dont le séjour en France présente un caractère très récent, ne justifie de l'existence d'une vie commune avec sa compagne qu'à compter du 23 octobre 2015, soit moins de deux ans à compter de l'arrêté litigieux. En outre, s'il fait valoir que l'ensemble de la famille nucléaire de sa compagne réside régulièrement en France, cette circonstance ne s'oppose pas à ce que celle-ci l'accompagne, avec leurs enfants, pour permettre à leur cellule familiale de se reconstituer hors de France et notamment dans son pays d'origine où il n'est pas établi qu'elle ne serait pas admissible. Enfin, l'appelant ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. A...n'est pas davantage fondé à soutenir que cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que la décision fixant le Kosovo comme pays de renvoi n'a pas nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, les enfants du couple de l'un de leurs parents. En outre, l'aîné de ces enfants était âgé de moins de trois ans à la date de ces décisions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, lequel n'est opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, doit être rejeté.

7. En quatrième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

8. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel n'est également opérant qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, M. A...fait valoir qu'en raison de la collaboration de son père avec l'armée serbe il serait exposé à des traitement inhumain ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a été définitivement rejetée, n'apporte aucun élément précis et circonstancié de nature à établir la véracité et la réalité des risques auxquels il serait toujours et personnellement exposé dans ce pays. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A...dirigées contre l'arrêté litigieux doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....

Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2018

Le rapporteur,

Manuel BourgeoisLe président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa BeuzelinLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18BX00575


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00575
Date de la décision : 29/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-05-29;18bx00575 ?
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